La retraite est un droit garanti par la Constitution de la Vè République… C'est un droit, qui a été obtenu par les syndicats. Ce droit est différent selon les métiers exercés : 55 ans pour les cheminots de la SNCF et les traminots de la RATP ! En clair, la Loi prévoit qu' « il faut avoir cotisé pendant 37,5 annuités pour avoir droit à un départ à la retraite »

 

Cependant, a-t-on le droit d'imposer, à tout salarié, qu'il parte à la retraite dès que l'heure a sonné ? Non… Si la Loi existe, qui doit être maintenue dans les faits, on doit laisser le salarié décider !

 

 

 

C'est ce que pense l'association PNT 65, présidée par Jean Serrat

« On n'impose pas la cessation d'activité. C'est un choix » : tel est le crédo de cette association, qui a le mérite d'être clair et d'être ferme…

 

Après avoir été pilote de ligne sur Mercure, Airbus A300 et sur Boeing 747, tour à tour chez Air Inter et chez Corsair, Jean-Serrat a cessé son activité de commandant de bord sur Boeing 747, après 31 ans d'activité, il y a un an, alors qu'il était âgé de 54 ans…

 

Jean-Serrat a décidé de créer PNT65(a). « Notre Association a été créée fin 2004. Il s’agit d’une association de près de 500 pilotes de ligne dont le but est d’obtenir l’alignement sur les normes internationales en matière de limite d’âge pour exercer notre métier à savoir 65 ans. Depuis 2007, il ne reste plus que l’Italie, la Colombie, l’Afghanistan et la France qui licencient leurs pilotes à 60 ans. Ceci est illégal vis-à-vis des règlements européens qui interdisent la discrimination du fait de l’âge en matière d’emploi et le but de notre association est justement d’œuvrer afin que le droit européen soit respecté. »(b), m'explique-t-il d'un ton convaincu…

Jean Serrat a rédigé, au nom de PNT 65, le Cahier de Doléances, qu'il a présenté, le 13 mai 2009 , en ces termes, au Président de la République, au Président du Sénat et au Président de l'Assemblée Nationale : « Mayday… Mayday… Mayday. Lorqu'un pilote se trouve dans l'imminence d'un grand danger, il lance, par 3 fois le cri d'alarme ''Mayday" et agit pour éviter l'accident. Ce cahier de Doléances, que symboliquement nous vous présentons en uniforme, est le "Mayday" de l'Association PNT 65, dont l'action est centrée sur l'Ethique, le strict respect du Droit, des Institutions. L'absence de réponse à nos questions posées aux services de l'Etat est à l'origine dans nos cockpits, pour l'ensemble des Pilotes de Ligne français, de conflits ouverts intergénérationnels, extrêmement accidentogènes. Vous devez nous aider à mettre un terme à cette situation catastrophique. Nous sollicité votre haute autorité et votre sens des responsabilités pour trancher de manière indiscutable les discriminations artificiellement créées et de rappeler de manière officielle le fondement de la loi promulguée le 18 décembre dernier. Acceptez, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale, les marques de notre plus profond respect. Pour l'Association PNT65, son Président. Jean Serrat ».


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Pour come4news, Jean Serrat a voulu nous en dire plus…

 

Commandant, pourquoi avez-vous créé cette PNT 65 ?

Pour faire respecter le droit, il y avait la possibilité de choisir l’action au sein d’un syndicat. Mais la problématique relève de la transposition obligatoire en droit français de règlements européens prioritaires par rapport à notre droit interne ce qui n’est pas du domaine de compétence d’un syndicat catégoriel tel le SNPL, syndicat national des pilotes de ligne.

De plus, n’oublions pas qu’en 1995, la limite d’âge a été instaurée à 60 ans en France suite à la fusion entre Air France, compagnie à statuts où la limite avait toujours été de 60 ans, UTA et Air Inter où il n’y avait aucune limite.

Pour de sordides questions de liste de séniorité c'est-à-dire de priorité à l’accès aux postes de commandant de bord ou aux qualifications sur les avions les mieux rémunérateurs, le Président d’Air France de l’époque et le SNPL ont fait un lobbying intense afin que tous les pilotes français soient limités à 60 ans.

