Alors que la France voit des maires refuser de célébrer des mariages homosexuels en faisant prévaloir une objection de conscience, la seule Loi Belge qui ne fut pas signée par le Roi Baudouin n’est pas sans retrouver une actualité certaine. Elle portait sur l’autorisation de l’avortement. Comme son statut le permet, le Roi Belge se mit ainsi lui-même temporairement dans l’impossibilité de régner. Il s’interrogea alors publiquement « serait-il normal que je sois le seul citoyen à être forcé d’agir contre ma conscience dans un domaine aussi essentiel ? ». Ses propos rappellent pour le moins ceux de divers maires français, voire, la « clause de conscience » évoquée par le président français durant le Congrès des maires de France en Novembre 2012.
Assurément, l’objection de conscience semble avoir de beaux jours devant elle dans notre pays. Comme pour répondre symboliquement à une société « malade », il n’est pas exclu que cette notion gagne premièrement du terrain dans le milieu médical. Outre la PMA ou la GPA, l’usage des cellules souches, l’euthanasie, bien des thématiques ne pourront contourner ce grand retour de la conscience, alors que bien des repères sont toujours plus remis en question. Qu’une loi votée ne devienne pas forcément une norme pour tous ? Que rien n’interdise la conscience libre de chacun de s’unir avec d’autres dans la contestation d’une loi ? Que la légalité ne soit pas forcément légitime ? Même si 16 % des lois votées depuis 1981 n’ont pas été appliquées, la loi relative au mariage homosexuel semble devoir durablement alimenter le débat.
Des maires ayant été élus avant l’adoption de cette loi sont ils totalement dans l’illégalité en refusant de l’appliquer, se fondant notamment sur la recommandation du conseil constitutionnel liée aux enfants ? Alors qu’un ministre de l’éducation prétend « sortir les enfants du déterminisme familial » en imposant la « théorie du gender » dans les manuels scolaires, des élus pensent pouvoir pareillement s’opposer au déterminisme idéologique de la marchandisation de tout et de tous, imposée aux gouvernants par les maîtres de la Finance Internationale, tant décriée par le président français actuel durant sa campagne.
En outre, chacun se souvient de ses anciennes déclarations à propos du CPE affirmant que « ce n’est pas parce qu’un dispositif est légal qu’il n’y a pas de légitimité à le contester ». Les élus objecteurs de conscience semblent s’inscrire aussi dans la filiation du père Popiéluszko à l’époque de Solidarnosc en Pologne déclarant « qu’une vérité qui ne coûte rien n’est qu’un mensonge ». Pour risquer de lourdes amendes, voire, de perdre leur fonction municipale, tous ces maires « récalcitrants de conscience » ne semblent pas douter un instant de la vérité profonde et première qui marque leur acte d’insoumission. Du reste, et sans juger du bien fondé de leur démarche, cette levée de boucliers honorerait plutôt notre démocratie. Les récentes manifestations de masse contre le mariage homosexuel marquèrent une sorte de retour de la démocratie directe. Cet état de fait devrait se prolonger. C’est effectivement en conscience que ce grand mouvement citoyen se leva de la même façon. L’on ne mesure pas encore à quel point cela a changé le pays, dans son rapport à l’état, à la Loi, à l’engagement. Tout cela devrait devenir plus visible et manifeste à partir de la rentrée. Gardons que le Centre Européen pour la Justice et les Droits Fondamentaux reconnaît la réalité du « Droit opposable à l’objection de conscience », objection qui ne saurait être confondue avec de la désobéissance civile.
Qu’il y ait des Indignés de Droit sur certains sujets de société prouverait plutôt que la Démocratie ne sombre pas dans la soumission totale à la supposée « post modernité », idéologie de façade permettant surtout au Libéralisme marchand de se répandre à volonté. La liberté de la pensée individuelle doit-elle être absolument inféodée à une volonté collective non réellement majoritaire ou provisoire ? En régime démocratique, l’autorité peut-elle atteindre le seuil de l’oppression ? Le trait de ces questions est un peu forcé. Elles annoncent la configuration probable de la France en gestation.
