Nafissatou & co : Pas de « trêve » pour la DSKmania…

Le 15 août, ce n’est pas tout à fait la « trêve des confiseurs » (amenuisement de l’actualité chaude aux veilles de Noël) partout dans le monde, mais il faut quand même bien meubler. Avec parfois du réchauffé. Et comme la DSKmania ne faiblit pas, attendez-vous à savoir que la thèse du complot risque d’opérer un retour sur le devant de la scène…

Je me fais une sorte de devoir de suivre l’actualité de l’affaire DSK (pas que… les évolutions du conflit en Libye, et leurs à-côtés, comme la mise sous protection policière de Bernard-Henri Lévy, ou surtout les conflits internes au Conseil national transitoire, ont une autre portée).
Après tout, c’est l’une des affaires judiciaro-policières les plus retentissantes de ces dernières années.
De plus, la personnalité, le rôle mondial et « domestique » (franco-français) de Dominique Strauss-Kahn alimentent les rumeurs les plus folles.

Tenez, tout étant « dans tout » (et inversement), on en viendrait à se demander si la mise à pied de Sihem Souid (six mois sans émoluments et plus de contacts avec ses collègues de la police, de l’Air et des frontières et autres) ne serait pas liée à l’affaire DSK.
Histoire d’empêcher l’auteure d’Omerta dans la police (éds Le Cherche Midi) de mettre son nez dans les relations du groupe Accor (chaînes Sofitel et autres) avec le ministère de l’Intérieur. Nous y reviendrons…

Il ne se produit plus dans le monde une affaire d’agression sexuelle mettant aux prises une personnalité avec une personne « du commun » sans que le parallèle avec DSK soit fait.

Dernière en date, une histoire au Cameroun (un directeur général et une stagiaire), mais il en est d’autres.
Le patronyme composé de l’ancien dirigeant du FMI ne se prête pas trop à des déclinaisons et on n’a pas encore vu surgir d’expressions comme « ds-squeezer la bonne » (pour « serrer dans les coins »).
On peut toutefois s’y attendre.
Si le strauss-khanisme n’a pas pris politiquement, il inspire l’imaginaire populaire et la verve langagière.

Avec du vieux, on refait du neuf

En fait, hormis quelques incidentes, soit l’attention portée aux hôtesses de l’air, la série télé américaine censée s’inspirer de l’affaire, et la révélation que l’appartement ayant reçu la visite de Tristane Banon et d’autres à Paris était loué par Alex-Serge Vieux, ex-collaborateur ministériel de DSK, il n’y a guère de quoi relancer l’intérêt porté à DSK et Nafissatou Diallo.

Pourtant, pourtant… la crise monétaire et financière favorise le retour de la thèse du complot sur le devant de la scène. Un exemple ?

Dans l’Hindoustan Times et The Little Magazine (autre anglophone indien), Pratik Kanjilal revient sur la rumeur : « la dernière théorie (…) c’est qu’il menait une mission secrète pour révéler la raison des retards de versements des contributions étasuniennes à son organisation. Il aurait été pris au piège [honey-trapped] parce que, s’il s’était rendu à Fort Knox, il aurait découvert que les réserves d’or avaient été épuisées par des gouvernements prodigues et fauteurs de guerre… ».

Purement hypothétique, mais commode pour un procureur tel Cyrus Vance Jr pour se dégager d’un procès au pénal au résultat aléatoire, parfait pour semer le doute des jurés lors d’un procès civil. C’est pourquoi le cabinet Brafman et l’avocat William Taylor tentent d’alimenter cette piste. Oh, non point en mettant frontalement en cause la direction du groupe Accor, mais en cherchant à prouver que le Sofitel était véritablement infiltré par des agents dormants ou d’honorables correspondants des services français.

Crédibilité et véracité

DSK n’aurait pas été surclassé pour ses beaux yeux, mais parce que, se trouvant dans la suite 2806, il serait d’une part en contact avec Nafissatou Diallo (qui y effectuait un remplacement de congé de maternité) et d’autre part beaucoup plus loin de la réception. L’ennui, ce serait que le rendez-vous avec sa fille dans un restaurant n’aurait pas été anticipé. D’où l’histoire du téléphone oublié pour l’intercepter, un élément opportunément « soufflé » à la police de New York, selon cette hypothèse.

Le scénario envisagé : Nafissatou Diallo aurait pu jouer le rôle d’une « chèvre » à l’insu de son plein gré ou été plus ou moins incitée à rentrer en contact avec DSK, puis ensuite persuadée de porter plainte en sachant qu’elle ne serait pas soutenue que par la direction du Sofitel mais aussi par des gens encore mieux placés… Cela éclairerait autrement le controversé « je sais ce que fait » de sa fameuse conversation en peul avec un proche. Rien de nouveau. Oui, sauf si des éléments peu probants mais plausibles venaient étayer l’argument.

L’important, ce n’est plus tout à fait le déroulement supposé de l’incident ou des preuves matérielles discutables, mais la crédibilité des protagonistes. Soit la qualité de ce qui est rapporté avec une véracité suffisante pour emporter la conviction de jurés. Au pénal, un sur douze suffit pour accorder au prévenu le bénéfice du doute. Au civil, c’est un sur six dans l’État de New-York, et même dans le Bronx, la thèse du complot peut faire vaciller les convictions d’un juré.

Mais même si DSK se voyait obligé de dédommager Nafissatou Diallo, les motivations du jugement pourraient influer sur son sort ultérieur. De ce point de vue, l’interprétation que fera Franco Nero (qui incarnera DSK dans Law and Order ou ses versions doublées, dont New York – Unité spéciale), et le scénario que lui concoctera l’équipe de production, revêtent presqu’autant d’importance que le réel. En revitalisant la thèse du complot, en chargeant des enquêteurs de l’étayer, ce qui est le cas actuellement, Brafman et Taylor ne visent pas que l’issue du procès : il s’agit aussi de remettre en selle DSK, à moyen terme.

Au-delà d’un verdict

DSK n’est guère susceptible, comme O.J. Simpson, de rechuter dans une affaire crapuleuse (O.J. Simpson purge à présent une autre peine pour vol à main armée). O.J. Simpson fut acquitté pour le meurtre de son épouse mais ne put sauver ses produits dérivés et marques déposées ni publier son manuscrit, If I Did It (Si je l’avais fait). Pour DSK, les enjeux, sans être similaires ou du même ordre, dépassent l’issue du procès. Le client de Brafman et Taylor n’ambitionne pas seulement de pouvoir s’afficher paisiblement dans des restaurants ou dans des tribunes de concerts. S’il apparaissait « piégé » par une simple michetonneuse occasionnelle (ce qui filtre de son actuelle défense), ce serait certes un moindre mal, mais beaucoup moins porteur que d’apparaître tel l’homme qu’il fallait abattre par tous les moyens, improvisés ou fomentés de longue date. Attendez-vous donc à savoir que la thèse du complot n’est pas mise sous le boisseau… Brafma et Taylor ne défendent pas que l’homme Dominique Strauss-Kahn, mais aussi la « marque » DSK

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « Nafissatou & co : Pas de « trêve » pour la DSKmania… »

  1. Merci pour le suivi !

    L’affaire de pédophilie marocaine a avancé elle aussi :

    [url]http://www.liberation.fr/societe/01012350387-apres-les-accusations-de-ferry-l-enquete-esquisse-un-scenario[/url]

    La justice marocaine commence à se manifester :

    [url]http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/un-procureur-marocain-veut-enqueter-sur-les-declarations-de-ferry_1019871.html[/url]

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