Après l’abaissement, la semaine dernière, de la notation de sept banques par Standard and Poor’s, Giuseppe Mussari, président de l’association bancaire italienne, a déclaré « n’être pas inquiet ». Pas de panique, l’Italie est un « pays riche » qui, par conséquent, ne fera « jamais défaut », renchérit Lorenzo Bini Smaghi, de la Banque Centrale Européenne. Ouf, on respire. L’Italie, l’un des piliers de l’Europe, sa troisième puissance, ne finira pas comme la Grèce.

 

 

 Nous voilà, donc, rassurés. Certes, la TVA est passée, en cette fin de mois, de 20 à 21 pour cent, pénalisant définitivement les consommateurs et révélant l’impuissance du gouvernement à éponger la dette publique. Pourtant, Berlusconi est là, qui veille entre deux parties de Bunga Bunga. Sur lui-même avant tout, c’est vrai, mais il a, du moins, le mérite d’offrir une distraction constante à un peuple en voie d’être saigné à blanc. Il est en effet presque aussi important, ces jours-ci en Italie, de savoir combien de starlettes sont passées dans le lit du Cavaliere, ou quelles promesses illusoires (comme le sont presque toutes les promesses, hélas) les y ont poussées, que de chercher des moyens pour redresser le taux de chômage.

Bien sûr, les problèmes existent, ils sont là. Faut-il s’affoler pour autant ? Si tous les contribuables déclaraient régulièrement leurs revenus, si l’on était sûr de recevoir son ticket de caisse, à la sortie de certains magasins, sans avoir à le réclamer, si tous les membres de toutes les professions libérales étaient équipés de lecteurs de cartes bancaires, si la « Guardia di Finanza », responsable de l’intégrité financière du pays, faisait correctement son boulot, bref, aurait-on eu vraiment besoin d’augmenter la TVA d’un pour cent ? Ah, ce fameux « scontrino » sortant en ronronnant des caisses enregistreuses nous cause parfois bien du souci. En attendant, ce sont toujours les mêmes qui payent, tout le problème est là. Un problème, ai-je dit ? Quel problème ? « C’est 120 euros avec la facture, 80 euros sans », me prévient aimablement, l’autre jour, la secrétaire d’un grand spécialiste de la médecine à qui je venais de rendre visite. Qui a envie de se comporter en bon citoyen dans ces cas-là ?

Parce que quarante euros, par les temps qui courent, c’est moins négligeable qu’on le croit. D’autant que le problème (allons donc ? Il y a un problème ? cessons d’utiliser ce terme déplaisant) ce n’est pas seulement l’argent qu’on verse, c’est aussi celui qu’on reçoit. Dans certaines régions d’Italie, on n’aime pas beaucoup les carnets de chèque, pour ne pas parler des virements bancaires, qui ont la fâcheuse habitude de laisser des traces. C’est même la raison pour laquelle d’honnêtes employeurs, dans les honnêtes entreprises de certaines villes particulièrement chauffées par le soleil, n’y vont pas par quatre chemins. La fiche de paie, « busta paga », d’accord, les trois ou quatre chiffres qui figurent en bas, moins d’accord. Heureusement que l’argent liquide existe et qu’il est roi. Quarante heures par semaine tu travailleras, heures supplémentaires tu feras et cinq cent euros au lieu de mille tu recevras sans discuter – sinon, la porte tu prendras. Et par les temps qui courent…   

En Italie, l’économie a cessé de tourner. L’argent reste toujours dans les mêmes mains. Au pire, il augmente, mais ne change pas sa trajectoire. A qui la faute ? A un gouvernement uniquement préoccupé de lui-même ? A un peuple habitué à être maltraité ? A un système général de contrôle défaillant ? A la Mafia ? Vous avez dit Mafia ? On en reparlera… la prochaine fois.