Loin d’être confronté à ce que des esprits bien peu clairvoyants définissent hâtivement comme un « populisme chrétien », formule absurde pour mélanger des dimensions bien trop distinctes, il reste qu’une certaine France qui ne manifesta jamais (sauf à remonter au conflit sur l’Ecole en 1984) vient de reprendre la parole, et de réaliser sa puissance. Précisément, l’objection de conscience à grande échelle s’impose comme ce qui pourrait bien la synthétiser le mieux dans sa démarche.
Alors que la mondialisation fait rage, que l’Europe ressemble plus que jamais à un eldorado chimérique en pâte feuilletée desséchée, que le vieux fond de casserole de Mai 68 se réchauffe une dernière fois, un million de français auront dit leur attachement à « une certaine idée de la France », une réalité historique ancrée dans ses racines. Qu’on le veuille ou non, les enquêtes très officielles évaluent encore la France Catholique de 52 à 56 % de la population. Les mois prochains pourraient voir une parole chrétienne plus assumée encore, et ces chiffres augmenter d’autant. L’objection de conscience puisera premièrement ses arguments dans ses origines, celles de la « fille aînée de l’église ». Une affirmation devenue parjure ou lèse majesté. Réac ? Les réformes sociétales plus ou moins imposées à la sauvette auront su atteindre un contre résultat à leur « hauteur » supposée. Le rouleau compresseur du libéralisme libertaire se trouve durablement confronté à ce qu’il méprise le plus, le peuple.
Opposant au mariage homosexuel, non par réaction homophobique mais « en raison de l’utilisation du terme mariage », Jean-Michel Colo, Sénateur Maire d’Arcangues, considère donc qu’il n’y a « qu’une filiation biologique et que l’égalité ne vient pas avec le mariage ». Il affirme par ailleurs « ne pas craindre la justice, avoir des avocats » concluant par une formule digne d’un chevalier de la cour du Roi Arthur « j’assume, je persiste, j’ai un cœur et une conscience ». Par ce dernier mot cet élu vient resituer la question au niveau même ou la plaça le président de la République en Novembre 2012, mais plus encore, là ou toute une France entend se positionner les mois prochains. Le débat national s’inscrira plus que jamais au niveau des valeurs fondamentales, Historiques.
En outre cet élu précisait « ne pas avoir à cautionner la vie sexuelle des gens », concluant que « la loi est peut-être légale mais elle est illégitime ». De la même façon, Raymond Couderc, Sénateur Maire de Béziers, un des pionniers contre le mariage homosexuel, fut aussi le premier dans le journal Le Midi Libre à s’être présenté en "objecteur de conscience". Comme le disait François Hollande au fameux Congrès des Maires "la République doit respecter la conscience de chacun de ses enfants". Précisément, toute une France se leva pour la protection des enfants. Le Conseil Constitutionnel appela pareillement à veiller à leur intérêt premier. Cette « affaire » parait se dérouler sur deux niveaux de conscience jusque son initiateur en chef. L’inconscient ne saurait nier la dimension sacrée de l’enfant, à moins qu’il ne s’agisse de la clairvoyance du cœur.
S’étonnant légitimement qu’un président de la République puisse manquer à sa parole initiale, l’élu de Béziers appelait lui aussi « les Maires conscients de leurs responsabilités à l’égard des générations futures » à se lever et à devenir "objecteurs de conscience". Le débat ne serait vraiment pas clos, outre le vote d’une Loi. Objection votre honneur ? En l’occurrence, celles des maires, à moins qu’il ne s’agisse aussi de celle de la population qu’ils représentent ? Même votée une Loi maintiendrait le droit pour chacun de chercher à la rendre meilleure ou plus juste « pour tous », pour les enfants aussi. Objection de conscience ?
Quand le service militaire était obligatoire, certains jeunes refusaient donc de porter l’uniforme et les armes, ne respectant plus la loi. Ils avaient alors droit à ce statut particulier « d’objecteur de conscience », celui de la non violence. Le Maire de Béziers concluait précisément une de ses interventions récentes sur « la violence morale qui nous imposerait d’abjurer nos convictions". Au-delà même du mariage homosexuel, et en prévision de nouvelles législations en matière d’euthanasie ou de l’usage des cellules souches, d’exigences attendues des couples homosexuels induisant la GPA ou la PMA, le débat portera donc désormais sur cette objection.
