"Tu as la chance, me disent mes amis, de résider dans un endroit calme, loin du bruit, de la pollution et de la délinquance vermiculaire. A proximité de l’océan et de ses immenses plages de sable blanc. De quoi te plains-tu ?"
Et je réponds : "j’avais de la chance il y a 5 ans. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Et quand je serai vraiment vieux, cela risque de constituer un lourd handicap." Des détails ?

 

Des services aux sévices !
En 2007, nous avions 5 bureaux de poste dans la communauté de communes rurales où je réside, plus 2 bureaux supplémentaires ouverts l’été.
Ce n’était pas du luxe, ces villages forment un habitat très dispersé, s’étendant sur près de 30 Km sur 15 et du fait de la station balnéaire, l’été on passe de 10.000 à 150.000 résidents.
En 2012, il ne reste plus qu’une banque postale à l’année, qui ressemble davantage à un drugstore avec ses livres, ses DVD, ses cartes postales et son agence de voyages… Sur 3 guichets, un seul est réservé aux lettres et  aux colis. Quant au bureau estival survivant, il n’ouvre plus que 2 mois au lieu de 4. L’état est ruiné. Enfin, pas pour tout le monde…

En 2007, nous avions un tribunal d’instance à 30 Km où, depuis Napoléon, un juge débonnaire et un greffier serviable contribuaient au réglement des petits litiges. C’était facile pour peu qu’on sache lire et écrire, pas besoin d’avocat, c’était une vraie justice de proximité rapide et facile d’accès. Depuis 2009, il faut se rendre à la grande ville. Y passer la journée. Et souvent y revenir car la juridiction naguère surchargée, étouffe aujourd’hui sous ses dossiers. Les renvois d’audience y sont fréquents. Sans compter que les "juges de ville" n’apprécient guère les impudents qui ont la prétention d’exposer seuls leur cause. Alors, même si leur plaidoirie se résume à évoquer la sagesse du tribunal au civil et sa bienveillance au pénal, il faut payer au minimum 1000 à 1500 euros pour être dignement représenté.

 

En 2007, nous avions une navette intercommunale, minibus utile pour les personnes trop âgées pour conduire, ou trop pauvres pour s’acheter une nouvelle voiture ou faire réparer la leur, une fois leur vieille caisse HS, soupapes mortes grâce au super sans plomb, merci les écolos.
Cette navette qui leur était nécessaire pour faire les courses, serait absolument indispensable depuis qu’il n’y a plus qu’un seul bureau de poste où les ruraux ont souvent leur compte et perçoivent leur pension de retraite ou leur RMI. Mais le petit bus a été supprimé en 2009. Le char de l’Etat est à sec. Enfin, sauf pour ses amis…

 

En 2007, nous avions aussi un service de bus quotidien pour les 2 villes moyennes à environ 70 Km, et également pour la grande ville à 100 Km. A quoi bon se diront certains quand tout le monde a sa voiture ? C’est oublier le jeunes, les vieux, les pauvres sans voiture et les couples impécunieux qui n’en ont qu’une avec deux lieux de travail différents, et ceux à qui l’Etat a sucré le permis quand ils ont oublié 3 fois d’attacher leur ceinture.

Or les spécialistes et les hopitaux se trouvent, de tout temps, dans ces villes. L’Etat voulait tout regrouper dans la seule conurbation, mais il a hésité. Pour cette fois. En toute hypothèse, la suppression des moyens de transport a un double impact négatif sur les dépenses de santé : la plupart des malades renoncent un peu plus à se soigner, aggravant leur cas. Et ceux qui ont une bonne mutuelle et un médecin sympa utilisent des ambulances alors qu’ils sont valides.

Quant on parle de la suppression des bus, il ne faut pas oublier non plus que c’était bien pratique pour tout le monde quand on avait un train ou un avion à prendre et qu’on ne voulait pas laisser sa voiture sur un parking périurbain non surveillé et hors de prix, ou quand des vacanciers préféraient prendre le train pour se rendre au bord de la mer.
Pour les deux villes moyennes, depuis 2010, le service est passé de 52 semaines à 8 pendant l’été. Et pour la grande ville, le service a été carrément supprimé en 2009. Toujours par manque d’argent. Sauf pour les banksters évidemment.

 

Lourdes restrictions pour cause de gestion plombée

Ces services existaient depuis des décennies et, quand ils avaient du mal à boucler leur budget, ils étaient aidés par le conseil général en raison de leur aspect social. La rénovation des logements et bureaux des juges et des postiers par exemple, les subventions aux concessionnaires de transport ou aux mairies quand la navette était intercommunale.
Seulement voilà, afin de pouvoir tenir sa promesse de ne pas trop augmenter l’IRPP, l’Etat ne s’est pas contenté de fermer postes et tribunaux, en attendant de supprimer les hopitaux. Il s’est débarrassé de tout un tas de ses obligations, entretien des routes et des bâtiments publics, budgets sociaux pour les malades, les vieillards et les personnes en grande détresse, en les refilant aux collectivités locales. Sans verser d’indemnités compensatoires, ou si peu…
Résultat, financièrement étranglées, pour faire face à ces nouvelles dépenses et conseillées en cela par de pernicieux préfets ou sous-préfets, elles ont dû tailler dans le vif. Supprimer les dépenses tenues pour inutiles par la caste politique coupée du peuple, qui se fiche pas mal de la façon dont vivent les croquants et n’a de respect, de toute façon, que pour ceux qui gagnent au moins 5.000 euros mensuels.

 

Mon plaisant village est disloqué. Les vieux se laissent mourir ou se suicident. Les jeunes partent sans espoir de retour. Les derniers commerces baissent le rideau. Les gens simples sont désespérés. Le PIB, les AAA, la BCE, tout cela n’évoque pas grand chose pour eux.

Mais ils ont noté que Monsieur le maire, président du syndicat de communes, flamboyant élu UMP naguère, fait profil bas. Aux dernières cantonales, il s’est présenté comme "défenseur des intérêts locaux". Dans ma riante campagne, on a honte d’avouer qu’on a pu être, un jour, sarkozyste.