Nouveau rapport du Sénat publié hier… qui dit la même chose qu’il y a dix ans !
Les malades mentaux affluent dans les prisons françaises, écrit Le Monde, commentant le rapport rendu hier par quatre sénateurs : "Une mission d’information du Sénat a conclu que les prisons françaises accueillaient de plus en plus de personnes atteintes de maladies psychiatriques, par l’effet presque mécanique de la baisse des capacités d’hospitalisation de ce secteur, passées entre 1985 et 2005 de 129 500 à 89 800 lits. Outre ce phénomène, "plusieurs facteurs concourent à la reconnaissance plus fréquente de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux", lit-on dans le rapport. Une réforme de 1993 qui a distingué "abolition" du discernement, où la sanction pénale est impossible, et "altération", où l’emprisonnement redevient une option, a abouti à l’incarcération presque habituelle de personnes démentes. L’absence d’expertise psychiatrique, fréquente en matière correctionnelle, conduit les tribunaux à juger des personnes qui relèvent de la médecine. Les conséquences de ce phénomène sont graves car les soins dispensés en prison sont presque toujours insuffisants ou absents. L’incarcération peut aggraver les troubles mentaux, ce qui amène un risque accru pour la société lors de la libération des détenus malades, explique le rapport. Les sénateurs Jean-René Lecerf (UMP), Christiane Demontès (PS), Jean-Pierre Michel (PS) et Gilbert Barbier (Centre) proposent de relancer de manière générale la psychiatrie, suggèrent la création de nouveaux établissements et services médicaux spécialisés et la réforme de l’expertise judiciaire. Ils proposent l’atténuation systématique de la peine en cas "d’altération" de la responsabilité, mais avec obligation de soins pendant et après la détention. Ce rapport marque une inflexion car plusieurs faits divers avaient amené Nicolas Sarkozy à envisager l’organisation de procès pour les malades mentaux, pour finalement y renoncer. Ce rapport est publié en pleine crise du milieu carcéral, qui reste surpeuplé avec plus de 61 700 détenus pour 55 000 places, et où suicides et incidents se multiplient."
Comme si tout cela était nouveau ! Nous republions ci-dessous notre billet de… janvier 2007, Cannibale de Rouen : la prison, asile d’aliénés. Tout y est déjà.
"On pourrait de prime abord qualifier l’affaire de simple fait divers – certes particulièrement abominable : mercredi dernier a été retrouvé dans une cellule de la maison d’arrêt de Rouen le corps d’un homme portant une importante plaie au thorax, dont l’autopsie révèlera qu’en ont été prélevés une partie d’un poumon et deux muscles intercostaux. Son codétenu s’accuse immédiatement du crime et précise avoir mangé le coeur de sa victime. Au-delà de l’horreur des faits, cette histoire du cannibale de Rouen pose la question de la place des malades mentaux dans les prisons. Son avocat, maître Fabien Picchiottino, passe à l’attaque : « Je reproche à la maison d’arrêt de ne l’avoir pas placé en isolement, comme l’avait demandé un juge d’instruction, il y a un mois et demi. Mon client l’avait également demandé. Mais le directeur de la maison d’arrêt a certainement estimé que ce n’était pas nécessaire, donc ne l’a pas fait. Pour qu’un détenu demande un isolement et que ce soit conseillé par un juge, c’est assez exceptionnel ! » L’avocat fait état d’une expertise antérieure ayant diagnostiqué la schizophrénie, relève « des antécédents psychiatriques importants » et mentionne le fait que ses parents adoptifs, au sortir d’une précédente incarcération, avaient écrit à la préfecture « pour le faire interner ». Il en déduit logiquement : « C’est quelqu’un qui aurait dû être en psychiatrie ».
Discernement aboli ou altéré ?