Outre ces questions de mœurs ou d‘identité sexuelle, l’on observe donc que l’objection de conscience fait aussi un grand retour au sein des professions médicales. Si la notion de « progrès » se situa longtemps dans le champ social, cet élargissement plus volontiers « sociétal » (même si tout cela se rejoint), s’engage donc autour du lien générationnel et du Vivant, de la filiation, de l’Humain lui-même. Face à la « tentation » marchande outrancière, la société s’interroge sur son origine et sur sa permanence. Le politique et le législatif « généraliste » et globalisant sont-ils les plus à même d’y répondre ? Voir les domaines médicaux et scientifiques, les institutions religieuses ou Spirituelles, y participer, ne saurait à contrario surprendre.
En restant au niveau qui est le sien, la préfecture du Département couvrant Arcangues rappela ainsi que le « droit au mariage (…) inchangé depuis 1804, ne connaît aucune dérogation ». Elle souligne que le maire peut déléguer son pouvoir à ses adjoints ou à des conseillers municipaux pour officialiser des mariages homosexuels. Dans le cas où « aucune possibilité de célébrer cette cérémonie n’apparaîtrait, comme cela semble être le cas à Arcangues », deux types de sanctions pourraient être imposées selon la même Préfecture.
Au regard du code pénal, un maire est en effet passible d’une condamnation pour discrimination en cas de dépôt de plainte, risquant ensuite jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Le maire peut aussi être suspendu en Conseil des ministres, voire, faire l’objet d’une « révocation ». Dans la mesure ou de nombreux cas pourraient bientôt se faire jour au sein des milliers d’élus locaux, en rester à cette réponse administrative ne pourrait être durablement viable, d’autant que le président de la République évoqua en premier une clause de conscience. Face au refus d’un maire, tout couple homosexuel peut encore demander à son préfet de se substituer au maire pour célébrer un mariage grâce à un alinéa du Code Général des Collectivités Territoriales. En recourant à l’article 225 du Code Pénal , il reste possible pour des prétendants de déposer plainte au pénal pour « rupture d’égalité ». L’objection de conscience ne recouvre t-elle pas une autre forme de discrimination dans l’hypothèse ou elle ne se voit pas reconnue ? Elargissons.
Le domaine médical ne serait pas sans répondre à quelques questions au cœur d’une société souffrant du mythe de plus en plus errant du « progrès », lequel s’arrêtera toujours ou la liberté des autres commence.
Le 25 Avril 2013 l’Ecosse voyait donc ressurgir la problématique de l’avortement, alors que cette pratique restant pourtant traumatique et « essentielle » semble être quasiment réduite en France à un mode de contraception parmi d‘autres.
Ainsi, deux sages-femmes avançant des clauses de conscience ont obtenues le droit de ne plus prendre part au déroulement d’avortements dans leur hôpital. En rendant cette décision le tribunal d’Édimbourg élargissait de fait le champ de l’objection de conscience, créant un précédent à même de renforcer ultérieurement d’autres démarches, dans d’autres pays ? Mary Doogan, 58 ans, et Concepta Wood, 52 ans, sages-femmes à l’hôpital de Glasgow depuis une vingtaine d’années, ont eu gain de cause auprès de la cour d’appel d’Édimbourg, en cas d’implication directe et indirecte dans un acte contredisant les valeurs fondamentales d’un citoyen. L’objection pourrait reposer sur un fait direct ou indirect ?
En un premier temps les deux sages-femmes avaient été déboutées. La juge Lady Smith considéra que la planification ou la coordination du personnel pour les avortements étaient des actes indirects, et qu’ils ne les impliquaient pas dans l’exécution directe des avortements. Le parallèle avec la célébration d’un mariage, transmis à des adjoints ou pas, n’est pas ici sans lien logique. L’argument de la filiation et de la protection des enfants souligné par le Conseil Constitutionnel s’y trouverait même renforcé, pour fournir et reconnaître spécifiquement un argument d’objection. La vie même des enfants étant en question, notamment au niveau psychique dans le besoin vital d’un père et d’une mère afin de structurer tout être, les débats en Ecosse et le récent débat français sur le mariage et la filiation, ne sont pas sans parallèle. Les maires en liberté de conscience trouveront un encouragement dans la justice rendue à l’égard des deux sages femmes écossaises.
