On attend à présent la traduction vers le français de Mi avevano promesso il Paradiso. La mia vita e la verità sull’attentato al Papa, de Mehmet Ali Agça, auteur d’une tentative d’assassinat sur la personne de Karol Wojtyla, dit Jean-Paul II, que publieront les éditions de l’Archipel. Le Vatican s’est empressé de réfuter les thèses de celui qui, sortant à 52 ans de sa prison d’Ankara le mois dernier, s’est proclamé être le « Christ éternel » mandaté pour réécrire une Bible rectifiée de ses erreurs et bien sûr, cette fois, « parfaite ». Ce ne serait pas le premier, ni sans doute le dernier, mais l’éternel christique cru 2013 ne risque guère ainsi de se voir accorder l’immortalité par la moindre académie.

Et un nouveau madhi, un… chaud devant ! En prévision d’un eMad électronique, peut-être…

Cette fois autolabellisé « Christ éternel ». C’est ainsi que Mehmet Ali Agça, Turc présumé avoir appartenu aux Loups gris, s’est défini à sa sortie de prison. Ce second messie, comme il se qualifie, assure que la fin est proche selon son calendrier et que nous ne passerons pas le cap du XXIIe siècle.

Auteur de coups de feu sur la personne du pape Jean-Paul II en 1981, il avait d’abord détenu en 1983 en Italie, recevant une visite papale de rémission de son acte, mais aussi la révélation d’un présumé « troisième secret de Fatima ».
Au-dessus des lois italiennes, le Très Saint Père, chef d’État européen, avait promis qu’il ne révélerait à personne ce qu’Ali Agça lui avait confié, il a tenu parole…
Réciproquement sans doute de la part d’Ali Agça qui ne semble guère enclin à révéler la signification exacte de ce fameux « troisième secret ».

À moins, à moins… que le sens profond de ce troisième secret de Fatima, recueilli de la bouche même de la mère de Jésus-Christ par Lucia Marto (dite de Jesus dos Santos), ait été – de manière transposée – qu’un mahométan ayant tenté de tuer un descendant de saint Pierre se convertisse au christianisme et apporte au monde la révélation ultime.

Le second secret, qui annonçait paraissait-il la Seconde Guerre mondiale ne l’a pas évitée en dépit des neuvaines et actions de grâce destinées à la contrer mais s’est évidemment réalisé puisque la conversion de la Russie communiste est quasiment achevée sous la férule de saint Poutine.

Mais pour le troisième, il a été avancé qu’il y aurait deux versions, l’une, officielle, vaticane, publiée à l’été 2000, l’autre quelque peu perdue dans les limbes. Ou bien sûr transmise par Jean-Paul II à Ali Agça.

Mille et une versions

Dans Ils m’avaient promis le paradis – ma vie et la vérité sur l’attentat visant le pape (traduction libre) trouvera-t-on au moins une version crédible désignant les commanditaires de l’auteur ? J’attendrai sagement que L’Archipel et son traditore (traducteur « félon ») me fournissent leur traduction, non point pour me prononcer, mais voir comment l’auteur ficèle sa nième explication.
Car, selon le Vatican, nous aurions dépassé la centième (ce qui, compte tenu des variantes de détail est sans doute en-deçà de la réalité). Piste bulgare, piste interne vaticane, &c. La recension serait fastidieuse.

À présent, le kémaliste ultra-radical qu’était Ali Agça se dit avoir été manipulé par l’islam chiite de l’ayatollah Khomeiny et son régime « nazi-fasciste islamique ». « Ce sont Khomeiny et le gouvernement iranien qui m’ont ordonné de te tuer », affirme-t-il à présent avoir révélé à sa victime.

Peu soucieux des répercussions sur les divers missionnaires chrétiens dans le monde mahométan (faire du prosélytisme peut leur valeur l’exécution, au moins la détention, voire des attentats comme dans le cas récent d’un pasteur protestant en Turquie), Ali Agça affirme que Jean-Paul II l’aurait incité à se convertir au catholicisme apostolique romain.

Le Vatican s’est empressé de réfuter, lors d’une conférence de presse de Federico Lombardi, dircom’ du Saint-Siège, qu’il ait été question de commanditaires musulmans, chiites ou autres, et que l’auteur ait été incité à embrasser une autre fois que la sienne de l’époque.

Ali Agça fait état de correspondances de cardinaux qu’il aurait détruites car il se sentait alors encore du côté du djihad, « combattant islamique », et qu’il n’aurait donc pu les conserver (pour des raisons qui n’appartiennent sans doute qu’à ces combattants).

