Jean-Denis Vigne (au centre) reçoit le pain du Pech Merle après sa conférence très réussie devant un public nombreux et attentif. Crédit Photos © Osvaldo Villar C4N.

 

Le Proche-Orient racine du néolithique européen

Chercheur du CNRS Jean Denis Vigne a donné une conférence au Pech Merle sur le lien entre les origines de l’élevage au Néolithique et la capacité des hommes à domestiquer les bovins. Il a expliqué les liens entre les origines de l’élevage et l’agriculture et les lignées des races bovines allant jusqu’à l’origine de la vache laitière au Moyen-Orient. Il parle des domestications d’animaux intervenues au fil de la période tempérée qui a succédé au Tardiglaciaire, l’Holocène, à partir de 1500 environ avant J.-C., qui ont une importante mutation de l’histoire de l’humanité, la néolithisation et une phase importante d’acclimatation ce qui est un élément fondamental dans les débuts de l’élevage. Il parle du site d’Akrotiri-Aetokremnos en Chypre où il a travaillé et qui fut le premier lieu d’occupation de l’île vers 8500 avant J.C. Dans l’état actuel des connaissances, les plus anciennes domestications holocènes sont celles du porc, de la chèvre, du mouton et du bœuf (notamment le porc, en Chine, Afrique du Sud-est et Proche-Orient). C’est aussi probablement à ce moment, voire légèrement plus tôt, mais pour des raisons différentes, que des chats apprivoisés ont fait leur apparition. Le site Akrotiri Aetokremnos apporte des données nouvelles sur la domestication du chat, et sur le commensalisme du rongeur, la souris. Dans le courant du VIIIème millénaire, on constate qu’un chat complet a été trouvé dans un fossé à coté de son "maître" dotée d’offrandes intéressantes (une hache polie bipolaire, pierre ponce, boule d’ocre et, à peu de distance, une cuvette avec 21 coquillages de trois espèces différentes), le chat a été placé à quelques centimètres de son maître associés à la sépulture (un conte énigmatique car le chat est le seul squelette complet trouvé du site). Ce n’est pas une position anodine il y a une relation très forte entre eux. Peut-être sommes-nous ici aux sources mêmes de la domestication de l’espèce. Cette proximité du chat et des humains pourrait aussi s’expliquer par la prolifération des souris autour de ces premiers villages. Le cas de l’agriculture est également complexe, les néolithiques s’installèrent à Chypre vers 8400/8300 avant notre ère, ils apportèrent avec eux les céréales, et les légumineuses domestiquées au Proche-Orient et ramenées en Europe présentant déjà des caractères domestiques, le blé amidonnier (Triticum dicoccum) et qui ont fait le fond de l’alimentation européenne. L’ADN a facilité la recherche des archéozoologues dans les fouilles, ensuite il a fallu caractériser l’Europe du Proche Orient. Pour conter le nombre des mutations qui les sépare les un des autres à partir de l’ADN et trouver " une distance génétique " du temps qui s’est écoulée des lignées entre différents individus pour se rendre compte que les bovins néolithiques sont identiques des animaux domestiques actuels (T3, T1, T2 diversité génétique en Europe). L’Auroch n’a pas été domestiqué. Par exemple, les bovins, la chèvre ont été domestiqués en Anatolie orientale (mais elle n’a aucun ancêtre en Europe), le porc également. Chaque fois qu’on trouve un os de mouton dans un site en Europe il provient des animaux domestiqués au Proche-Orient. Le processus de domestication commence lorsqu’un nombre restreint d’animaux est isolé de l’espèce sauvage. Cette population peut alors connaître un phénomène de micro évolution, en s’adaptant aux conditions d’élevage. La domestication du lama et de l’alpaca, dans le nord-est de l’Amérique du Sud (Chili, Pérou, Bolivie, Argentine) aux environs de 5000 av. J.-C., puis celle du canard de barbarie et du cobaye dans la même région au second millénaire avant notre ère démontrent que, durant la première partie de l’Holocène, la domestication des animaux est apparue indépendamment en plusieurs points du monde. Même en Amérique celle de la dinde, intervenue dans le sud de l’Amérique du nord aux premiers siècles de notre ère. Jean-Denis Vigne est aussi biologiste au Museum National d’Histoire Naturelle, Directeur de recherche du CNRS, et l’auteur du livre "Les débuts de l’élevage aux éditions "Le Pommier".

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