D’après le Guardian, les juges écossais ont alors considérés « que le droit à l’objection de conscience ne s’étend pas seulement à l’acte chirurgical d’interruption de grossesse, mais à tous les protocoles des traitements qui concourent » à cet acte. En d’autres termes, des sages femmes ou des infirmières pourront désormais décider de faire valoir une clause de conscience pour refuser d’administrer des traitements contraceptifs, de fournir la pillule du lendemain, notamment. Cette décision pourrait avoir des répercussions considérables pour le système de santé britannique, le National Health Service. Cet acte constituerait en outre une jurisprudence internationale, pour divers cas de figure.
En France comme en Europe, l’objection de conscience relève des droits fondamentaux des soignants. Si l’IVG ne peut être pratiquée que par un médecin, le Code de la santé publique précise qu’une sage-femme est libre d’y participer ou de refuser. Même si la loi Neiertz de 1993 interdisait en France toute entrave à l’IVG, les arguments de conscience ne sauraient être secondaires au pays supposé des Droits de l’Homme, et donc, de l’enfant.
Dans la pratique quotidienne, le débat se pose dans divers hôpitaux, notamment lors des IVG définies comme « médicamenteuses » ou de la pratique du diagnostic prénatal, possibilité offerte de détecter les éventuels handicaps du fœtus.
En Écosse, l’élargissement du champ d’application de l’objection de conscience aurait fait diminuer le nombre d’établissements dédiés à l’IVG, menacés de fait au niveau de leur faible rentabilité. La conscience et l’aspect mercantile font rarement bon ménage. Voilà qui est rassurant.
L’approche nouvelle portant sur le diagnostic prénatal recouvrant le cas échéant une « euthanasie » de fœtus pour cause de potentialité à des handicaps, n’est pas non plus sans remettre la conscience de chacun au premier plan. N’y a-t-il pas une forme de sélection « eugénique » dans le fait d’interdire l’existence d’adultes handicapés en gestation au stade fœtal ? Science sans conscience ne serait que ruine de l’âme. Pareillement pour les sciences humaines ou politiques niant la dimension sacrée de l’enfant ? Au profit du « progrès » ou « égalité » supposés pour les adultes.
Le débat ouvert par le « mariage pour tous » en a fait surgir bien d’autres. Des deux sages femmes écossaises victorieuses « en conscience » à la question de la filiation liée au mariage homosexuel validé en France, tout cela marque le retour de l’individu face à des lois froidement généralistes, y compris dans le champ de l’intime. Pour toucher à ce dernier, peut-on refuser à des citoyens de se situer eux même dans le cadre de leurs valeurs les plus personnelles ? Selon les critères de leur vérité intrinsèque. Le cas échéant, face à ce qu’ils considèrent comme une Loi Divine, dimension que la laïcité invite à respecter sous toute forme de spiritualité. Quelle force légale ou légitimité reconnaître au « droit » à l’intime conviction face à une législation d’état ? Objection de conscience ?
Des maires de France (soutenus par des mères rassemblées dans l’association « les mer-veilleuses ») et leurs adjoints revendiquent le droit à cette objection de conscience, même après l’adoption accélérée d’une loi, habilement promotionnée au travers du concept « pour tous ». Un maire peut-il refuser d’appliquer la loi républicaine au même titre qu’un citoyen en fonction dans un hôpital pourrait s’opposer à certaines pratiques médicales heurtant sa conscience ? Une loi peut elle contraindre de faire prévaloir l’intérêt ou le désir de l’adulte sur celui de l’enfant ? Que tous ces sujets renvoient aux racines de la France et de l’Europe, longtemps considérées comme chrétiennes, ne saurait surprendre.
