Le 17 juin 2008, le mariage homosexuel est légalisé dans l’État de Californie. Dix-huit semaines plus tard, soit le 4 novembre 2008, un amendement à la constitution de l’État de Californie est adopté. Cet amendement, du nom de Proposition 8, définit le mariage comme étant l’union entre un homme et une femme. Après plus de 18 000 mariages homosexuels, cette pratique est bannie dans cet État.
À la suite de cette décision, massivement perçue comme une entrave à la liberté, de vives réactions ont suivi de la part de la communauté gay, lesbienne, bisexuelle et transgenre (GLBT). Plusieurs organisations contre la Proposition 8 ont vu le jour. Parmi toutes ces ripostes se trouve la Campagne NOH8.
Je vais tout d’abord vous présenter la Campagne NOH8 ainsi que les valeurs qu’elle défend . Ensuite, nous verrons les arguments de ceux et celles qui appuient la Proposition 8 et les arguments des opposants.
D’une part, parmi toutes les organisations créées afin de protester contre cet amendement, la Campagne NOH8 connait un succès grandissant chaque jour depuis sa création. La Campagne NOH8 est se définit comme étant une protestation photographique silencieuse créée par le célèbre photographe Adam Bouska et son partenaire Jeff Parshley en réponse directe de l’application de la Proposition 8. Les photos montrent plusieurs personnes avec du ruban adhésif gris sur la bouche, symbolisant leur voix restreinte au silence par la Proposition 8 et toute autre législation similaire partout autour du monde, avec « NOH8 » peinturé sur une joue en guise de protestation. NOH8 signifiant « non à la haine », en raison de la proximité phonique des mots « Eight » (huit) venant de la Proposition 8 et « Hate » (la haine). La Campagne NOH8 a reçu un support mondial. Les images sont souvent utilisées sur des réseaux sociaux tel que Facebook et Twitter afin de propager le message d’égalité. Près de deux ans et demi depuis le début de la campagne, celle-ci détient maintenant plus de 13 000 visages et continue d’en obtenir à une vitesse exponentielle. Elle a débuté avec les portraits de Californiens de tous les jours et inclut maintenant des politiciens, du personnel militaire, des nouveaux mariés, des représentants de la loi, des artistes, des célébrités et beaucoup plus encore. Tous les fonds amassés par la Campagne NOH8 sont utilisés afin de promouvoir et de sensibiliser la population à l’égalité du mariage et à l’anti-discrimination au niveau mondial grâce à une campagne médiatique éducationnelle et interactive. En effet, éventuellement, tous les visages seront compilés pour une campagne médiatique de grande envergure. Cette campagne défend, non seulement un droit, mais également plusieurs valeurs. Tout d’abord, la reconnaissance sociale ainsi que la préservation d’une image publique. Aussi, il y a le respect de soi et d’autrui, la liberté de croyances et l’indépendance. Pour l’universalisme, on retrouve l’ouverture d’esprit, la justice sociale, l’égalité et un sentiment d’appartenance.
D’autre part, lors de l’analyse d’un enjeu éthique, il est important de rechercher et de prendre conscience des arguments majeurs pour les deux belligérants, afin de se faire une idée plus juste de la situation. Voici donc les arguments principaux des deux parties en opposition. Premièrement, ceux en faveur de la Proposition 8 pourraient amener que les célébrations de mariage par l’Église ont toujours été entre un homme et une femme. L’opposition pourrait alors réfuter en disant que cet argument est un sophisme, soit l’appel à la tradition. Le temps avance, les idéologies changent, les modes de vie changent, tout change continuellement. Il serait donc impensable que l’Église ne change pas. Un autre argument que les opposants au mariage homosexuel pourrait apporter se baserait sur la définition du mariage, soit une union légale entre un homme et une femme. Mais l’une des majeures raisons pour quoi deux personnes veulent se marier est de montrer publiquement leur amour. Si l’on regarde la définition de l’amour dans les dictionnaires, ce mot se définit principalement comme étant un lien intense unissant deux personnes. Si le mariage sert à montrer publiquement l’amour, qui selon les dictionnaires existe entre deux personnes tous sexes confondus, alors ce mariage, qui veut souligner l’amour, se doit également d’exister entre deux personnes et non deux sexes opposés. De plus, il y a désormais un nombre grandissant de dictionnaires qui adopte une définition qui ne comprend plus la différence de sexe des époux1. Le dernier argument des opposants au mariage homosexuel qui est mis de l’avant avec force est le soulignement de la spécificité hétérosexuelle du mariage, où l’homme et la femme sont certes égaux, mais