C’est en effet l’évidence même. Du reste, l’article 122-1 du code pénal énonce : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Un homme au profil du cannibale de Rouen n’aurait donc en aucune façon dû être déclaré responsable. Il est pourtant très loin d’être le seul malade mental incarcéré. La dernière étude sur le sujet, menée conjointement par la direction générale de la santé et l’administration pénitentiaire, date de 2004 et ses conclusions sont effrayantes : un détenu sur quatre (24% exactement) souffre de troubles psychotiques, dont 8% de schizophrénie. Et avant leur entrée en prison, plus du tiers des détenus avaient déjà consulté et 16% avaient déjà été hospitalisés pour raisons psychiatriques. Comment en est-on arrivé à cette épouvantable situation ? « Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements successifs ont fermé des dizaines de milliers de lits dans les hôpitaux psychiatriques, au nom – toute honte bue – de la "fin de l’asile", supprimé le diplôme d’infirmier spécialisé, réduit les crédits, accuse dans Le Monde diplomatique de juillet 2006 Patrick Coupechoux, auteur de Un monde de fous : Comment notre société maltraite ses malades mentaux. C’est le constat du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, dans son neuvième rapport, remis au président de la République en 2003, poursuit-il, citant ledit rapport : « Alors que l’hôpital psychiatrique assurait un hébergement à long terme, y lit-on, il a (…) vu son rôle évoluer vers des séjours dont la durée est limitée à la seule prise en charge de la période de crise aiguë. Or (…) les personnes qui quittent l’hôpital psychiatrique sont toujours des malades, elles nécessitent des soins permanents (…). C’est cette carence qui est à l’origine de la souffrance des familles qui les hébergent, mais aussi de leur forte représentation dans les prisons et parmi les sans-abri ». Coupechoux incrimine ainsi « la politique du tout-sécuritaire » : « les comparutions immédiates envoient en quelques minutes un individu durant plusieurs mois en prison. L’expertise n’étant nullement obligatoire, et pratiquement jamais requise, nombreux sont donc les malades mentaux condamnés, alors que ni le juge ni l’avocat, souvent commis d’office, ne connaissent leur état réel ».
Punir plutôt que soigner
Le docteur Gérard Dubret, psychiatre à la prison d’Osny, accuse lui aussi la procédure d’urgence : « L’immense majorité est jugée en comparution immédiate et ne voit même pas d’expert. Et pour ceux qui sont examinés, les diagnostics d’irresponsabilité ont été divisés par dix en dix ans », constate-t-il. Pire, la maladie est parfois détectée mais il est estimé qu’elle ne suffit pas à « abolir le discernement », ce qui implique l’irresponsabilité, mais seulement à « l’altérer » : « Eh bien, les peines sont alourdies au lieu d’être allégées », s’indigne-t-il. Dans son rapport Sur le respect effectif des Droits de l’Homme en France de 2005, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, écrit : « au début des années 80, le taux d’irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale était de 17% ; il est passé à 0,17% en 1997 et n’a connu depuis que peu d’évolution. (…) Punir semble primer sur les soins, qui ne suivent pas toujours en prison. Ce constat avait déjà été établi par le rapport du Sénat en 2000, mais n’a eu aucun effet. Aucune conclusion sérieuse ne semble avoir été tirée depuis. Pire, d’après tous mes interlocuteurs, la situation se serait nettement dégradée », conclut-il. Joseph Minervini, psychiatre dans l’unité de consultation et de soins ambulatoires de la maison d’arrêt de Besançon, livre ainsi une anecdote édifiante : « J’ai suivi un jeune schizophrène condamné à quatre ans d’emprisonnement, après comparution immédiate, pour une tentative de braquage avec une arme ridicule. Il sortait d’un hôpital psychiatrique. L’expertise a conclu à sa responsabilité pénale. Nous avons demandé une contre-expertise, qui a donné un résultat contraire. Mais le magistrat s’en est tenu à sa première décision. » Le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis sur La santé et la médecine en prison, rendu public mi-décembre, dénonce : « l’incarcération de personnes atteintes de maladies mentales graves » : « Cette situation, déjà soulignée précédemment constitue l’un des problèmes éthiques majeurs concernant d’une part la confusion croissante entre les sens respectifs de la peine et du soin, et d’autre part le droit à la protection de la santé et à l’accès aux soins. Ces problèmes éthiques graves d’atteinte au droit à la protection de la santé et à l’accès aux soins impliquent à la fois le droit des malades à la meilleure prise en charge médicale psychiatrique possible de leur souffrance dans des conditions respectueuses de leur dignité, et le droit de leurs codétenus à la protection de leur santé mentale, mise en péril par une confrontation permanente à la "folie" ». La conclusion du Comité est implacable : « Une opinion publique, sensible aux seuls impératifs sécuritaires, finit par méconnaître le fait que la sécurité passe plus par un traitement carcéral digne des personnes que par l’indifférence, le mépris ou la vengeance ». Sur le banc des accusés, donc, le sentiment d’insécurité – et, par là, son amplification par l’exploitation politicienne qu’en font les amis du ministre de l’Intérieur (avec l’extrême droite). Mais n’oublions pas la vraie raison qui pousse à se débarrasser des malades mentaux en les jetant en prison, où la pénurie de moyens pour les traiter est patente. Elle est évidemment économique : une journée en détention coûte 150 euros et en hôpital psychiatrique, 480. Triste société."