Le fait de Croire ou pas, de s’inscrire ou pas dans un société marchande, participe naturellement des choix et votes de chacun. En insistant sur des normes éthiques objectives relevant de la dignité humaine, l’Eglise reste dans son rôle apportant sa part légitime à la réflexion collective, ne cessant de rappeler que les lois qui dépénalisent les atteintes directes à la filiation naturelle « ne créent aucune obligation pour la conscience et entraînent au contraire une obligation de s’y opposer par l’objection de conscience » (Evangelium vitae, n. 73). Même si l’approche chrétienne ne saurait s’imposer à tous, gardons que pour traiter sérieusement de « conscience » ignorer ce regard là rendrait toute réflexion peu crédible.
Comme si il redoutait la multiplication des atteintes à la vie et la menace que cela ferait peser sur les consciences des professionnels de santé et de tous les citoyens à travers eux, le pape Jean-Paul II invitait au tout début de son pontificat à « cultiver la claire conscience de la très haute valeur de la vie humaine » ainsi qu’à « veiller avec sollicitude sur le merveilleux et mystérieux processus de la procréation qui s’accomplit dans le sein maternel, en vue d’en favoriser l’heureuse issue par la venue au monde du nouveau-né ». Face au règne de moins en moins démocratique de « cette guerre des puissants contre les faibles » le grand pape appelait tous les professionnels de santé et dirigeants à devenir « des signes de contradiction dans le monde de la culture de mort » comme le rappelait récemment le président de la Fédération internationale des médecins catholiques, José Maria Simon Castellvi, La sphère politique aurait beaucoup à apprendre de la noble mission du monde médical. Peut-on imposer à un enfant la « castration » d’un père ou d’un mère, par la Loi ? La « culture de mort » serait en pleine expansion.
En mettant l’accent sur des normes éthiques conformes à la dignité de la personne humaine, l’Eglise confirme seulement le bon sens, celui de voir dans certains « progrès » des « tendances sociétales intrinsèquement mauvaises » qui ne peuvent jamais être justifiées en conscience. Un soutien « sacré » pour les maires républicains engagés contre le mariage homosexuel ?
Outre l’avortement ayant fait débat en Belgique ou en Ecosse, la GPA ou PMA inscrites à terme dans le mariage homosexuel français, porteraient donc préjudice à la vocation des professionnels de la naissance, alors chargés de rendre artificiellement possible ou impossible, selon les désirs des uns et des autres, la procréation, en se substituant aux relations conjugales et à la conception de la vie humaine, naturelles. Qu’il y ait matière à objection ? Difficile d’en douter.
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La loi française garantit aussi aux professionnels de santé une clause de conscience en matière d’avortement (articles L. 2212-8 et L. 2213-2 du Code de la santé publique) ou de stérilisation (article L. 2123-1 CSP). Pour autant, l’objection de conscience serait très souvent contournée ou découragée. La loi du 4 juillet 2001 a ainsi obligée les professions médicales à « communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser l’intervention non souhaitée ». Des pressions exercées sur les « objecteurs médicaux de conscience » au sein même des équipes des maternités ? La discrimination à l’embauche serait monnaie courante dans de grands centres hospitaliers ? Afin d’écarter les candidats manifestement opposés à la banalisation de l’avortement ? Certains le prétendent.
En souhaitant que chaque établissement hospitalier public intègre un centre d’IVG, le président Hollande ne faciliterait pas le respect de la clause de conscience en la matière. La Loi étant votée depuis des années, le personnel médical éprouve beaucoup plus de difficultés à s’y opposer que des élus locaux le font en refusant le mariage homosexuel avec adoption ou pratiques procréatives médicalement assistées. Que l’objection de conscience fédère dans un combat parallèle pour la permanence de la vie, des élus et du personnel de santé, interroge notre société dans son essence même, dans l’intégrité du vivant. Pour représenter un second souffle possible et nécessaire de la démocratie, de l’engagement citoyen, ce retour de l’objection de conscience dans le débat autant que dans l’interprétation et usage des lois, repose sur quelques fondamentaux.
