Je ne vais pas entrer dans le « détail » des plaintes croisées de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), en mal de visibilité, et de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, en mal de copies vendues et de circulation. Ce dont je peux attester, c’est du bluff total de la rédaction de cet hebdomadaire tapant, cognant, piétinant Manuel Valls pour, cette fois, de très, très mauvaises et fallacieuses raisons. Car si, effectivement, pour la galerie et l’opinion publique, il a été annoncé que les aberrations de la période Guéant-Alliot-Marie et consorts appartenaient à un passé révolu, dans les faits, l’acquisition de la nationalité française, hormis peut-être pour de très riches libanais, qataris, saoudiens, reste un parcours plus difficultueux, semé d’embûches et de manœuvres dilatoires…  

Tiens, ce courrier m’en rappelle fortement un autre. Celui qu’avait reçu I. D., une juriste russe, épouse d’un officier supérieur, mère de deux enfants nés en France, qui avait sollicité la nationalité française. C’était sous la Sarkozye triomphante.
Elle et son mari étaient magnifiquement intégrés de longue date, imposables, et I. avait même complémenté sa formation initiale de niveau mastère par un diplôme universitaire français.
Mais elle présentait l’inconvénient de relever du ressort de la préfecture de Nanterre. J’avais sollicité pour elle des appuis divers, de personnalités politiques de l’UMP et du Parti socialiste, en vain…

Ce courrier-là commençait par « vous avez formulé une demande en vue d’acquérir la nationalité française ». Se poursuivait par « ajourner votre demande à deux ans », et ce concluait par « déposer un nouveau dossier ». Soit, pour Madame I. D., un troisième dossier, car le premier, dont elle pouvait justifier d’un récépissé, d’un numéro d’enregistrement, avait été irrémédiablement perdu. Croyez-vous que le ou la moindre fonctionnaire française ait ressenti le moindre besoin de présenter des excuses ? Que nenni. Avec une morgue, une arrogance de commis qui ne passera jamais agent et encore moins contrôleur ou inspecteur, Madame I. D. fut remise vertement à sa place lors de la présentation du dossier reconstitué et au final, « on » a eu la munificente – et magnificente –  indulgence et magnanimité de lui accorder ce faramineux délai…

Elle aurait pu déjà (et encore davantage à présent) donner des cours de français à ses interlocutrices et interlocuteurs, et même sans doute aux journalistes de Valeurs actuelles. C’est d’ailleurs aussi le cas de Yadviga (diplômes russes et français avec mention permettant d’envisager un doctorat), dont je donne le prénom puisqu’elle a pu acquérir la nationalité française par mariage. Comme d’ailleurs mon ex-gendre, docteur d’une université française (et parisienne, des mieux cotées internationalement), actuellement magistrat d’une cour régionale des comptes.

Là, à des nuances et dates différentes près, je prends connaissance d’un courrier en presque tout point similaire, adressé à J. G., mère d’un enfant né en France, arrivée adolescente en France, depuis un pays devenu par la suite européen. Le prétexte invoqué par l’administration préfectorale de la Seine-Saint-Denis est particulièrement « farce » (les guillemets de distanciation s’imposent ici).  Son insertion professionnelle serait insuffisante. Évidemment, pour des raisons de santé, elle a démissionné d’un emploi stable (en CDI), et entrepris d’obtenir, avec félicitations, un diplôme universitaire qualifiant lui ayant ouvert la perspective d’un autre emploi stable, et même d’entamer une carrière de cadre intermédiaire (et davantage si…).

Sa maîtrise du français oral est parfaite, proche de l’excellence, elle éprouve des difficultés orthographiques et syntaxiques somme toutes légères que maints étudiants de Sciences politiques lui envieraient et qu’un Nicolas Sarkozy, parait-il titulaire de l’équivalent d’un mastère, supporterait fort bien de ses nègres lui ayant concocté ses discours. C’est dire.

