Dur, dur, les affaires de Toulouse et Montauban, pour les éditorialistes, notamment ceux de la presse régionale, pourtant rompus à l’exercice de botter en touche, de renvoyer dos à dos tout ce qui n’est pas « cœur de cible », et de ne pas heurter frontalement les convictions d’une majorité du lectorat. Il y a mille et une manière de créer une déviation de contournement du cas Mohamed Merah. Tentons plutôt d’entrer – un peu autrement, espérerai-je – dans le vif.
La seule manière de tenter (je ne dis pas de réussir) d’aborder des questions telles le cas de Mohamed Merah, le meurtrier de moins en moins seulement « présumé » de Toulouse et Montauban, c’est la longue enquête de terrain, l’attention aux « détails » (il y a sans doute salafistes et salafistes), à l’hétérogénéité d’un réel qui, forcément, se dérobe.
On n’y réussit jamais totalement. Parfois, on échoue très vite. Le temps journalistique n’est pas l’universitaire.
Vocation déçue
Justement, je me souviens, à l’occasion de je ne sais plus quelle affaire relative à l’islam en France, m’être très vite cassé les dents. C’était à la sortie d’une mosquée de sous-sol de la Goutte d’Or, avant rénovation du quartier. Faute de parler arabe, j’avise un « souchien » (le mot est rapide) d’un certain âge, en chèche et djellaba. Ancien officier en Indochine, ayant peut-être connu la guerre d’Algérie, il a coupé court rapidement d’un « foutez-nous la paix ». Je n’avais pas alors le loisir, forcément en heures sup’ non payées et non récupérées, et fort loin du siège de la rédaction, d’essayer d’approfondir.
Là, à chaud, pour contourner la difficulté de se prononcer pertinemment, je relève quelques détails qui n’en sont peut-être pas et que même une semaine d’assises ne permet pas vraiment d’éclairer (là, je ne sais si Mohamed Merah comparaîtra jamais devant un jury d’assises). Notamment le fait que ce garçon avait tenté d’intégrer la Légion étrangère. Milieu que je connais vaguement, tant pour avoir côtoyé des anciens (au travail, à la plonge, ou de l’autre côté du comptoir, dans des bars tenus par des responsables d’amicales, lors d’affaires criminelles, et au moins un récent, un Balte, devenu rapidement déserteur, et copain).
J’ai aussi cohabité deux ans avec un ex-para, ex-gaucho très bon teint, qui avait choisi un régiment très dur pour « préparer la lutte armée ». C’est désormais un binational ayant servi dans Tsahal, qui a peut-être rejoint, lui autrefois très laïc, une communauté israélite. Philippe, perdu de vue, si tu passes par cette page, je respecte ton vœu que l’on te fiche la paix…
J’ai aussi tenté de comprendre le désarroi de ceux qui ont servi durement sous l’uniforme français avant d’être rejetés, par une armée aux mains de DRH-like doublés de contrôleurs de gestion, et rendus ou plutôt expulsés vers une très incertaine vie civile. À quoi cela tient, parfois, le devenir et les actes de femmes et d’hommes ayant subi des traumatismes ? Très difficile à cerner, mais comme il faut bien rédiger, on réduit, condense, « synthétise » sans trop d’analyse préalable, selon sa subjectivité, laquelle évolue et peut encore évoluer…
Enquête rapide, mon œil…
Claude Guéant et Nicolas Sarkozy se sont félicités d’une enquête rapide. Ah bon ? Très certainement accélérée sous le coup de l’émotion et de la nécessité d’obtenir un résultat. Avant même le 11 mars, et la mort d’un premier militaire, Merah était un suspect potentiel. Deux morts et un blessé après, il l’était d’autant plus… Mais des enfants… Là, il fallait faire fissa.
Il semble que huit policiers spécialisés auraient mis sept jours pour remonter 575 adresses IP, dont celle des Merah.
À partir de quand au juste ?
Rappelons quand même que des enfants israéliens, surtout des fillettes si elles avaient le nombril à l’air en public, risquent le même sort de la part d’un haredim à présent (et comme il y a salafistes et salafistes, il y a haredim et haredim).
