Ca se passe au Yémen à notre époque actuelle dans une ville du Yémen. Une ruelle modeste, un logis de  deux pièces, un agencement vétuste,  un homme, ses deux épouses et leurs seize enfants  y végètent  dans une  misère relative  et selon une pratique hélas courante chez certains de ses compatriotes, le Chef de famille trouve une solution provisoire « pour nourrir ses deux épouses et ses enfants » en acceptant de donner sa petite fille Nojoud âgée de 10 ans en mariage à un homme de 30 ans,  contre un petit pécule !

 Et cet homme à qui je dénie le nom de père se double d’un  misérable esclave de ses traditions obscures, sans aucune  personnalité morale et sans aucune qualités paternelles, pour se justifier maintenant, se dit au chômage et  en autres arguments douteux,  il ose prétendre qu’il a  accepté tout de suite la demande en mariage et donné la  petite Nojoud  âgée de 10 ans  « pour la protéger » au prétexte qu’une de  ses filles aurait été kidnappée  et qu’il ne voulait pas que cela arrive aussi à Nojoud.

Cette petite fille  mariée de force à  un homme de trente ans à qui je dénie le nom de mari, quelles  que soient sa religion et ses traditions,  a vécu un véritable calvaire dès le soir des noces.

Avant de retracer ce drame tel qu’il s’est déroulé rappelons les lois en vigueur au Yémen, l’âge du mariage est  fixé à 15 ans pour les jeunes filles , mais il est admis que des parents dérogent à cette règle  en établissant un contrat de mariage stipulant que les relations sexuelles sont interdites jusqu’à ce que la  jeune « femme »  soit « prête », mais cette interdiction n’est pas souvent respectée et les jeunes mariées  se taisent par peur des représailles.

Dans le cas présent les parents se sont satisfaits avant le mariage  d’une promesse dont je ne peux affirmer qu’elle était verbale ou écrite et la mère de Nojoud a beau jeu de dire aujourd’hui, pour justifier son mari  en parlant  de l’homme à qui la petite fille était promise : «  il nous avait promis d’être respectueux ». Elle ferait mieux de ramener son voile sur sa figure pour cacher sa duplicité à défaut de la honte qui devrait l’envahir. Mais ne jetons pas la première pierre, dans tous les pays du monde il existe  des parents indignes, des monstres, dénués de tout sentiments humains.

Ainsi  une petite fille qui ignore tout du mariage, qui ne sait pas vraiment  ce que mot implique, est  arrachée à ses rêves d’enfant et devient une petite  victime innocente,  livrée par sa famille  à un adulte immonde qui ne l’a pas respectée et la mère de Nojoud a beau jeu de dire aujourd’hui, «  il nous avait promis d’être respectueux » …. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont   troqué la petite fille, comme une marchandise,   contre un petit pécule. Et il est tout à fait inconvenant de prétendre que c’est affaire de religion, il s’agit d’une pratique coutumière ancestrale   qui dénonce le défaut d’amour paternel et maternel et de tout sentiment humain, La misère,  le chômage, les  pratiques coutumières, les traditions etc. ….  n’excusent en aucun cas  leur crime. La religion et les traditions trop souvent ont bon dos  pour justifier un mode de vie archaïque (deux épouses et seize enfants) et pour excuser  un chef de famille qui   livre sa petite fille   à un homme adulte contre un petit pécule. Quelle honte !

Et pourtant pour  la petite Nojoud qui ne sait pas ce qui l’attend et qui à 10 ans ne sait pas ce que le mariage veut dire, c’est comme une fête qui commence au domicile de ses parents le soir de ses noces.  Elle  se souvient qu’elle avait reçu avec contentement  trois robes et quelques  cadeaux et ce n’est qu’une fois arrivée dans sa nouvelle demeure conjugale dans un  village assez éloigné qu’elle comprend, si l’on peut dire,  ce qu’il lui arrive et que son calvaire commence ! L’homme lui désigne immédiatement la chambre à coucher  et entend qu’ils couchent ensemble. Elle refuse et tente de s’échapper en courant, l’homme la poursuit, la rattrape et l’oblige. Et le même drame, malgré les pleurs  et les supplications de l’enfant,  se reproduit tous les soirs lorsque le monstre rentre au logis et si elle tente de résister il la frappe avec un bâton. Elle se débat,  tente  de se défendre, elle crie en pleurant,  mais personne ne peut l’entendre et ne veut entendre.