Valeurs actuelles a une conception très restrictive de la règle dite du concuvit (vulve, postérieur, pénis). Faut-il rappeler à sa rédaction qu’elle ne se rapporte pas qu’à la division (qui est un peu à la prose ce que la césure est à la poésie), soit à la typographie.
Le concuvit exige aussi que le son kon soit évité par l’emploi d’un « que l’on ».
Cet ajout d’une consonne sonore, dentale, latérale, la neuvième de l’alphabet, sert aussi à s’épargner un hiatus – contact dissonant de deux voyelles –  grâce à une epenthesis (action d’intercaler), soit, en terme usuel, une liaison.
Yadviga (Edwige en d’autres vocables) l’expliquerait de moins cuistre façon, J. G. vous dirait que cela tombe sous le sens mais qu’elle déplore le trop faible niveau langagier de maintes Françaises et Français de tous âges, conditions, niveaux d’études.
Titre principal de la une de couverture du Valeurs actuelles nº 4009 daté du 20 courant, qui restera dans les mémoires et archives des écoles de journalisme et formations de correctrices et correcteurs : « L’invasion qu’on cache ». Je ne sais si Louis Guéry – que je salue respectueusement et confraternellement au passage – est encore de ce monde, j’espère que cela ne l’achèvera pas ni ne le fera se retourner en sa tombe. Naguère, ce serait passé pour une faute lourde entraînant licenciement(s) immédiat(s) ! Le premier secrétaire de rédaction aurait présenté sa démission, ses subordonné·e·s se seraient vu·e·s désigner la porte, et même Le Pays de Porrentruy – qui éprouvait parfois du mal à recruter – n’en aurait plus jamais voulu.

Du temps du regretté député-maire d’Épernay, Bernard Stasi († 2011), dont les parents étaient des compatriotes de ceux de Manuel Valls (hispano-italien de même), les téléphones des supérieurs de qui a rédigé l’un ou l’autre de ces deux courriers auraient sonné : hélas, l’excellent Bernard Stasi, l’un des plus fins connaisseurs de la langue française, amateur éclairé de poésie, n’allait pas très fort lorsque le premier me fut communiqué, pour ce second, c’est hélas trop tard pour que je puisse solliciter son amicale intervention (et sa rageuse indignation).

Si je ne sais qui au cabinet de Manuel Valls lit ces lignes, qu’il s’interroge ; il en entendra de nouveau parler… peut-être dans les dîners en ville.

De quoi nous gratifie la rédaction de Valeurs actuelles ? De cette farfelue approximation : « En abandonnant toute exigence à l’égard des immigrés et de leurs descendants avec lesquels les Européens sont sommés de trouver en permanence des accommodements… ». Breton de Paris, me sentant fort étranger parfois dans le pays de ma nationalité du fait du français que j’y lis et entends, je reste sans voix, éberlué, stupide, voire tremblotant… Mais, me ressaisissant, je ne peux que m’insurger. C’est faux, faux, faux, archi-faux.
D’une part, nombre d’Européens et de Maghrébins, d’Africains francophones (je pense par exemple à cet excellent confrère, Mohamed Benchicou, dont les récits sont souvent traduits du français vers divers arabes dialectaux ; je pense aussi bien sûr à l’ami disparu, Désiré Bolya Baenga, autre auteur remarquable…) sont assaillis, blessés, par l’état de la presse et des médias français de France. D’autre part, pour emprunter un anglicisme, c’est ajouter l’insulte à la blessure. Mais enfin, c’est nous, Bretons, mais aussi Maghrébins, Africains, Européens, Asiatiques, Nord et Sud-américains, Australiens, et autres un tant soit peu intègres, un tant soit peu au moins congrus (et fort souvent beaucoup plus férus) des langue et civilisation françaises, qui sommes blessés et injuriés !

Dans un communiqué, non signé, mais que j’imagine avoir été soumis à la rédaction en chef, validée par la direction de la publication et ses conseils, Valeurs actuelles déclare porter plainte pour les chefs de « dénonciation calomnieuse, diffamation et atteinte à la liberté d’expression ». Est visée la seule UEJF. Étonnant. Pourquoi pas tant et tant d’autres ?

