Chaque année ou presque, le Canard enchaîné ironise sur les contrats passés entre la société de Marcel Campion, Fêtes Loisirs, et la mairie de Paris, pour le renouvellement du contrat de la Grande Roue de la place de la Concorde. Cette fois, le contribuable parisien serait-il gagnant ?
C’est devenu un véritable feuilleton… Depuis 1993, une grande roue (43 mètres de diamètre, à l’époque, une autre, de 2000 à 2002, puis, à partir de 2009, de 55 mètres, et enfin de 70 mètres depuis 2015), installée place de la Concorde en avant de l’entrée du jardin des Tuileries, défraie la chronique. Elle est la propriété du « roi » – qu’écris-je ? De l’empereur des forains français – Marcel Campion, dont la billetterie a fait maintes fois l’objet de contrôles fiscaux estimés souvent fort amiables.
Dans sa dernière édition (nº 4992, daté du 29 juin dernier), le très bientôt centenaire hebdomadaire satirique, le Canard enchaîné, revenait sur le contrat liant la société de Marcel Campion à la mairie de Paris. D’année en année, que le maire soit Jacques Chirac, Jean Tiberi ou Bertrand Delanoë, les conseils municipaux successifs renouvellent le contrat. Et bon an, mal an, le ministère de la Culture, censé n’autoriser cette « construction » provisoire que quatre mois, laisse la Grande Roue de la Concorde se dresser de la fin novembre à la mi-septembre.
Le Canard remarquait que, faute de concurrence, le conseil municipal parisien aurait pu décider de lancer un appel d’offres, valide jusqu’en 2017, pour une machine de même dimension : il faut en effet un an environ pour la réaliser. Mais il n’est même pas sûr qu’un organisateur de fêtes foraines ou un propriétaire de parc d’attraction ait la moindre envie de braver Marcel Campion.
Le conseil municipal parisien a donc renouvelé sa convention, pour six mois, mais pendant deux ans, et renouvelable, au bénéfice de Marcel Campion. La recette parisienne des finances devrait toucher 150 000 euros par mois d’activité, plus, et c’est là le fait nouveau, une part du chiffre d’affaires : 5 % jusqu’à 7 millions d’euros, 10 % au-delà, soit sans doute environ 700 000 euros de bonus… enfin, ce n’est qu’une prévision, tenant compte d’une transparence sur les revenus de l’attraction).
Une nouvelle fois, le groupe écologiste a feint l’étonnement : le forain dispose-t-il des autorisations du ministère de la Culture ? De nouveau, des élus, tels Jean-Bernard Bros (PRG), ont évoqué le contrôle de la billetterie et souhaité, pour la fois prochaine, « une réelle mise en concurrence ».
On peut se demander franchement pourquoi la mairie de Paris ne peut financer la construction d’une telle attraction et l’exploiter elle-même. Ou la concéder, par délégation de service public, à une société d’économie mixte, comme c’est le cas de la tour Eiffel. Ah bah, peut-être cela reviendrait-il, en jetons de présence pour les membres du conseil d’administration, autant qu’actuellement, pour le seul bénéfice de la famille Campion. Le patriarche (77 ans), y a d’ailleurs songé. En mars dernier, dans le Journal du dimanche, il suggérait : « si la municipalité me rachète 50 % de la Grande Roue, on aura une gestion à deux et là, on ne m’accusera pas de malversation et on pourra tenter de laisser le manège à vie. ».
Un tour sur cette roue revient à 12 euros à tarif plein (10 pour les seniors, moitié prix pour les enfants de moins de dix ans). Le tarif a augmenté de deux euros en deux ans. Marcel Campion est aussi l’heureux propriétaire des chalets (200) du marché de Noël du Comité Champs-Élysées, installé chaque année depuis 2008. Cela rapporte jusqu’à trois fois la redevance (un million d’euros en 2014).
En 2011, interrogé par Challenges, Marcel Campion peinait à estimer sa fortune personnelle ; peut-être 20 millions d’euros. L’empereur des forains est un homme modeste… peu porté sur l’exagération.
Tiens, l’une des propositions d’Henry de Lesquen, candidat à l’élection présidentielle de l’an prochain, et patron de Radio Courtoisie, consiste à démonter la tour Eiffel (et reconstruire le palais des Tuileries). Mais faire disparaître la Grande Roue, pas question !