Le droit à l’objection de conscience dans le domaine médical relève du droit à la liberté « de pensée, de conscience et de religion » et repose sur l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Un bon nombre d’actes médicaux (diagnostic prénatal, accompagnement médicamenteux de fin de vie, procréation médicalement assistée) renvoient naturellement à des clauses de conscience. Tout médecin n’en reste pas moins un être humain. Pareillement pour un élu dans le cadre des taches qui lui incombent. Une Loi peut-elle contraindre la conscience d’un individu ?
A n’en pas douter la permissivité souhaitée par certains au niveau de l’euthanasie remettra au premier plan l’objection de conscience. Chacun garde sa liberté de pensée en toute situation, voire, sa foi. Que les valeurs individuelles et collectives s’accordent toujours relève d’une vue de l’esprit. La problématique de l’accès à un service médical n’ira pas toujours de soi. La notion même de « service » reste aléatoire. Que les législateurs aux majorités provisoires établissent un droit collectif à bénéficier de certains actes médicaux ne confère pas pour autant une légitimité et véracité absolues à ces derniers.
Comme le souligne la résolution 1763 votée le 7 octobre 2010 au parlement européen "aucune personne, en hôpital ou institution, ne peut être d’aucune manière contrainte, tenue pour responsable ou objet de discrimination parce qu’elles refuse de pratiquer, arranger, aider ou se soumettre à un avortement, pratiquer une fausse couche, une euthanasie ou tout acte qui pourrait causer la mort d’un fœtus humain ou d’un embryon humain, quelle qu’en soit la raison". Peut-on exiger d’un professionnel de santé qu’il s’assume moralement responsable de ses actes et prétendre par la Loi qu’il se doit d’oublier ses convictions personnelles ? Est-il possible pour un médecin de faire abstraction de ses valeurs ou convictions intimes dans le cadre de l’euthanasie ? Un maire validant un mariage homosexuel ouvrant à l’adoption ou « fabrication procréative artificielle » d’un enfant peut-il s’exempter des risques ou suites psychiques traumatiques pour l’enfant concerné ? Que des maires autant que des praticiens hospitaliers usent de l’objection de conscience trouve ici une légitimité certaine. Des lois ne seraient alors plus respectées ou respectables ?
Pour rester dans le cadre médical, gardons qu’une résolution reconnaissant le droit à l’objection de conscience a donc été adoptée pour les professionnels de santé. Au parlement européen le député italien Farina ne fut pas sans légitimer l’objection de conscience pour ce qui est de « s’opposer à des lois considérées comme nuisibles au bien commun". Ce souci de l’intérêt général ne serait pas sans lien avec celui de la filiation, lequel conduit des élus à nier la véracité et justesse du mariage homosexuel.
L’objection de conscience pose avec gravité la question du rapport à la Loi et de son respect. Subversion ou désobéissance « civiques » ? Les figures devenues emblématiques ayant refusées de se soumettre à des lois ne manquent pas, de Gandhi à Luther King jusqu’aux résistants de la dernière guerre mondiale.
Se référant à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, notre Constitution reconnaît comme droit imprescriptible la résistance à l’oppression. Qu’il s‘agisse de pratiquer l’euthanasie pour des praticiens de santé, ou pour des maires d’assumer la privation de père ou de mère pour un enfant, l’argument avancé de « l’oppression » par une loi serait-il recevable ? Un maire est en droit d’être heurté au plus profond de lui-même par ce qu’il considère comme de la maltraitance infantile induite par le mariage homosexuel. Objection ?
Toute Loi restant perfectible en démocratie et la liberté de conscience reconnue, l’objection de conscience peut donc être diversement invoquée, de la part d’un élu ou d’un praticien de santé. Se soustraire à une Loi est illégal, cela va de soi. Exiger en conscience sa modification recouvre les bases de la démocratie. Les recours auprès des instances de contrôle des libertés et tous les recours légaux restent possibles pour fonder l’objection de conscience. User de la question prioritaire de Constitutionalité n’est pas exclu non plus. En effet, depuis le 1er mars 2010 un justiciable peut ainsi arguer qu’une disposition législative est contraire à la Constitution, laquelle reste toujours soumise à des interprétations diverses. Quand le Conseil Constitutionnel appelle à veiller à l’intérêt de l’enfant s’agissant du mariage homosexuel, cela ne saurait être anodin. Au moindre trauma constaté chez un enfant adopté par un tel couple, le constat ne manquerait pas de faire jurisprudence, même si prétendre à l’exemplarité des couples hétérosexuels ne tiendra jamais. Des mariages homosexuels se trouveraient alors remis en cause pour les raisons identiques qui conduisent aujourd’hui des élus à refuser de telles formes d’union ? La hiérarchie des normes participe de notre système constitutionnel, recouvrant explicitement la notion de droit naturel. Alors ?
