Mokhtar Trifi : « Nous espérons que la visite de M. Sarkozy en Tunisie n’aura pas un caractère…

Avocat connu pour son engagement dans la défense des libertés, Mokhtar Trifi, 58 ans, est depuis 2000 le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), la plus ancienne Ligue d’Afrique et du monde arabe. A la veille de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à Tunis, il rappelle sous quelle chape de plomb – invisible pour le visiteur étranger – vit la société tunisienne, depuis vingt ans que le président Ben Ali est au pouvoir.

Qu’attendez-vous de la visite officielle du président français, Nicolas Sarkozy, en Tunisie, du 28 au 30 avril ?

En juillet (2007), quand le président Sarkozy avait effectué une visite éclair à Tunis, il avait totalement ignoré la société civile tunisienne. Nous aimerions que ce ne soit pas le cas cette fois-ci. Mais, à l’avant-veille de ce nouveau déplacement, aucun de nous n’a été contacté ni par l’entourage de M. Sarkozy, ni par celui de Rama Yade (secrétaire d’Etat aux droits de l’homme). Au cours de sa campagne électorale, M. Sarkozy avait dit et répété que les droits de l’homme seraient un élément fondamental de la politique extérieure de la France. Nous espérons que sa visite en Tunisie n’aura pas un caractère purement économique. Les Tunisiens réclament depuis longtemps la démocratie. Cette question était d’ailleurs une condition posée à l’accord d’association entre l’Union européenne et la Tunisie, mais elle est restée lettre morte. M. Sarkozy pourrait user de son amitié pour rappeler que la démocratie en Tunisie est de l’intérêt de tous.

Savez-vous pourquoi une mission de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) s’est récemment vu interdire de venir en Tunisie ?

C’est la deuxième fois en six mois que la FIDH se voit refuser l’accès du territoire tunisien. De tout temps, elle a été la cible des autorités tunisiennes qui l’accusent d’être partiale (opinion que je ne partage absolument pas). L’un des précédents présidents de la Fédération, l’avocat français Patrick Baudoin, a été refoulé à quatre reprises de Tunisie ! C’est une Tunisienne, Souhayr Belhassen, qui en est à la tête, à présent, ce qui n’arrange peut-être pas les choses. Mme Belhassen est d’ailleurs en permanence la cible d’attaques d’une violence et d’une grossièreté inouïes, bassement sexistes, de la part d’une certaine presse en Tunisie.

Quelle est la situation actuelle, en Tunisie, en matière de démocratie ?

La situation ne s’améliore pas. Les défenseurs des droits humains restent la cible d’innombrables tracasseries : harcèlement, intimidation, agressions physiques, assèchement économique (pour ceux qui exercent des professions libérales), utilisation du fisc comme moyen de pression et de punition, campagnes de dénigrement dans les journaux, piratage du courrier électronique…

Il n’y a toujours pas de liberté d’expression, ni d’association. L’Association tunisienne des femmes démocrates, qui a vu le jour en 1989, est la dernière association indépendante qui ait été légalisée. Ni le Conseil national pour les libertés, ni l’Association de lutte contre la torture, ni l’Association de soutien aux prisonniers politiques n’ont reçu leur agrément… Quant à la presse, elle est toujours muselée. Le journal Al-Mawquif (opposition) est poursuivi en justice. Il risque de devoir fermer. La justice tunisienne est de plus en plus souvent appelée à la rescousse par le pouvoir, plus encore que la police.

Qu’en est-il de la Ligue tunisienne des droits de l’homme ?

La Ligue est paralysée depuis 2000, en proie à un imbroglio politico-judiciaire kafkaïen. Elle a eu droit à pas moins de 34 procès intentés par des gens proches du parti au pouvoir, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique). Elle les a évidemment tous perdus… Officiellement, il s’agit de dissensions internes à la Ligue, mais tout cela est, bien entendu, politique. Aucune tentative de sortie de crise n’a abouti. La Ligue n’a plus d’activité, même si, officiellement, elle n’a pas été dissoute. Ses locaux sont interdits d’accès. Nous nous retrouvons ainsi réduits, depuis des années, à nous battre pour continuer d’exister, au lieu de nous battre pour les droits de l’homme en Tunisie, comme ce devrait être notre rôle.

Comment se présente l’élection présidentielle de 2009 ?

Pour l’instant, elle ne semble pas devoir se tenir dans la transparence ni dans la démocratie. Grâce à un amendement constitutionnel, fait sur mesure, des candidats d’opposition sérieux tels que Nejib Chebbi (fondateur du Parti démocratique progressiste, PDP), ou le docteur Mustapha Ben Jaafar (secrétaire général du Forum démocratique), se retrouvent écartés de la compétition. Le pouvoir désigne pratiquement les candidats qu’il accepte d’avoir en face de lui. Le président Ben Ali n’a pas dit qu’il allait briguer un cinquième mandat, mais cela ne fait guère de doute…

Avocat connu pour son engagement dans la défense des libertés, Mokhtar Trifi, 58 ans, est depuis 2000 le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), la plus ancienne Ligue d’Afrique et du monde arabe. A la veille de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à Tunis, il rappelle sous quelle chape de plomb – invisible pour le visiteur étranger – vit la société tunisienne, depuis vingt ans que le président Ben Ali est au pouvoir.

