Ce n’est plus un scoop, la Wii lancée il y a cinq ans déjà, la console la plus vendue de tous les temps, voit depuis quelques mois ses ventes s’essouffler.
Avec plus de 86 millions d’unités écoulées dans le monde (en mars 2011), la firme de Satoru Iwata a réussit pendant près d’une demi-douzaine d’années à éclipser ses principaux concurrents : Sony (PS3) et Microsoft (Xbox 360) avec 45,4 % de part de marché.
Cette part du lion, que s’est taillée la firme japonaise sur le marché des consoles de salon, elle le doit à une stratégie marketing prodigieuse.
Tandis que Sony et Microsoft s’étaient lancés dans une lutte séculaire acharnée visant à toujours répondre aux besoins grandissant des joueurs des consoles précédentes, l’entreprise Nintendo a, elle, décidé de « déjouer » ce système concurrentiel.
Au lieu de se lancer corps et âmes sur un segment ultra maîtrisé par les acteurs déjà en place où les graphismes, la performance visuelle sont au centre de l’affrontement, Nintendo a pris le pari de baser son Business Model davantage sur la révolution d’usage (avec la reconnaissance de mouvements) que sur les performances techniques.
Cette ligne de conduite, qui laissa d’abord le monde du jeu vidéo pantois, lors de son annonce en 2004, rassura rapidement le marché lors de la présentation de la console au salon 2006 de l’Electronic Entertainment Expo (E3).
La suite de l’histoire, tout le monde la connait. Rattrapée sur le tard par le Kinect de Microsoft et le Move de Sony fin 2010, l’océan bleu, jusqu’à il y a peu calme et paisible de Nintendo, est maintenant le théâtre d’une confrontation acerbe. Une confrontation qui force aujourd’hui l’entreprise de Satoru Iwata à revoir sa stratégie.
Le salon de l’E3 2011, clôturé le 9 juin dernier, a justement fait l’objet de la révélation de la nouvelle stratégie de Nintendo avec la présentation de la Wii U.
Et, le moins que l’on puisse dire c’est que celle-ci a laissé l’opinion publique plus que perplexe. En témoigne la chute de l’action de Nintendo de 5,7% puis de 5,2%, à la bourse de Tokyo, durant les deux jours qui ont suivi sa présentation au salon.
Présentée comme égale ou légèrement plus puissante que la PS3 ou que la Xbox 360, la particularité de la nouvelle Wii est d’offrir une expérience de jeu différente. La firme a décidé, après la révolution de ses manettes sans fils à détection de mouvements (Wiimote et Nunchuk), imitées par la concurrence, de se focaliser sur un nouveau système intuitif : une tablette tactile.
Nintendo tente donc de recréer un modèle d’affaires lui permettant de se distancer de ses concurrents. Certes, grâce à la tablette, Nintendo s’éloigne considérablement de Sony et de Microsoft, dans le système de jeu, mais l’entreprise ne s’éloigne-t-elle pas, par la même occasion, de son cœur d’activité, de celui qui a fait son succès avec la Wii ?
Bien que l’on pourrait croire, qu’en proposant des graphismes similaires à ceux des autres consoles de salon, Nintendo se lance dans un affrontement frontal avec la PS3 et la Xbox 360, il n’en est rien.
La Wii U n’a aucunement l’intention de cibler les « hardcore gamers » (joueurs intensifs) mais bien de continuer à exploiter son filon des « casual gamers » (joueurs occasionnels).
Cette lecture stratégique s’explique simplement par le fait que les graphismes, aujourd’hui semblables entres les consoles, ne le seront bientôt plus quand Sony et Microsoft lanceront leur nouveaux modèle de console.
A ce moment là, la Wii U ne fera plus le poids d’un point de vue performance visuelle. La clé de survie pour Nintendo reste donc bien celle de poursuivre dans sa stratégie initiale : celle de la console d’amusement entre amis ou en famille. De ce fait, on peut légitimement se poser la question de la pertinence de faire évoluer la manette en une tablette tactile.
En nous offrant une nouvelle expérience de jeu, Nintendo espère attirer les curieux, comme l’entreprise l’avait déjà fait avec la Wii. Mais alors que cette dernière offrait à sa sortie une véritable (r)évolution technologique d’usage, peut-on en dire autant de l’écran tactile, fer de lance de la Wii U ? N’est-ce pas sa ressemblance avec la célèbre tablette tactile d’Apple, l’iPad 2, qui a fait douter le marché quant à la réelle révolution promise par Iwata ?
En tout cas, si Nintendo souhaite réitérer son succès d’il y a cinq ans, il devra prouver que sa nouvelle console offre une pratique de jeu nouvelle et révolutionnaire, ce qui, au premier abord, ne semble pas être le cas.
Mais n’était-ce pas précisément ce même sentiment qu’avait l’opinion publique avant le lancement de la Wii ? Alors essayons de ne pas juger trop vite cette nouvelle console (prévue après avril 2012) et laissons une nouvelle fois à Nintendo la chance de nous éblouir.
« la console la plus vendue de tous les temps »
Euh, la Playstation 2 et ses 143 millions d’exemplaires vendus ça compte pas? 8)