Des semaines passent, le calvaire continue, après quelques semaines  Nojoud conduite en visite chez ses parents fait preuve d’un courage au-dessus de son âge et  bravant les interdits leur raconte son calvaire : ils font la sourde oreille !  Et son indigne père ose dire maintenant  «  mes cousins m’auraient tués  si je déshonorais ma famille en demandant le divorce pour ma fille  » !

Quelle couardise !

Eh bien ce divorce qu’il se refuse à demander, Nojoud va finalement l’obtenir toute seule du haut de ses dix ans, grâce à  sa détermination courageuse qui va forcer son destin et la libérer en dépit des mœurs coupables  de sa famille et d’un environnement hostile,  dans une société où  l’homme tout puissant réduit depuis des siècles la femme au silence par des traitements brutaux en prétextant d’Allah.

Elle ne désarme pas ! Quelques temps plus tard elle se confie à sa tante  qui sans intervenir directement,  par peur des représailles sans doute,  se dédouane en lui conseillant d’aller au tribunal « C’est la seule solution » lui dit-elle et lui donne quelques pièces  pour payer le bus.

Nojoud arrive au Tribunal, elle se sent petite et seule,  mais revêtue de son voile noir elle attend patiemment  assise sur un banc jusqu’à la fin des audiences; sans doute a-t-elle décidée en elle-même de ne plus retourner dans le domicile conjugal,  elle est là depuis des heures en priant et en souhaitant qu’une personne vienne et l’écoute,  mais dans le va et vient des justiciables et du personnel, personne ne la voit et ne s’inquiète d’elle.

Vers midi peu à peu  le tribunal se vide, elle est toujours là, un juge la remarque et l’interroge. Qu’est-ce que tu attends petite fille ?  …….s’enquiert le magistrat …… « Mon divorce » ….  …… Emu par la gravité de ce qu’elle lui apprend,  le Juge, un parfait honnête homme qui a du cœur, la conduit chez lui dans sa famille  et place le père indigne et le mari tortionnaire en détention provisoire.

Rien n’est gagné pourtant dans ce pays ou les mœurs tribales subsistent  et « priment » encore trop souvent sur la loi, et où ce genre d’affaire est  trop souvent étouffé, mais Nojoud est aidée par le juge et une avocate spécialiste des droits de l’homme se porte volontaire pour la défendre. Le premier  jour du procès  arrive, l’avocate  convoque les associations féministes et les médias, des journalistes écrivent des articles et l’un des quotidiens  le plus important du  Yémen fait sa une de ce drame. Sous la pression des associations féministes , des associations de défense des droits de l’homme,  et d’une opinion publique pourtant trop souvent silencieuse,  le divorce est prononcé .  Nojoud la victorieuse vient de faire tomber le tabou du silence et de la compromission des adultes, et par son courage déverrouille une porte fermée pour ouvrir une voie  à d’autres petites victimes de drames semblables,  qui désormais pourront demander le divorce. Une lueur d’espoir se lève au Yémen  au moins pour les petites victimes  ….

Nojoud a été rendue à sa famille, sous le contrôle des associations et son avocate, qui ne l’abandonne pas,  devient comme une mère pour elle, l’accompagne et l’assiste dans toutes  ses démarches et  prépare son retour à l’école. La petite fille intelligente, ferme, courageuse voudrait devenir avocate comme sa protectrice : « Quand je serais grande je défendrai les gens opprimés » ….

Cette petite fille, projetée trop tôt dans le monde des adultes,  fait preuve d’une maturité inhabituelle à son âge pour envisager son avenir, mais  pour le moment bien sûr après avoir vécue ce drame elle n’en mesure pas toute la dimension criminelle, inhumaine, discriminatoire, et la duplicité des familles dont elle et d’autres petites sont trop souvent  victimes. Arrivée à l’âge adulte elle pourra alors mesurer  les souffrances physiques et morales qu’elle a subies  et  en saisir toute l’horreur.