Compte tenu de ce passé récent, la position de certains leaders du SNPL a systématiquement été opposée au déplafonnement. En effet, si on déplafonne l’âge, cela veut dire que certains resteront plus longtemps et libéreront donc leur place plus tard. C’est le conflit générationnel assuré où l’intérêt personnel prime sur l’intérêt collectif.

C’est pour ces deux raisons, priorité des règlements européens et comportement de certains dirigeants du SNPL que nous avons décidé d’agir via une Association loi 1901.

 

« Pour la liberté de rester ou partir » : telle est la devise de PNT 65… Or, il semble que certains navigants d'Air France, Membres du Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) ne l'aient pas entendu de cette oreille, puisqu'ils ont maintenu leur grève du 14 au 17 novembre 2008… Que leur répondez-vous face à leur mouvement revendicatif, sachant que 29 étaient pour cette grève et que 28 étaient contre ?

Le débat pour les actuels dirigeants de ce syndicat est volontairement passionnel et nous sommes très éloigné de la raison.

Si on veut résumer, il y a ceux qui sont âgés de moins de 45 ans qui, pour des raisons évidentes de carrière personnelle, veulent majoritairement le départ des anciens.

Il y a ceux âgés de plus de 45 ans qui, pour des raisons également personnelles, sont majoritairement favorable à la liberté de pouvoir, sur la seule base du volontariat, choisir un âge de cessation d’activité au-delà de 60 ans.

La génération d’avant 45 ans a majoritairement pris le pouvoir de ce syndicat et monopolise la pensée unique. Pas de débat contradictoire. Annonces volontairement erronées de la réalité. Intimidations diverses et variées. Votes de grève à main levée. Toutefois, pour votre information, la fameuse grève de novembre a été peu suivie en comparaison des actions que nous avions connues par le passé et malgré le fait que la population âgée de moins de 45 ans soit techniquement trois fois supérieure à celle de ceux âgés de plus de 45 ans.

Mais, en dehors de la liberté personnelle que nous défendons de pouvoir s’arrêter quand bon vous semble, que ce soit avant l’âge de 60 ou après, il faut rappeler la situation de notre Caisse de retraite complémentaire, CRPN.

Déjà en 2005, pour 366 M€ de pensions versés, nous n’avons eu que 273 M€ versés au titre des cotisations salariales et patronales. Seuls les gains du placement de nos réserves ont permis d’atteindre l’équilibre. Mais ces réserves baissent et, dès cette année, l’équilibre non seulement n’existe plus mais va s’aggraver d’année en année.

Augmenter le taux de cotisation c’est affaiblir notre compétitivité. Baisser les pensions, personne ne veut en entendre parler. Il ne reste plus que le nombre d’année de cotisation.

C’est pour cela que nous demandons qu’on laisse ceux qui veulent continuer à travailler donc à cotiser le faire librement dans le respect de contraintes médicales renforcées.

Compte tenu de cette situation, notre message est clair : si on ne laisse pas la possibilité d’aller, sur la seule base du volontariat, au-delà de 60 ans, ce sera très bientôt une obligation.

 

Commandant, je vais me faire l'avocat du diable… Mais, n'avez-vous pas l'impression que ceux qui ne ne veulent pas partir en retraite prennent la place de jeunes pilotes ?

Le seul moteur du développement de l’emploi, c’est la croissance.

A priori avec une population figée, le fait de rester plus longtemps pourrait laisser à penser que cela se ferait au détriment des jeunes.

C’est faux car si pour résoudre la problématique des caisses de retraite on ne peut pas jouer sur le nombre d’année de cotisation, il ne restera plus comme solution qu’augmenter les cotisations donc la charge sur les salaires de la compagnie. C’est la porte ouverte à la perte de compétitivité qui immanquablement nous amène vers les délocalisations.

Pour votre information, c’est ce que vient de faire le Groupe TUI avec sa compagnie Corsair. Ils ont pris nos deux Boeing 737, les ont peint en vert et les ont mis dans une nouvelle low-cost basée au Maroc. Deux Boeing 737 en moins pour Corsair c’est 200 emplois de perdus pour la France et c’est 18 emplois de pilotes en moins. Que pensez-vous que fait le Groupe Air France avec Citi-jet, compagnie de droit Irlandais, dont il détient 100 % des actions et au demeurant avec des pilotes âgés de plus de 60 ans ? Que pensez –vous que fait ce même Groupe lorsqu’il obtient des droits de trafic du Conseil Supérieur de l'Aviation Marchande (CSAM) en partage de code avec Kenyan Airways pour 40 vols par semaine mais totalement faits par les Kenyans ?

