Le "parano", terme largement répandu dans le langage populaire, décrit un individu suspicieux, persuadé que la terre entière lui veut du mal. En réalité, la personnalité paranoïaque regroupe un ensemble de particularités qui font d’elle, une source inépuisable d’embrouilles…

Nous sommes inévitablement amenés à en croiser un, tôt ou tard, sur notre route. Le paranoïaque est celui pour qui l’environnement humain est dangereux. Au delà de cette réalité bien connue, cette personnalité étrange possède d’autres spécificités, rendant la relation très complexe.

"La méfiance, la promptitude à la défense et à l’attaque, le caractère querelleur et provocateur, l’orgueil, la vantardise, le mépris des autres, le désir de dominer et de soumettre constituent les caractéristiques principales de la personnalité paranoïaque."

En fait, le paranoïaque possède un moi hypertrophié, autrement dit un égo démesuré. Une vérité toute simple l’anime, le monde se divise en deux clans : LUI et les autres. LUI, c’est le propre, les autres, le sale. C’est ainsi qu’autrui se voit taxé de toutes sortes de souillures : mauvaises intentions, malveillance, malhonnêteté, médisance, moeurs dépravées etc… Du haut de sa grande supériorité, il se sent menacé et incompris par toutes ces petites gens stupides.

Il s’attribue d’abondantes vertus et qualités bien évidemment inégalables, s’octroyant le droit (quasi divin), de rabaisser ses congénères à la moindre occasion. Cette personne pour qui toute rivalité est intolérable, n’a de cesse de lancer des attaques, se livrant à une véritable guerre quotidienne et sans merci. Normal, il possède tellement de châteaux (en Espagne), qu’il ne peut être que chevalier. Comme la belle-mère de Blanche-Neige, ne pouvant admettre une seconde place, il élabore des stratégies vindicatives. S’il n’empoisonne pas ses ennemis à l’aide d’une pomme tentatrice (quoi que…), il s’emploie habilement à empoisonner la concurrence. Les mots sont une arme qu’il manie de manière redoutable. Du harcellement au rabaissement, en passant par la calomnie, tout est bon pour faire ployer l’adversaire.

Lorsque les inévitables ripostes tombent, notre chevalier crie à l’injustice et hop !… Le voilà victime… En fait, le paranoïaque n’est jamais à l’origine du conflit. "C’est lui qui a commencé, et c’est celui qui dit qui est !" Comment fait-il pour s’en tirer toujours à si bon compte ? Grâce à ses mécanismes de défense psychiques bien sûr ! Celui qu’il privilégie entre tous est la projection. Le but est de cracher ses miasmes sur le voisin pour se décontaminer. Autrement dit, il expulse ce qu’il refuse de reconnaître en lui et l’attribue à l’extérieur. Ainsi, un tel "ne peut pas le voir" alors qu’il exprime en réalité sa propre haine. Un autre "veut sa peau", et il ne fait là que parler que ses désirs inconscients de meurtre.

Souvent, les actes agressifs du paranoïaque sont perçus comme totalement gratuits et insensés. Or, pour lui et dans sa réalité interne, il s’agit d’auto-défense.

"Désagréable, hautain, personnel, le paranoïaque sera assez vite repoussé, isolé et persécuté".

Le rejet d’un tel personnage est le premier réflexe. Mais il faut tenter d’imaginer de quel univers terrifiant il est prisonnier, dans lequel il tente de survivre avec les moyens du bord. La sagesse préconise de ne pas porter attention à ses élucubrations, généralement fort bien structurées. Ne parle-t’on pas de la paranoïa comme de la "folie raisonnante" ? Cette expression met en exergue tout le paradoxe de cet être aux facultés intellectuelles aigûes mais malheureusement utilisées au service de sa folie. Indulgence et pardon donc, dans le regard que nous osons porter sur LUI…

 

Sources : "Manuel de Psychiatrie" de Julien-Daniel guelfi et frédéric Rouillon éditions Masson