Ce n’est pas seulement moi qui l’estime, mais une partie de la presse et de l’opinion israélienne…
« Belle » manière de renvoyer les unes et les autres dos à dos, non ? En bon Ponce-Pilate, on peut aussi relever le fait, indéniable, que la mort d’enfants palestiniens trouble moins, notamment en raison de la « loi » (journalistique) de proximité, que celle de petits Toulousains.
Après la retape électorale indécente, de la part non-exclusive d’un peu tout le monde, Marine Le Pen incluse, mais Nicolas Sarkozy en particulier, de divers ministres de divers cultes, force quand même de constater que cette voie du « tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil » n’apaise guère les pulsions des plus dérangés ou plus extrémistes.
Mais je suis bien incapable de fonder l’opinion, à mes yeux plus attrayante, de la validité d’une stricte laïque neutralité. Je ne sais même pas si Mélenchon a tort ou raison de vouloir abolir le concordat, ou si un réel approfondissement du fait religieux dans les cours d’histoire (ou d’autres) porterait ses fruits. C’est là, aussi, plus affaire de convictions que de raisons. Voire histoire de flatter ceux qu’on croit électoralement les plus proches ou moins éloignés de vous.
Retapes diverses
Je n’avais que très peu apprécié la couverture du Charia-Hebdo. Je suis un peu plus indulgent à l’endroit de celle de Charlie Hebdo montrant un Jean-Marie Le Pen auquel sont prêtés les propos « C’est un point de détail de la campagne » avec, en arrière-plan, une Marine Le Pen se tenant le front, atterrée. Cette – relative – indulgence tient au fait que, oui, c’était bien le scénario envisagé à l’avance par Riposte laïque et d’autres, qui s’insurgeaient, alors sans savoir, d’avoir les dhimmis (les bien-pensants forcément soumis à l’islam conquérant, pour résumer) minimisant la portée d’assassinats du fait d’un salafiste, exagérant la condamnation du FN et de Riposte laïque au cas où le suspect aurait eu des liens avec une composante d’une extrême-droite quelconque.
À peine avais-je relevé que le FN avait mis en veilleuse ses invectives les plus xénophobes que les vieilles habitudes reprenaient le dessus. Après le coup des signatures, celui, récurrent, de la victimisation, d’un FN seul contre tous.
Comment dire que Mohamed Merah aurait pu tout aussi bien se tourner vers le FN ou l’extrême-gauche la plus radicale, voire vers les soufis ou se convertir au judaïsme ? Indicible, mais j’en ai vu de plus surprenantes.
Intégristes et autres
Quand j’entendrai Marine Le Pen reprendre à son compte le sermon attribué à Jésus par l’apôtre catholique Matthieu, je croirai à son discours sur son attachement aux racines judéo-chrétiennes de la France. Elle l’interprète à sa façon, formellement et fondamentalement opposée à d’autres exégèses. Il en est de même pour tous les intégristes, de toutes les religions. C’est un peu davantage à la mode du moment pour ceux de l’islam, soit. Rien n’est immuable.
Il n’y aurait que 12 % des Étasuniens de certains États du Sud à savoir que les Obama se rattachent à (ou font semblant d’observer…) un culte chrétien, les autres le considérant forcément athée ou absolument musulman. En France, nous n’en sommes peut-être plus très loin. Les intégristes sont forcément plus nombreux dans le camp d’en face.
Or, ils sont partout, généralement chez les plus pauvres ou les plus désemparés. C’est un peu moins vrai chez les catholiques intégristes, même si le désarroi n’y est sans doute pas moins fort parfois. Mohamed Merah, qui n’était absolument pas intégriste, a basculé. Il n’a pas eu le temps de vivre assez longtemps sans faire parler de lui pour opérer un revirement ou mettre davantage d’eau dans sa tasse de thé. Tout comme tel membre d’une famille orthodoxe d’un des divers patriarcats de l’Est ex-soviétique, devenu israélite forcené, avant de prendre du recul et en sourire en famille, sans pour autant se détacher totalement de la judéité de la famille de celle qui est à présent son épouse. On voit de tout, notamment sur la durée.