Le déplafonnement est l’avenir pour tous et plus particulièrement pour les jeunes pour qui la compétitivité sera le maître mot de leur carrière à venir. Nous ne sommes plus dans un espace aérien protégé.

 

En ce qui concerne l'âge limite pour piloter, que prévoit l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) ? Y a-t-il des différences entre les réglementations de l'OACI et les réglementations nationales, via pour la France la DGAC ou le CSAM ?

La norme OACI votée le 26 novembre 2006 relève à 65 ans la limite d’âge pour exercer le métier de pilote de transport public dans le seul cas de vol en équipage avec plus d’un pilote et si un seul de ces pilotes est âgé de plus de 60 ans.

Il s’agit d’une norme qui ne s’impose donc pas aux états pour leurs propres pilotes à la condition que ces états notifient leur différence. Par contre, depuis cette date, la France ne peut plus interdire aux autres pilotes des états membre de l’OACI et âgés de plus de 60 ans de voler au départ de nos aéroports ou dans notre espace aérien.

Cette norme est proposée à l’identique à présent par l’EASA, notre DGAC européenne, dans un règlement qui va s’imposer à tous les ressortissants de notre communauté européenne. Le texte final devrait être voté et publié à la mi 2010.

Pour donner les différences importantes actuelles, nous avons la Hongrie avec un âge limite de 62 ans, l’Italie, la Colombie et l’Afghanistan avec une limite à 60 mais cela va changer en Italie dans les mois qui viennent. La France limitée à 60 ans jusqu’à la fin 2009 puis 65 ensuite.

 

Existe-t-il une réglementation au sein de l'Union Européenne ?

Le fameux texte JAR FCL, qui traite de la totalité des règles portant sur les licences, n’est pas encore finalisé. Il existe une norme pour l’instant mais, dès la sortie officielle courant 2010 de ce règlement JAR FCL, la limite d’âge fixée aura force de loi. Comme je l’ai déjà précisé, le texte JAR FCL reprend à l’identique le texte de la norme OACI.

 

Commandant, comme on le sait, le transport aérien est en crise… Des compagnies aériennes, qu'on croyait solides, sont au bord du dépôt de bilan, d'autres, à l'instar de Sabena, Swissair, Air Afrique… sont définitivement mortes… Les compagnies aériennes ''low cost'' se font une concurrence acharnée, les plus solide arrivant à tenir… De plus, il y a le problème du prix du carburant et des taxes aéroportuaires… Comment voyez-vous l'avenir du transport aérien, tant en France, que dans l'Union Européenne ou dans le Monde ?

Il est clair que le protectionnisme avec les accords de ciel ouvert a volé en éclat. On assiste à présent à des prises de position planétaires avec les alliances, la taille étant le critère premier des économies d’échelle. Celui qui sortira de la crise momentanée avec les bonnes alliances et positions stratégiques sera le grand bénéficiaire. Il y a déjà 20 ans, le Président de British Airways annonçait qu’il n’y aurait la place que pour un maximum de 3 grands groupes en Europe.

Un second secteur révolutionnaire a privilégié la rationalisation de coûts avec un seul type d’avion, la vente par internet, les rythmes de rotation soutenus. Ce sont les Low Cost qui sont incontournables à ce jour. C’est un segment de marché inabordable pour les grandes compagnies traditionnelles. Du reste, le Président d’Air France ne s’y est pas trompé avec sa volonté d’utiliser le TGV en propre comme moyen de transport entre les HUB d’Amsterdam et de Paris.

Le trafic aérien va continuer à se développer à un rythme soutenu. Par contre, la réalité se traduit et va se traduire par des transferts d’activité vers les régions à faible valeur ajoutée.

Développement du trafic aérien ne veut plus dire développement de l’emploi des navigants dans notre pays. Cette époque est révolue.