Contrairement aux partisans du mariage homosexuel pensant cette extension du modèle initial comme appelée à rentrer à terme dans les mœurs, les élus objecteurs de conscience pourraient bien ouvrir une nouvelle contestation de masse, convergeant les mois prochains avec le réveil des centaines de milliers de citoyens ayant manifestés « pour tous » au nom de valeurs essentielles, le 17 Novembre et le 13 Janvier, le 23 Mars et le 26 Mai, sans qu’aucune de leurs aspirations ne soit véritablement prise en compte. Objection de conscience ?
Que tout cela reste sans lendemain ? Une porte de liberté d’expression et de conscience de masse s’est ouverte. Tout porte à penser qu’elle le restera jusque la rentrée. A l’occasion d’un sujet de société les fenêtres aussi pourraient bien s’ouvrir au grand souffle. Un retour de démocratie directe face au système défaillant de la démocratie représentative ?
Un esprit civique semble s’être levé jusqu’à inventer une nouvelle forme d’engagement. Le « petit peuple » ou les « citoyens ordinaires » ne feraient qu’une pause estivale.
Guillaume Boucard
Trop long pour lire l’ensemble jusqu’à la fin. Une synthése aurait été plus constructive.
Bien écrit sinon.
La conscience serait-elle la liberté et la liberté serait-elle dans l’acte de refuser ce qui ne correspond pas à chacun ? Bon sujet de philo ou j’aurai répondu en deux lignes que je ne traiterai pas ce sujet de bac et en rendant copie blanche en toute conscience. Le correcteur aurait mis zéro ou 1 pour l’encre alors que le sage penseur objectif et absent accadémiquement aurait mis 21 sur 20…
La conscience d’un roi devrait le faire réagir sinon chaque matin devant les grandes décisions pendant son régne, quand il enverrait sur le champs de bataille son peuple, parfois en s’appuyant sur Dieu par manque de conscience… ou quand son fils roule en voiture de luxe sur les deniers du peuple en faisant la une des revues people, quand le peuple réclame du travail et du pain ou quand lui même serait bien absent à prendre conscience de cette guerre civile entre flamands et wallons…
La conscience peut-elle être duelle ou ne parlerions nous pas d’elle mais bien d’autre chose de caché ?
PH
oui,c’est trop long,les lecteurs vont se lasser!
[b]Texte bien plus intéressant que la majorité de ceux qui paraissent sur notre blog, c’est un plaidoyer comme si besoin n’en était pour la clause de conscience parfaitement exclusive du champs de la désobéissance civique (ou civile après tout, qui elles aussi peuvent être justifiées))Hollande ayant voulu imiter Louis XIV qui en son temps avait révoqué l’édit de Nantes provoquant ainsi l’émigration des protestants à travers l’Europe avec femmes, enfants et [u]savoirs-faire surtout[/u], a révoqué le mariage naturel et tout à la foi merveilleux d’un homme et d’une femme pour celui de la simagrée homosexuelle révulsante. Il me semble que les journaliste et les avocats (parmi bien d’autres « jouissent » de clauses de conscience de même les chauffeurs de bus ou ceux de la SNCF s’autorisent à un droit de retrait.
En somme nous avons à faire à un petit potentat qui veut se faire plus gros…[/b]
très bonne analyse sur un sujet délicat et complexe qu’est l’objection de conscience sur des sujets touchant à l’euthanasie,à l’avortement etc..chacun doit s’impliquer selon sa conscience et on doit respecter ses convictions, c’est cela la démocratie. bravo M. Boucard pour avoir développé cet article de façon remarquable, je vous lis avec toujours autant d’intérêt – merci