Si j’étais de ceux qui croient aux complots, je m’étonnerais très fort qu’après le premier mort, on ait tant tardé à vérifier la piste de tous les messages qu’il avait pu échanger, notamment celui en réponse à son offre de vendre une moto. Je m’inquiéterai fortement de la manière dont le déroulement de l’enquête sera – à présent – chroniqué. Je constate en tout cas que le candidat-président redevient le président-candidat. Je salue sa modération : il a su se montrer à proximité de l’immeuble assailli par le Raid et repartir sans faire la moindre déclaration.
Il me semble plus tangible de s’interroger sur le fonctionnement policier que de s’émouvoir d’un quelconque complot islamiste généralisé en France. Comme l’exprimait Mélenchon : « Si la suite montre qu’il y a une motivation, en réalité une prétexte et une croûte sur la démence, on aura soin de ne pas la mettre en scène. Ces enfants, comme ces militaires assassinés, sont nos enfants à tous. Un point c’est tout ! ».
Je ne mets pas en doute la sincérité de Mélenchon, mais s’il ne s’agissait que d’habileté, alors, l’ancien journaliste de la presse départementale (pour lui, La Dépêche du Jura) saluerait l’artiste et le confrère. Que cela vienne de lui ou d’un autre, c’est la seule manière digne de s’en sortir sur le moment.
Eva Joly a d’ailleurs salué l’attitude de Nicolas Sarkozy : « le discours était formidablement digne. Je suis d’accord : il n’y a pas besoin de débat national, l’assassin était un fou… ».
Tirer les vraies
leçons politiques
Il reste que, quelque soit la future majorité, il faudra bien analyser la manière dont la police a pu fonctionner.
Non pas pour distribuer des blâmes ou des félicitations, ni en promettant que l’analyse permettra de faire en sorte que cela ne se reproduise plus (il est quasiment impossible d’alpaguer à temps tous les « loups solitaires »), mais pour s’interroger sur les effets positifs et pervers de diverses mesures, méthodes et autres tactiques. De ce point de vue, oui, cette affaire mérite un débat politique, non des invectives ou des supputations balancées à la légère.
Mais il y aura toujours une part de pari, de convictions divergentes.
Choisir, c’est renoncer, au profit de ce qui semble le moins pire, en fonction d’une incertaine balance entre efficacité et inconvénients.
Lors de ce quinquennat, on a dépensé beaucoup de temps et d’argent à traquer une nébuleuse ultra-gauche, beaucoup moins à s’intéresser à la santé mentale, à l’accompagnement de possibles déviants. Lourd problème, budgétaire aussi, qui n’a pas de solutions évidentes, et qu’aucune réponse émotionnelle n’est apte à résoudre. Poser ainsi la question, ce n’est absolument pas botter en touche. Mais, évidemment, ce n’est pas à coups d’éditoriaux ou de faux débats télévisuels qu’on s’y attelle… Encore moins avec des couvertures de magazines destinées à rabattre le chaland.
Évidemment, une contribution prise isolément, surtout rédigée à chaud, prête le flanc à des multitudes d’interprétations. Mettons, pour tenter de situer, que les problèmes sociaux et de santé mentale me semblent plus cruciaux que les prêches des uns et des autres, de tous bords ou convictions.
On remarquera que, selon le procureur de la République à Paris, les résultats des vérifications des quelque 570 connexions Internet ont été connues samedi 17 mars. On avait déjà plusieurs morts. Ce n’est que lundi 19 qu’une cellule de crise est constituée.
Or, on avait fait un tri, ne retenant dans un premier temps que les adresses IP de proximité.
Si on peut comprendre que le vol du scooter, le 6 mars, à Toulouse, n’ait pas déclenché des investigations approfondies (tout scooteriste n’est pas un fils Sarkozy, pourrait-on relever au passage), on se demande pourquoi, dès le samedi au soir, il n’y a pas eu semble-t-il de formidable mobilisation.
Cela peut se comprendre, évidemment aussi en période électorale où un gros déploiement de policiers, diverses interpellations, des contrôles et autres, auraient fait mauvais effet, peut-être.
