Il suffit de consulter les pages des « Actualités » de Google pour s’en rendre compte : très médiatisée, la pédophilie n’est cependant pas une lubie des médias, une quasi-rumeur suramplifiée sans réalité autre qu’épisodique, exceptionnelle. Et son vecteur, outre la proximité du cercle familial, des « intimes » ou des lieux éducatifs ou de loisirs, est bien par prédilection l’Internet. Elle se couple souvent, par le biais de réseaux informels restreints, avec le tourisme sexuel. C’est pourquoi il n’est pas indifférent que les centres d’appel Internet de la Russie aient rejoint, aux côtés de ceux de l’Afa (Association des fournisseurs d’accès Internet) et de son site central Pointdecontact, le réseau international InHope couvrant à présent 33 pays…


« Lille : le pédophile piégait ses victimes sur Internet » (Le Parisien, 8 juin 2010), « Arrestation d’un pédophile recherché sur trois continents » (Ouest-France, 11 juin), « A light of hope for abused children » (Japan Times, 15 juin) : les cas de pédophilie les plus graves font encore les unes des titres de presse du monde entier. Cela tient à la sensibilisation de l’opinion sur le sujet, et au fait que de plus en plus de cas sont rapportés et aussi mis à jour, hors de l’huis-clos des tribunaux pour mineurs. Récemment, en Gironde, un éducateur de 55 ans a été condamné à quinze ans de réclusion pour des viols de mineurs alors âgés de 4 à 13 ans. Le condamné diffusait des images pornographiques de mineurs. Il avait été perquisitionné lors d’une opération de police en 2007 qui avait porté sur 628 internautes. Tous ne passent pas aux actes, la majorité ne cherchant pas forcément à contacter des proies, et ceux qui le font peuvent s’en tenir à des attouchements. Pour ces cas moins sanctionnés par la justice, le « tarif » de la brève en rubrique « faits-divers » de la presse régionale, mentionnant ou nom l’identité du prévenu, s’applique sans qu’il soit renforcé par un appel en une. De même, les cas de pédophiles se rendant à l’étranger ou d’étrangers venant en France mais interpellés dans leur pays  d’origine passent souvent inaperçus.

 

Outre la Russie, la Roumanie et la Slovaquie, pays d’hébergement de sites pédopornographiques locaux ou détenus par des étrangers y ayant créé un domaine, viennent de rejoindre la fédération internationale des centres d’appels (hotlines) InHope.  Pour l’Afa (Association des fournisseurs d’accès), « l’arrivée de la Russie est un signe fort pour la fédération qui rappelle que la majorité des sites pédopornographiques sont hébergés en Russie ou aux États-Unis. ».  L’Afa, membre fondateur d’InHope, via son site Point de contact, avait reçu, en 2009, 250 signalements de sites hébergés en Russie, soit 15 % des signalements effectués via ce seul site francophone. La Russie a rejoint la Hongrie et la Tchéquie en tant que membres définitifs d’InHope, Roumanie et Slovaquie étant devenues membres « provisoires » (pouvant devenir membres permanents sous une année). Le maillage s’étend aussi internationalement, hors d’Europe, à Taïwan, au Japon, à l’Afrique du Sud, à la Corée du Sud, et aux États-Unis. Il est renforcé par le réseau des « nœuds de sensibilisation européen  InSafe (…) regroupés en un partenariat dans chaque pays européen pour constituer un centre “ Safer Internet ” que soutient également la Commission européenne. ».

 

Outre le signalement de sites, les organismes adhérents s’efforcent de mener des actions de sensibilisation auprès des parents ou des adolescents. La mise en relations d’adultes avec des mineurs passe par les réseaux sociaux sur lesquels les pédophiles usent souvent du subterfuge de se faire passer pour un « pair » d’âge voisin de l’interlocutrice ou de l’interlocuteur. Une expérience a été faite dans une école britannique : la plupart des enfants et adolescents, de tous groupes d’âge scolaire de collège (jusqu’à environ 17 ans en Grande-Bretagne), n’ont pu déterminer s’ils conversaient avec un adulte ou un autre collégien. Seulement 18 % ont émis des doutes (16 % pour les garçons, 22 % pour les filles). Ce test a visé à mettre au point un logiciel de traitement automatique du langage naturel qui, par analyse sémantique, permettrait de détecter le sexe et l’âge approximatif d’un locuteur. Mis au point par l’université de Lancaster, ce logiciel ne vise pas spécifiquement à détecter des visées pédophiliques, mais son apport en ce domaine est considéré très sérieusement. L’adaptation des principes de ce logiciel à d’autres langues que l’anglais est parfaitement envisageable.

 

À la « coopération internationale » des milieux des délinquants sexuels correspond une réponse tout aussi étendue. Chaque année, le réseau fondé par l’Afa se renforce et s’étend. Mais la vigilance individuelle et l’information des enfants et adolescents restent les meilleurs garants de la prévention des risques. Ne serait-ce que pour ne pas se retrouver dans la collection d’images d’un sexagénaire français qui, signalé par la police brésilienne à la gendarmerie de Pau au printemps dernier, a été retrouvé en possession de milliers d’images et de centaines de vidéos (« pesant » pas moins de 13 gigaoctects), enfants et adolescents doivent être mieux informés et sensibilisés. Partenaire de l’Afa, le site Net Écoute , encore en version beta, s’adresse à ce jeune public avec pour slogan « si ce n’est pas net, on t’écoute ». Outre la délinquance sexuelle, il traite de divers sujets comme le « happy slapping » (« dérouillade » d’un souffre-douleur d’occasion par un groupe), le harcèlement en ligne (propagation de rumeurs offensantes visant une personne), le « sexting » (envoi de photos à caractère sexuel via les mobiles). Ce site incite à « sauvegarder les preuves » : « il est important de savoir comment sauvegarder une conversation (…) nous pourrons t’aider et te conseiller au mieux, et si c’est grave, te mettre en relation avec la police… ». Qu’on se l’exagère ou qu’on le minimise, le phénomène de la pédophilie en ligne, qu’il implique ou non des passages délictuels aux actes, est réel et ne doit pas être négligé…