Mots en péril et jeunesse impitoyable

Une langue qui s’appauvrit c’est ennuyeux et regrettable. Même si chaque année de nouveaux mots viennent enrichir le dictionnaire,  en comparaison combien disparaissent entrainant avec eux près de vingt cinq langues par an dans le monde ?

Il faut chasser les vieux mots pour laisser la place aux vocables modernes, disent certains car on ne peut faire des dictionnaires avec des milliers de pages. C’est comme cela que les vieux sont virés impitoyablement pour laisser la place aux jeunes. Ô jeunesse barbare!!

 

Les mots possèdent une histoire, une âme, une identité. Bernard Pivot, journaliste français et animateur à la télévision d’émissions culturelles (Apostrophes, Bouillon de culture, La grande Interro) a été élu à l’Académie Goncourt sans être écrivain ! Faut le faire ! Un exploit ! Mais on retient surtout de lui ses fameuses dictées auxquelles tant de français et francophones de par le monde ont voulu se confronter. Et il faut être passionnés des mots, de la grammaire, de l’orthographe pour tenter d’éviter de tomber dans tous les traquenards et autres pièges que ce fieffé amoureux de notre belle langue française, ce maître du verbe, sème sur le chemin de ces écoliers d’un nouveau genre.

 

Mais c’est surtout ses mots bizarroïdes, désuets mais tellement imagés dont il en a plein sa besace que je vous propose de découvrir. Ce sont de vrais petits bijoux insolites.

 

Et si on essayait de sauver à notre mesure les mots en péril ?

 

Pour une mise en bouche je vous propose le mot « bath ». Combien savent ce qu’il signifie ? De mon temps, comme je déteste dire cela car  je parle du siècle dernier, le XXème et oui, quand je trouvais quelque chose de beau, de bien, de « chouette » je disais « Oh ! C’est bath ça ! », tranquillement sans gesticuler. Puis « super » est apparu. Pour exprimer le même contentement il fallait le dire en forçant un peu sur sa voix : « c’est SU PER !! »

 

Un mec était super comme un bouquin, ou une idée.. ou n’importe quoi mais super n’y a plus suffi. Il fallait faire plus moderne, plus grandiloquent. C’est devenu « géant », « extra », « génial ».. Jusqu’où aller dans la démesure ?

 

Mais peut-être faut-il justement y mettre enfin un frein pour exprimer le maximum ?

 

Il devient alors de bon ton d’en dire moins pour en dire plus comme lorsque ma petite fille me dit à propos de quelque chose qu’elle apprécie beaucoup : « c’est top » ou « c’est trop ». Trop quoi ? Je ne sais pas mais elle, elle sait. C’est « genre » conclue-t-elle. Ah ? Genre quoi ? Genre, c’est tout !

 

Je n’ai plus qu’à remballer mon « bath » auquel elle comprend « macache ». Je sursaute. "Macache ? D’où cela te vient-il ?" "S’il faut que je t’explique", dit-elle en haussant les épaules, désespérée devant ce qu’elle prend pour une ignorance crasse. "Mon copain de classe, Toufik, le répète toujours et on trouve que ça vaut bien votre « que dalle » ou vos « clous », voilà !!

 

Moi, la native d’Algérie, qui pensais qu’elle se mettait aux langues arabes !! Wouallouh !! J’avais tout faux.

 

Mais n’est-ce pas là une manière qui en vaut bien d’autres d’enrichir notre langue ?