C’est le grand pari de l’avenir pour nous au niveau social. On ne pourra pas délocaliser votre boulangerie par contre on peut tout à fait faire un Le Caire – Paris – Le Caire à la place d’un Paris – Le Caire – Paris.

Voila pourquoi la maîtrise des coûts passe par l’allongement de la durée de cotisation sur une base de volontariat. Transférer de façon autoritaire à la charge de la collectivité et des régimes sociaux les pilotes désireux de continuer est suicidaire à très court terme.

 

Il semblerait qu'il n'y a pas assez de pilotes dans notre Pays. Si cette information est exacte, que faudrait-il faire pour que cela change ? Par ailleurs, les formations, les cours de pilotage, ne sont-ils pas trop onéreux sachant qu'il faut de nombreuses années pour obtenir une licence de pilote professionnel ?

Cette information n’est pas exacte à ce jour du fait de la crise ponctuelle. Mais ce sera le cas dans deux ou trois ans car le rythme de formation n’est pas en adéquation avec les besoins.

N’oublions pas également qu’un grand nombre de pilotes qui étaient auparavant « prisonniers » de leur licence donc d’un pays vont de plus en plus pouvoir partir facilement à l’étranger grâce aux reconnaissances mutuelles de licence.

En fonction des énormes besoins des pays émergents, il y aura de fortes incitations financières pour, à titre personnel, se délocaliser. Ces mouvements peuvent amplifier la pénurie chez nous dans les années qui viennent.

Nous manquions déjà de pilote début 2008. Suite à la crise ponctuelle, cette pénurie est momentanément freinée. Mais ce sera le cas à nouveau dès la reprise.

Quant au coût de formation il est et restera par nature onéreux car les heures d’avion coûtent cher même si nous procédons à de plus en plus d’heures en simulateur. Le point clé sur lequel tant les pilotes que les employeurs doivent se défendre est celui d’un minimum de formation assuré et financé par l’état.

Un médecin ou un architecte, n’a pas à payer pour sa formation qui relève de la responsabilité de l’état. A l’identique, une partie conséquente des besoins de formation doivent être assurés par l’état et non les entreprises. C’est à la fois un gage de sérieux mais également d’équité sociale car tout le monde n’est pas issu d’une famille où on pourra mettre sur la table les quelques 150 000 euros nécessaires à l’accès à l’emploi. La sélection ne doit pas se faire par l’argent.

 

Pour conclure, Commandant, quel avenir voyez-vous pour la profession de pilote de ligne, mais également pour votre Association PNT65 ?

 

Le métier de pilote de ligne reste un monde fabuleux. Même si nous avons effectivement perdu beaucoup de nos prérogatives, il reste un métier de responsabilité, de rigueur et bien évidemment une passion pour une grande majorité d’entre nous. Ce métier va évoluer encore. Pour certains dans la mauvaise voie. Pour d’autres vers une amélioration de certaines de nos contraintes.

Une chose est sûre pour moi, il y a encore beaucoup d’avenir pour cette profession et beaucoup de plaisirs à la pratiquer.

 

Quant à l’Association, il ne me tarde qu’une seule chose : sa dissolution car cela voudra dire que notre but est atteint et que les pilotes peuvent librement décider de rester ou de partir.

(a). http://www.pnt65.fr

(b) Divers documents de PNT 65, peuvent être consultés : « le décret sur l'emploi des Séniors » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=296 ], « Des RS du SNPL démissionnent » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=295 ], « Communiqué de Presse du 11 mai 2009 » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=294 ], « Le sondage bidon » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=293 ] , « La Motion du SNPL du 6 mai 2009 » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=291 ] , « Tout le monde n'est pas naïf au SNPL » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=290 ] , « Pour Spinetta, la limite d'âge est de 90 ans » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=289 ] , « Le second sondage du SNPL : Mascarade, Maquillage, Esbroufe » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=288 ] , « Conclusions de la COMSEC : Limites pour les autres et rien pour moi » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=287 ], « Entre l'enquête et la COMSEC, le SNPL ne s'arrête plus » [ http://www.pnt65.fr/index.php?page=Infos_details&ref_article=285 ]

 

Vidéo : Interview de Jean Serrat sur LCI, avant promulgation de la loi.

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