Au passage, il dédouane le Vatican de la responsabilité de la disparition de deux adolescentes, Emanuela Orlandi et Mirella Gregori, dont ont ne sait trop si elles furent des moyens de pression pour faire taire sur des malversations financières ou auraient été victimes d’agresseurs sexuels. C’était en 1983. Il affirme qu’il s’agissait d’en faire des otages aux mains d’islamistes pour parvenir à obtenir sa libération. Une hypothèse réfutée par le père Lombardi qui aurait pu s’en accommoder si elle était crédible et étayée.

Dans un livre à paraître en mars au Brésil, A Filha do Papa (la fille du pape) l’auteur portugais Luis Miguel Rocha suggère qu’Emanuela Orlandi aurait pu être la fille de Monsieur Wojtyla. Pour lui, Ali Agça aurait pu rencontrer le frère d’Emanuela à Londres… Le Vatican fait toujours fantasmer.

« Les – plus de cent – versions des faits que Agça a données jusqu’ici, auxquelles cette dernière version vient s’ajouter, sont un peu trop nombreuses pour que l’on puisse y croire. », a conclu le père Lombardi pour Radio Vatican et les journalistes présents.

Bah, comme si le nombre des versions des divers évangiles ou bibles (coptes, chrétiens, &c.) était si restreint et  qu’elles soient cohérentes. Après tout, et tant qu’à faire, autant en avoir diverses d’une même source authentifiée.

Sous les drapeaux

Aux dernières nouvelles, Ali Agça aurait été fortement incité par les autorités turques à effectuer son service militaire auquel il avait échappé. Corvée de pluches pour le nouveau christ.

Selon lui, Khomeiny lui aurait dit que la volonté d’Allah lui dictait de tuer le pape, « diable sur Terre, vicaire de Satan ». Et même « Antéchrist ». On ne voit pas trop l’ayatollah employer un tel terme. Le dirigeant iranien recommandait ensuite le suicide (mais sans aller se faire exploser, juste pour se gagner le paradis et s’épargner la tentation de la trahison). Peu crédible.

L’ambassade d’Iran à Rome fait état d’une diffamation émanant d’un homme souffrant de problèmes psychiques.

On attend à présent les révélations d’Omer Guney, suspect de l’exécution de trois militantes kurdes à Paris, en qui La Voix de l’Arménie, donnant la parole à Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris,  ne voit pas « un dissident du PKK engagé dans un règlement de comptes internes ». Mais plutôt un stipendié des « faucons des services turcs ». Pour ce dernier, « l’exemple de Mehmet Ali Agca, auteur de l’attentat contre le pape en 1981, nous rappelle combien ces extrémistes aguerris et leurs commanditaires sont passés maîtres dans l’art de brouiller les pistes. ».

N’empêche. Le 7 janvier dernier, à la demande d’Ali Agça, le patriarche orthodoxe Bartholomée Ier de Constantinople lui aurait accordé une entrevue. Peut-être pour recueillir des confidences sur les réseaux qui menacent diverses communautés chrétiennes en Turquie. Les missionnaires chrétiens avaient été définis en 2003 tels « une menace pour la sécurité nationale » par les généraux kémalistes (à priori séculiers). Le général à la retraite Hursit Tolon est à présent arrêté pour sa présumée implication dans l’exécution de trois missionnaires protestants à Malatya, en 2007.

En se proclamant nouveau prophète (ou réincarnation, on ne sait trop), et en mettant l’Iran en cause, Ali Agça veut peut-être passer pour plus illuminé qu’il ne le serait, ramasser au passage quelques droits d’auteur (à quand le film ?), et ne pas trop fâcher qui pourrait prendre ombrage de sa libération.

Remarquez aussi que les théories complotistes les plus tordues et ramifiées font toujours gamberger et un essayiste turc a ainsi voulu élaborer des liens entre Ali Agca et Alexandre de Maranches (†1985), ancien chef du Sdece. Cela découle d’un livre de Tad Szulc, To Kill the Pope, paru en 2000, qui imputait la tentative d’assassinat à un prélat français traditionnaliste (genre Mgr Lefebvre) ; de Maranches aurait été au courant et aurait tenté de prévenir le Vatican. Le livre avait eu une large couverture de presse en Turquie : à chacun la version qui l’arrange.

Mais puisque tout est écrit dans les saintes écritures, attendons sereinement les prochaines d’Ali Agca pour en savoir davantage… nos arrière-arrière-petits-enfants y trouveront bien des explications… et de forcément irréfutables interprétations.