Réalisateur : Quentin Reynaud et Arthur Delaire

Date de sortie : 20 janvier 2016

Pays : France

Genre : Comédie dramatique

Durée : 83 minutes

Budget :




Casting : Isabelle Carré (Claire), Stéphane De Groodt (Maurice), Alex Lutz (Marc), Joséphine Japy (Lucie), Solal Forte (Alexandre), Aminthe Audiard (Prune)

 

En France, nous avons fait du cinéma familial une sorte de produit national. Souvent fait à la chaîne et en général d’un niveau très banal.  Comme un meuble Ikea, c’est simple à faire, pas très cher et c’est opérationnel. Cependant, certains de ces produits font preuve d’une ingéniosité remarquable, un défaut de fabrication donnant toute la saveur à cet objet unique car différent des autres. Paris-Willouby serait-il une de ces pièces miraculeuses ? Un fruit du hasard échappant à l’engeance destructrice de scénaristes logarythmés tels des ordinateurs rendant insipide la quasi totalité des réalisations et des productions hexagonales ? 

 

Claire Lacourt et Maurice Guilby forment un couple moderne, une famille recomposée, on y trouve la fille de Maurice, Lucy, le fils de Claire, Alexandre, et le fruit de leur union, Prune. Des rapports distendus, des engueulades, des situations conflictuelles, rien de plus normal. Si ce n’est sans compter avec Marc, le frère de Claire, vivant à son crochet. Il en faut peu pour que Maurice fasse des reproches à son épouse à ce sujet. Un jour, le père de Claire et Marc décède, s’en suit un voyage improvisé pour lui dire un dernier adieu, une cohabitation forcée et un rapprochement nécessaire dans une Chrysler Grand Voyager. 

 

Et bien ce film n’est vraiment pas mauvais ! On ressent un vent de fraîcheur pour ce premier long métrage de ces deux jeunes réalisateurs.  Premièrement, ils ont réussi à réunir autour d’eux un casting haut de gamme. Un Stéphane De Groodt toujours aussi drôle et mélancolique, une Isabelle Carré d’une grande justesse en épouse aimante mais pleine de doutes puis un Alex Lutz assez méprisable, sarcastique et déchiré par ses démons intérieurs. Mention spéciale à la prodigieuse Aminthe Audiard qui malgré son jeune âge affiche une grande maturité et, selon les dires des réalisateurs, fait preuve d’un grand professionnalisme. La famille Audiard est décidément un vivier de talents. Les interprètes parviennent à faire vivre ces personnages bien travaillés en amont par les scénaristes, même si on frôle les clichés à certains moments. 

 

Un film léger certes mais qui traite de sujets assez lourds, voire dramatiques, tels que la mort d’un parent, les problèmes masculins, la solidité d’un couple après plusieurs années de vie commune, le fait de devenir père et bien d’autres encore. Réaliser un road movie ce n’est pas toujours évident. Il existe de nombreuses contraintes, l’essentielle étant de rendre le film intéressant et captivant alors que la majorité de l’action se passe dans une voiture avec la caméra de front. Par miracle, Paris-Willouby y arrive, par le jeu de ses acteurs, par son scénario classique mais prenant et par ses paysages d’une grande beauté. Si on pousse la réflexion un peu plus loin, le film avance un constat très rousseauïste, la ville représenté par Paris est le centre de tout ce chaos familial, des relations conflictuelles, tandis que Willouby, village fictif que l’on imagine bien se situer quelque part dans le sud ouest de la France, est le symbole du renouveau et de l’harmonie. Les deux réalisateurs nous narrent en réalité un voyage initiatique transposable à n’importe quelle époque. D’ailleurs les indices temporels ne sont pas si évidents hormis les téléphones portables et le voyage en voiture. 

 

L’influence anglo-saxone voire américaine est forte. Tout d’abord l’autre membre de la famille du film, la fameuse Chrysler Grand Voyager menant à bon port la petite communauté. Ensuite, l’ambiance musicale, très pop anglaise, même si le groupe Gush est français, l’affiche du film également, le nom de Willouby qui à l’origine devait être celui de la ville britannique de Wolloughby et pour finir une similitude flagrante avec son modèle Little Miss Sunshine. Gageons pour ces sympathiques réalisateurs le même succès et la même pluie de récompenses.