Mais quand même, le premier mort, c’était le 11 mars, récidive le 15, avec un bilan de trois morts et un blessé.
Il est bien évident que si des écoliers, de n’importe quelle école, confessionnelle ou non, avaient été visés, on aurait la même mobilisation. Mais cela peut laisser songeur.
Tout autre chose, comme je ne sais qui, du Crif ou de représentants de musulmans, a décidé qu’il valait mieux annuler la manifestation unitaire prévue dimanche à Paris (sous forme de marche silencieuse), je me garderai bien d’entrer sur ce terrain, surtout en méconnaissant les raisons des uns ou des autres, voire des troisièmes.
Et si au lieu de tenter des digressions,et de noyer le poisson , on abordait enfin le cas Merah….?
-18 faits divers connu en France, deux au Pakistan…?????
-deux voyages en Afghanistan ????????
-Des «explosifs» retrouvés dans la voiture du frère de Mohamed Merah, lui aussi dans l’idéologie «salafiste»?????????
-une famille bien intégrée???????????
Beaucoup de questions à se poser
Bien sûr, Liberti(n)us, si vous voulez me faire écrire que ce garçon n’aurait pu aller en Afghanistan par deux fois sans des appuis, un réseau, vous m’aurez avec vous.
Il est absolument indéniable que, non seulement il y a une organisation quelconque, mais aussi que, en Libye comme en Syrie, le Qatar, par exemple, ne finance pas tout le monde de la même façon.
Où je ne peux vous suivre, faute d’infos, c’est sur la question de savoir si ce gars s’est motivé tout seul (par ex. après qu’on – je ne sais qui – l’aurait viré d’Afghanistan), ou si c’est le fait d’un climat familial et autre (plutôt divisé sur la question).
On a eu aussi des « croisés » en Croatie et Bosnie, je le remémore au passage.
Les réponses à ces questions, on les a : même des individus socialement bien intégrés se sont voués au terrorisme islamique, et on a même des jeunes femmes et femmes converties, de toutes origines, qui se radicalisent.
Que des religions ou des sectes tolèrent des « fous de dieu » en leur sein n’est absolument pas nouveau. Bien sûr, on préférera les anachorètes hindouistes à d’autres. Dont acte.
Pendant qu’ils jeûnent, se font pousser les cheveux et les ongles, c’est sûr, ils ne font pas grand mal à personne.
Quant aux salafistes, on en a qui se gardent de toute intervention dans la vie publique, d’autres fortement impliqués, et des djihadistes, quand même très, très minoritaires.
Au fait, Valérie Rosso-Debord (UMP) s’inquiète sur le site de l’UMP :
« [i]La législation Française a été renforcée à plusieurs reprises pour démanteler les réseaux terroristes avant qu’ils n’aient commis un attentat avec notamment des règles de procédure pénale adaptées… là encore les socialistes critiquent souvent cette législation et ces opérations mais ce n’est certainement pas avec leur politique de proximité que le tueur présumé de Toulouse et Montauban aurait été localisé.[/i] ».
Depuis 1986, près de 3 900 victimes du terrorisme indemnisées par un fonds spécial en France. Elle a sans doute fait la répartition sous les gouvernements de droite ou de gauche (répartition sans doute fallacieuse puisque l’événémentiel, notamment à l’étranger, peut déclencher des actes de terrorisme). Bah…
Mais ce point de vue, qui vient après la publication de mon papier, pose quelques questions.
Nos croisés en Croatie ou en Bosnie n’ont jamais eu comme objectif de mettre la France à genoux…..
[b]Les faits divers magiques[/b]
C’est devenu incontournable. Chaque élection ou décision politique importante va de paire avec son fait divers dramatique.
Sarkozy sera réélu. Les US ont besoin de lui pour porter la guerre en Syrie et en Iran.
Les faits divers magiques
http://mondehypocrite.midiblogs.com/archive/2009/06/21/les-faits-divers-magiques.html
L’énigme du vol AF 447 ? (La disparition de l’Airbus RIO-PARIS)
http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/archive/2011/10/24/l-enigme-du-vol-af-447-la-disparition-de-l-airbus-rio-paris.html