L’état de grâce de François Hollande aura été de courte durée. Sur les médias de droite (Atlantico d’ailleurs plus que Le Figaro ; Dassault aurait-il des faveurs à quémander ?), mais aussi sur Mediapart. Arfi et Laske, les Laurell & Hardy du Karachigate dénonce que Lionel Jospin avait bloqué l’action de la justice dans l’affaire de la vente des sous-marins Agosta au Pakistan. 

Bon, dans la légende de l’illustration ci-contre, j’exprime une pensée cynique : vendre des armes de guerre à tout le monde, ici à l’adversaire de l’Inde, n’est pas tout à fait mon point de vue. Mais lorsque le coup est lancé, que faire ? Entretenir d’autres sous-marins sous pavillon français, les refourguer à qui ? Toujours est-il que Fabrice Arfi et Karl Laske, de Mediapart, soulignent que Lionel Jospin avait, le 17 avril 1998, préconisé la poursuite de l’exécution du contrat d’armement de la marine pakistanaise, tout en relevant des « malversations financières ».

A-t-il ou non été mis devant le fait accompli ? Certes, ce n’est pas glorieux de passer de petits arrangements avec la chiraquie et de bloquer l’action de la justice.

La lettre, signée par Louis Gautier et le général Louis Le Mière, a été très récemment déclassifiée et transmise aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, et c’est fort bien ainsi.

Jospin ne pouvait nullement tout ignorer (il a d’ailleurs annoté), c’est patent. Ce faisant, c’est vrai, lié par l’article 40 du code de procédure pénale, l’ex-Premier ministre aurait dû informer la justice du fait que des commissions douteuses avaient été versées.

Lionel Jospin réserve ses déclarations aux juges, ce qui se conçoit fort bien. Il ne va sans doute pas non plus se concerter auparavant avec les intermédiaires, Abdulrahman El-Assir et Ziad Takkieddine, imposés par la sarkozye et éjectés par la chiraquie. Je ne sais si Jospin a privilégié les intérêts de la France ou voulu se ménager une cohabitation pas trop d’épouvante avec Jacques Chirac, sans doute n’en saura-t-on vraiment jamais rien car on ne voit guère les intéressés s’ouvrir sur la question publiquement.

La famille Bhutto a été partiellement butée, il n’y a plus grand’ chose à attendre de ce côté. Il y avait cinq milliards de francs en jeu, des contentieux juridiques en vue, Chirac et Jospin, conseillés notamment par A. R., DSK, H. V. (soit les ministres Alain Richard et Hubert Védrine, côté socialistes) ont passé ce petit arrangement entre adversaires politiques. Pierre Joxe mais aussi François Léotard et Nicolas Bazire auraient pu être mouillés (deux à droite contre un, mais de poids), différemment : selon Mediapart, Pierre Joxe aurait seulement présidé à l’ouverture de discussions avec le Pakistan en 1992. Mais la droite, et surtout le Front national, aurait fort bien pu mettre tout le monde dans le même sac, dénonçant la gauche et la « fausse droite ».

Toujours est-il que Mediapart fait son boulot. Il est peut-être abusif de titrer : « Karachi : la note secrète qui piège les socialistes ». Un « Karachi : Jospin savait ! » aurait peut-être suffi.

On comparera d’ailleurs avec le titre : « Libye : les bonnes grâces de Sarkozy pour la famille Saleh », quelque peu moins racoleur. Saleh, âme damnable des Kadhafi, avait obtenu dès 2008 un passe-droit de l’Élysée. Et dire qu’un François Hollande a publiquement serré la main de Nicolas Sarkozy. Mais quoi ? S’il l’avait totalement snobé, cela donnait quoi ?

Kafa Kachour, épouse Saleh, a obtenu la nationalité française en trois mois. Au temps pour la Droite populaire (la quarantaine de députés de l’extrême-droite de l’UMP) qui ne cessent de vouloir repousser à la Trinité (là, avec les défiscalisés de la Martinique, tous les arrangements sur l’acquisition de la nationalité françaises seraient sans doute de mise) l’obtention de la nationalité par les étrangers (et c’est déjà fait : même éduqués, insérés, voire francisés de longue date, ils peuvent toujours attendre… jusqu’à écœurement).

Kafa Kachour est condamnée à deux ans avec sursis par la justice française ? Qu’à cela ne tienne, c’est encore un coup des juges rouges. Elle ne « remplit pas les conditions pour être naturalisée » mais qu’à cela ne tienne. L’ordre vient de Boris Boillon, conseiller présidentiel, le sous-préfet s’exécute. On n’attendra pas que son titre de séjour soit établi pour dix ans (celui qu’il est si difficile à obtenir, parfois même pour des médecins étrangers). Au service des naturalisations de Rezé, on perd des dossiers ordinaires (égarés à jamais, à refaire totalement), mais les pistons de l’Élysée sont traités en priorité, avec la plus grande célérité. Même pour des « Auvergnats ».

On espère que Mediapart tiendra son rôle, dénoncera le fait que la France n’a guère besoin de 34 ministres, d’autant de députés et d’ambassadeurs, alors que s’impose la rigueur. Si l’art et la manière ne nous plaisait pas trop, eh bien, la presse n’a pas d’abord à plaire…