Moi, le client

L’escalier me conduit dans une chambre miteuse. Je t’ai suivie mais je n’ai pas regardé sous ta jupe quand tu me précédais dans le colimaçon. Je ne sais plus si un homme galant doit précéder une femme dans l’escalier, pour ne pas regarder ses jambes, ou au contraire la suivre pour la retenir si elle vient à chuter. Je ne m’en souviens jamais.


Au restaurant, je suppose que je t’aurais tenu la porte et laissée entrer en premier, et pourtant la bienséance veut que l’homme entre en premier pour voir si l’endroit est correct pour une dame et concentrer sur lui les premiers regards.

Pourquoi je pense à ça, on n’ira jamais au restaurant toi et moi. Pour t’inviter, il faudrait déjà que je connaisse ton prénom, et puis tu refuserais certainement, tu me prendrais pour un tordu.

Dans la chambre miteuse, un lit défoncé traînait; tout creusé au milieu du poids des assauts des milliers d’hommes passés. Tu t’es déshabillée, je t’ai regardée, tu étais quelconque, non tu étais belle et fraîche dans cette odeur épaisse et doucereuse. Je t’ai demandé ton nom, tu m’as dit de t’appeler comme ça me plairait.

Alors, comme les autres, je me suis déshabillé et je suis venu sur toi. J’ai soulagé mon corps d’homme, mais pas mon âme de tout l’amour que j’étais venu réclamer. J’ai voulu tes lèvres mais pour toi aussi c’était "pas sur la bouche".

Mais après, comme toujours, je nous ai détestés. Toi, moi, le monde entier… moi et mes billets qui changent de main, moi et mon plaisir d’homme, moi et ma jouissance bestiale perdue dans tes yeux vides et absents, moi et mon incapacité à trouver l’amour, moi et mes chaussettes que je ne trouvais plus sous le lit, toi et ton sourire un peu apitoyé, ton sourire qui voulait dire que tu en avais connu des moins gentils, et ce monde, le monde entier incapable d’assouvir ma soif, de me donner la peau… je voudrais tellement la peau, tous les jours, la même peau.  

11 réflexions sur « Moi, le client »

  1. Les personnes mettant des sales notes et mettant même des -1 aux commentaires pourraient avoir le courage de se signaler…

  2. Sheli
    C’est un texte très beau et un peu déconcertant au début de la lecture.
    Ne soyez pas surprise s’il provoque des réactions. C ‘est un texte un peu à « fleur de peau », dérangeant.

  3. Ah mais il a été écrit pour déranger, aucun problème, je veux qu’il suscite des réactions! 🙂
    Ce qui m’exaspère ce sont les gens qui passent et mettent 1 étoile, sans laisser de commentaire pour dire ce qu’ils n’ont pas aimé. Je trouve ça lâche!

  4. Bonjour Sheli,

    Dérangeant ?
    Non il ne fait que refléter la réalité même si elle peut paraitre abrupt pour certains.
    Pour les étoiles qui filent sans laisser trace d’un commentaire pur tenter d’expliquer le pourquoi…c’est malheureusement une habitude, on préfère se terrer derrière un anonymat…quelle leçon de courage !

    Michel

  5. Il m’arrive d’utiliser le vote dans un sens ou dans l’autre : je ne me sens pas ni courageuse, ni lâche. Je n’ai pas toujours envie de commenter et ce n’est pas toujours nécessaire.

    Quel intérêt de connaître l’auteur d’un vote négatif s’il n’a pas envie de commenter ??
    Vous écrivez un texte dérangeant ou un peu abrupt et voulez provoquer des réactions. C’est une des réactions à accepter.

    Si par exemple, je vous dis (hypothèse d’école) que je trouve le texte un peu puéril et trop superficiel pour un thème pareil. Qu’allez-vous me répondre ?
    Vous sentirez-vous blessée ?

  6. [quote]mais après, comme toujours, je nous ai détestés. Toi, moi, le monde entier… moi et mes billets qui changent de main, moi et mon plaisir d’homme, moi et ma jouissance bestiale perdue dans tes yeux vides et absents, moi et mon incapacité à trouver l’amour, moi et mes chaussettes que je ne trouvais plus sous le lit, toi et ton sourire un peu apitoyé, ton sourire qui voulait dire que tu en avais connu des moins gentils, et ce monde, le monde entier incapable d’assouvir ma soif, de me donner la peau… je voudrais tellement la peau, tous les jours, la même peau.[/quote]

    Il y a quelque chose de très vrai dans ce texte…l’incapacité de trouvé l’amour…cela résume bien les sentiments humains, ce texte est bien écrit et ne me choque pas du tout au contraire!

  7. [b]Sheli,

    je commence à devenir vraiment fan de ta plume. Pour les étoiles ne t’inquiète surtout pas cela nous arrive à tous. Ce qui compte en tout premier lieu, c’est que toi tu sois profondément contente de toi. Le reste importe peu.

    Pour en revenir au texte, tu m’avais ému presque aux larmes avec ton préçédent article, parlant de ton ami. Là tu m’a fait découvrir un nouvel aspect de tes écrits, montrant bien la détresse amoureuse humaine.

    Encore une fois je te remercie, et je crois que C4N s’est trouvé à travers toi, une nouvelle grande rédactrice. Tu vas finir par rentrer dans le « club des bébés de C4N », sourires.

    Amitiés

    Tom[/b]

  8. @Tom: merci…

    @Nihile: je ne serais nullement blessée, mais curieuse de savoir ce que tu trouverais (cas d’école ;)) puéril et trop superficiel…

  9. bjr Sheli, très jolie approche, raisonnable, raisonnée?
    L’Amour…
    Que ne ferais-t-on?
    Qu’est ce que l’Amour?
    Vaste quète, n’est-ce pas à l’origine de la création de Dieu?
    Aujourd’hui, tu ouvres 1 site quelconque, 1 blog, tu as tout les choix!
    Reste pour chacun à trouver « chaussure à son pied! »
    je n’ai pas « connu » cet « Amour » tarifé, triste, obscène, désesperé?
    Aujourd’hui, tout le monde veut PLAIRE, pour…être aimer?
    Vaste débat, merci Shéli, continue. 😉

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