Le trouble de l’ordre public n’étant pas formellement constitué, vérifié, il m’est, il nous est, très difficile d’exiger l’ouverture de poursuites contre Valeurs actuelles au titre de la diffusion de fausses nouvelles.

Mais puisque nous sommes injuriés, répliquons : de tels personnages de l’acabit d’Yves de Kerdrel ne valent même pas les balles que nous leur aurions logées dans le crâne si le duel était encore licite. L’injure est constituée : j’attends… J’invite, j’incite, à agonir d’injures publiques Yves de Kerdrel et qui a mis en forme ce dossier sur les naturalisations, peut-être – cela resterait à établir – en tronquant, déformant, les informations remontées par les journalistes et pigistes de terrain. Plus nous serons à être poursuivis, mieux ce sera…

Si nous ne l’étions pas, cela démontrerait que Valeurs actuelles, en tout cas ses directions de la rédaction et de la publication, redoutent de multiples procès qu’ils pourraient lamentablement perdre. Car nous expliciterions, avec de multiples autres exemples irréfutables, l’imposture, le mensonge, la mauvaise foi, la désinformation !

Par ailleurs, oui, nous pensons que la naturalisation de Yadviga, d’I. D., de J. G., et d’autres que nous avons pu connaître, d’autres encore que nous avons fréquenté·e·s est ou serait une excellente chose. Nous obtiendrons de l’Ifop, auquel Valeurs actuelles a commandé un sondage, des précisions sur leur méthodologie. Nous tenterons de faire comparer, devant les tribunaux s’il le faux, entre ce qui a été transmis par l’Ifop et ce qui a été publié par Valeurs actuelles.

De toute façon, on a fort bien compris : Nicolas Sarkozy était le sauveur suprême, l’indépassable tribun, l’illustration même de la maîtrise des arts, des armes et des lois, &c. Manuel Valls est un agent de l’étranger, un stipendié de la Corée du Nord, &c. Air connu. D’ailleurs, hein, Hollande, cela ne veut-il pas signifier batave ? C’est à ce niveau que Valeurs actuelles fait redescendre le débat politique, ce qui n’échappe absolument aux observateurs étrangers.

Sachons raison et mesure garder. Valeurs actuelles n’est pas déjà tout à fait la réincarnation de Gringoire, dont Joseph Kessel et Romain Gary (deux écrivains d’extractions partiellement ou totalement étrangères) s’étaient volontairement écartés quand l’hebdomadaire commença à suinter la haine xénophobe. Mais l’odeur dégagée par Valeurs actuelles y l’époque chaque semaine davantage. « Chassez les métèques » ou « L’invasion qu’on (sic) cache », la différence est finalement ténue. Bientôt, lapidez les pâtres grecs ?

Mais est-ce bien assez insultant pour Yves de Kerdrel qui, in petto ou en s’esclaffant en compagnie choisie, se félicite peut-être de cette comparaison ? Son ambition est peut-être d’égaler Je suis partout ?

Irène Némirovksy-Epstein, une Ukrainienne ayant épousé un Russe, collaborait à Gringoire et Candide. Elle fut prix Renaudot (à titre posthume). Sa naturalisation lui fut refusée en 1935, puis en 1939, sous la pression de prédécesseurs d’Yves de Kerdrel. L’antisémite rédacteur en chef de Gringoire la publie alors sous pseudonyme : car elle était à l’origine israélite. L’argent n’a pas d’odeur, ses nouvelles étaient appréciées. Un Yves de Kerdrel la dénoncerait-il à la gendarmerie française à présent ? Après tout, pourquoi pas ? Elle et son époux mourront à Auschwitz. Ce n’est peut-être pas tout à fait ce qu’un Yves de Kerdrel aurait voulu, mais, kor ki du, comme le chante Gilles Servat, ce Ponce Pilate doit savoir fort bien s’accommoder avec sa conscience…