pas identiques ni interchangeables, notamment par rapport à la maternité. Malheureusement pour eux, plusieurs études sont présentement entreprises, notamment aux États-Unis, sur l’homoparentalité. Ces études n’ont, pour l’instant, établi aucune conséquence, positive ou négative. Il est donc injuste de souligner une spécificité en dénigrant l’autre sans aucune preuve que cette dernière est moins bonne ou apporte un lot de conséquences qui sont encore fictives aujourd’hui. De plus, on peut objecter, avec raison, que l’existence de recherches portant sur les enfants de parents homosexuels comparés à ceux de parents hétérosexuels reflète un préjugé hétérosexiste ou homophobique. Le préjugé étant que le développement d’enfants ayant été élevés par des parents homosexuels serait en jeu. D’autres études ont démontré qu’un enfant élevé par deux parents de mêmes sexes n’a pas plus de penchant vers l’homosexualité qu’un enfant élevé par deux parents de sexes opposés. Les pourcentages se rapprochant grandement de la normale d’une population. Ces études2 ont également confirmé un développement de l’identité sexuelle normal, une identité de genre normal et aucune donnée ne permet d’inférer que les enfants de parents homosexuels éprouvent des difficultés sociales avec leurs pairs. Aussi, « des entrevues avec des pères gais, des mères lesbiennes, des mères et des pères hétérosexuels ayant tous eu la garde de leurs enfants lors d’un divorce hétérosexuel, indiquent des degrés comparables de qualité de la relation parent enfant. Toutefois, les visites des enfants chez l’autre parent présentent plus de problèmes pour les parents hétérosexuels que pour les autres. » (Harris & Turner, 1985-1986) Les enfants n’ont également pas souffert de problèmes psychosociaux liés à l’homosexualité des parents, mais au contraire, cette homosexualité aurait facilité le développement de l’empathie et de la tolérance aux points de vues variés. En ajout à tout cela, la crainte que les enfants de parents homosexuels soient plus exposés aux abus sexuels que les enfants de parents hétérosexuels apparait sans fondement empirique. Pour d’autres aspects du développement, des études ont démontré que divers tests administrés aux enfants révèlent une grande similarité de développement chez les enfants des deux groupes. Des résultats comparables sont obtenus dans une étude clinique sur cette question (McCandlish, 1987). Toutefois, les enfants de parents hétérosexuels se décrivent comme plus agressifs et moins aimables que ne le font ceux de lesbiennes. Dans le même sens, comparativement aux descriptions des mères lesbiennes et des professeurs de ces enfants, les descriptions des parents hétérosexuels et des professeurs montrent que les enfants d’hétérosexuels sont plus dominateurs, plus négatifs, moins affectueux, moins sensibles et moins protecteurs envers les plus jeunes que les enfants de mères lesbiennes. D’autres comparaisons n’indiquent aucune différence entre les enfants de mères lesbiennes et les autres aux dimensions suivantes : désordres psychiatriques (Golombok – et al, 1983 ; Kirkpatrick et al., 1981) ; problèmes affectifs, d’hyperactivité, de sociabilité et de comportement (Golombok et al, 1983) ; développement du jugement moral, mesuré au moyen de techniques mises au point par Kohlberg (1964 ; 1966) (Rees, 1 979) ; intelligence (Green et al., 1986) ; caractéristiques de personnalité, mesurées par le California Psychological lnventory (Gottman, 1990) ; et concept de soi, tant chez les jeunes enfants (Puryear, 1983) que chez les adolescents (Huggins, 1989).
Revenant à la Californie, le maire de San Francisco, suite à l’adoption de la Proposition 8, a déclaré : « Depuis sa création au XVIIe siècle, la Constitution de notre pays a été changée dans le but d’ajouter des droits aux citoyens. Mais c’est la première fois que notre Constitution est changée pour enlever des droits. » C’est avec des témoignages comme ceux-ci que l’on se rend compte que ces décisions sont loin de faire l’unanimité auprès de la population locale et même mondiale. Encore aujourd’hui, devant ce phénomène, il reste encore énormément de travail à faire. Au 29 novembre 2011, dix pays ont légalisé le mariage homosexuel, les Pays-Bas étant les premiers en 2000, auxquels s’ajoutent six États des États-Unis. Heureusement, plusieurs démarches sont entreprises afin de faire valoir les droits humains en lien avec l’homosexualité. NOH8 en étant un parfait exemple. Et même à l’échelle mondiale, à titre d’exemple, se retrouve l’initiative du Forum des Peuples du Commonwealth et du Ministre des affaires étrangères australien Kevin Rudd pour la décriminalisation de l’homosexualité dans les 41 États du Commonwealth où elle reste un crime.