Qu’attendez-vous de la visite officielle du président français, Nicolas Sarkozy, en Tunisie, du 28 au 30 avril ?

En juillet (2007), quand le président Sarkozy avait effectué une visite éclair à Tunis, il avait totalement ignoré la société civile tunisienne. Nous aimerions que ce ne soit pas le cas cette fois-ci. Mais, à l’avant-veille de ce nouveau déplacement, aucun de nous n’a été contacté ni par l’entourage de M. Sarkozy, ni par celui de Rama Yade (secrétaire d’Etat aux droits de l’homme). Au cours de sa campagne électorale, M. Sarkozy avait dit et répété que les droits de l’homme seraient un élément fondamental de la politique extérieure de la France. Nous espérons que sa visite en Tunisie n’aura pas un caractère purement économique. Les Tunisiens réclament depuis longtemps la démocratie. Cette question était d’ailleurs une condition posée à l’accord d’association entre l’Union européenne et la Tunisie, mais elle est restée lettre morte. M. Sarkozy pourrait user de son amitié pour rappeler que la démocratie en Tunisie est de l’intérêt de tous.

Savez-vous pourquoi une mission de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) s’est récemment vu interdire de venir en Tunisie ?

C’est la deuxième fois en six mois que la FIDH se voit refuser l’accès du territoire tunisien. De tout temps, elle a été la cible des autorités tunisiennes qui l’accusent d’être partiale (opinion que je ne partage absolument pas). L’un des précédents présidents de la Fédération, l’avocat français Patrick Baudoin, a été refoulé à quatre reprises de Tunisie ! C’est une Tunisienne, Souhayr Belhassen, qui en est à la tête, à présent, ce qui n’arrange peut-être pas les choses. Mme Belhassen est d’ailleurs en permanence la cible d’attaques d’une violence et d’une grossièreté inouïes, bassement sexistes, de la part d’une certaine presse en Tunisie.

Quelle est la situation actuelle, en Tunisie, en matière de démocratie ?

La situation ne s’améliore pas. Les défenseurs des droits humains restent la cible d’innombrables tracasseries : harcèlement, intimidation, agressions physiques, assèchement économique (pour ceux qui exercent des professions libérales), utilisation du fisc comme moyen de pression et de punition, campagnes de dénigrement dans les journaux, piratage du courrier électronique…

Il n’y a toujours pas de liberté d’expression, ni d’association. L’Association tunisienne des femmes démocrates, qui a vu le jour en 1989, est la dernière association indépendante qui ait été légalisée. Ni le Conseil national pour les libertés, ni l’Association de lutte contre la torture, ni l’Association de soutien aux prisonniers politiques n’ont reçu leur agrément… Quant à la presse, elle est toujours muselée. Le journal Al-Mawquif (opposition) est poursuivi en justice. Il risque de devoir fermer. La justice tunisienne est de plus en plus souvent appelée à la rescousse par le pouvoir, plus encore que la police.

Qu’en est-il de la Ligue tunisienne des droits de l’homme ?

La Ligue est paralysée depuis 2000, en proie à un imbroglio politico-judiciaire kafkaïen. Elle a eu droit à pas moins de 34 procès intentés par des gens proches du parti au pouvoir, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique). Elle les a évidemment tous perdus… Officiellement, il s’agit de dissensions internes à la Ligue, mais tout cela est, bien entendu, politique. Aucune tentative de sortie de crise n’a abouti. La Ligue n’a plus d’activité, même si, officiellement, elle n’a pas été dissoute. Ses locaux sont interdits d’accès. Nous nous retrouvons ainsi réduits, depuis des années, à nous battre pour continuer d’exister, au lieu de nous battre pour les droits de l’homme en Tunisie, comme ce devrait être notre rôle.

Comment se présente l’élection présidentielle de 2009 ?

Pour l’instant, elle ne semble pas devoir se tenir dans la transparence ni dans la démocratie. Grâce à un amendement constitutionnel, fait sur mesure, des candidats d’opposition sérieux tels que Nejib Chebbi (fondateur du Parti démocratique progressiste, PDP), ou le docteur Mustapha Ben Jaafar (secrétaire général du Forum démocratique), se retrouvent écartés de la compétition. Le pouvoir désigne pratiquement les candidats qu’il accepte d’avoir en face de lui. Le président Ben Ali n’a pas dit qu’il allait briguer un cinquième mandat, mais cela ne fait guère de doute…

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