Qu’ajouter aujourd’hui, en mai 2010 ? Que le Sénat a publié hier un rapport qui dit exactement la même chose qu’un autre rapport de la même assemblée publié il y a… 10 ans ! Que le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a lui-même également écrit la même chose il y a cinq ans, comme le Comité consultatif national d’éthique, cher à l’ami Pierre Le Coz, il y a trois ans. Que rien n’a évidemment changé, si ce n’est dans le sens de l’aggravation du phénomène. Et enfin que, sachant que Nicolas Sarkozy est au pouvoir, lui qui ne jure que par l’exploitation politicienne du sentiment d’insécurité et le sacrifice de la santé publique sur l’autel des économies budgétaires, nos quatre sénateurs, pour le formuler poliment, urinent dans un instrument de musique à cordes !
A lire aussi sur plumedepresse un billet de juillet 2008, Record de surpopulation dans les prisons, et un autre de mai 2008, Rachid’âne Dati fait une "erreur" d’un facteur 10 !.
Quel plaisir de lire un de vos articles sur le site! Et sur un sujet ô combien important pour notre société, celui de la prise en charge de ses « fous ».
J’ai en effet aussi lu des articles et vu une émission sur la 5 qui dénonçaient le mauvais traitement subi par les malades mentaux, de moins en moins pris en charge faute de moyens en personnel et en lieux adaptés à leurs problèmes.
Et le gouvernement qui attise le feu, faisant d’un fait divers (souvent atroce, hélàs!)un cheval de bataille pour plus d’enfermement encore !
C’EST UNE HONTE et votre article décrit bien l’horreur de la situation. Dans une société où la différence quelle qu’elle soit, au lieu d’être considérée comme une richesse, devient la cible des « bien pensants » normalisés, où rien ne doit dépasser du modèle de référence, où l’originalité devient une déviance, quoi d’étonnant que de traiter les « fous » comme des bêtes sauvages…
Ce n’est en effet nullement un signe de civilisation, plutôt une régression vers la barbarie !
Merci de vos compliments 🙂
ET PUIS TOUS CEUX QUI NE VOUDRONT PAS DU NOUVEL ORDRE MONDIAL (DIRIGE PAR ZORROZY OU UN AUTRE), TOUS CEUX QUI NE PAS SE FAIRE IMPLANTER UNE PUCE RFID ([url]http://www.next-up.org/images/SHIP PUCE RFID 350.jpg[/url], ON LES ENFERMERA DANS DES ASILES !
ALLEZ DIRECTION GOULAG !
En France comme d’ailleurs dans la majorité des contrées de notre planéte ,l’injustice conjuguée avec l’inconscience soit d’un manque de prévoyance instructive en matière de securité sociale soit de civisme il n’est pas étonnant de se rendre compte que les elements de la société deviennent de plus en plus psychopathes et par conséquence cause une deterrioration progressive de l’ensemble de la société .
Ajouté à l’irresponsabilité de certains responsables sociaux ce probléme ne fait qu’empirer et menera sans aucun doute la vie sociale à une desintegration sûre et certaine.
Les maladies mentales sont un signe d’une maladie sociale soit d’un avenir social incertain et voué aux malheurs et aux confusions .
Bref , l’unique espoir c’est de liberer la justice sociale de toute pression et lui assurer une protection trés serieuse; autrement elle ne retrouvera jamais ses pédales.