Maïssa Toulet a disposé ses momies et reliquaires dans la crypte éphémère de Marassa Trois, du 6 février au 6 mars 2010. Nul lien particulier de filiation entre l’anthropologie, les momies de l’égypto-artchéologue Michaël Jasmin (expo « Par Horus ») ou celles, marottes propitiatoires, d’Éric Gougelin (expo « Pouppas »), et cette exposition « Momies et reliquaires » de Maïssa Toulet. Des échos (graphiques), des fils (et ficelages) et des filles (des chimères), oui, assurément, forment des rets…


Le regretté Jean-Luc « Lucifugus » Merklen exposait ses pièges à humain dans sa Boucherie humaine de Pleurs (Marne), puis dans les Cévennes, et Mar/c €ething (Dominique Leprêtre), avec ses pièges à souris (atelier Usta-Ica et galerie Passages/Souterrain à Troyes), son ancien « élève », ou le Groupe Dissection fourniraient peut-être un enchaînement commode (et chiffonnier, admettons-le) pour présenter cette exposition « Momies & Reliquaires ». Il y a bien pourtant un transit intestinal, à effectuer silencieusement, entre la galerie Marassa Trois et le maniérisme dada de Maïssa Toulet. Ses précédentes vitrines qu’on ne trouverait pas déplacées à proximité des planches de dissection du musée d’Histoire de la Médecine (celui de l’École de Paris-V-René-Descartes) s’intitulent Festin de rongeurs (écorchés, aussi), Hygiène bucco-dentaire, Piège à rongeurs, ou Échographie. Pour le magazine en ligne Craft, auquel nous empruntons un portrait non crédité, pour Marie-Claire Idées ou le magazine Chic ! d’Arte, ses cabinets de curiosité sont des dispositifs décoratifs. Pas faux. Question voisinage (son atelier de la rue de Charonne n’est guère loin du 89 bis, rue de Charenton, adresse de la galerie Marassa Trois), je préfère celui de L’Ultra Violent Lolita qui rapproche ces curios du cabinet de sorcellerie que tient Maïssa au Comptoir général (elle expose aussi en permanence au Divan du Monde). Mais c’est Florizel, du Divan Fumoir Bohémien qui à mon sens et mes sens saisit au mieux et par avance l’adéquation entre les créations, « pratiques votives », et cet autre Cercueil de verre qu’est Marassa Trois. Florizel est presciente. Je ne sais si elle ajoutera le futur site de la galerie (projet cent fois reporté) à son « Atelier du merveilleux » mais la proximité avec Miss Clara ne serait pas incongrue (d’être « congru », au moins initié…).
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La Taxidermie de l’Homme-Oiseau et les reliquaires de la main et du pied ainsi que des momies vont donc succéder aux pouppas mais en se superposant aussi à des évocations immanentes des esprits du vaudou : il est des transparences qui défient les apparences. Ce n’est pas ce « refus » mais bien l’acceptation de la transparence qui m’évoque cette transition entre les propos de Maïssa Toulet et le blanc des murs de la galerie. Mais laissons-lui, laissons-vous, délier ; ou relier…

« Ce qui me touche, je pense, dans les reliquaires, c’est l’attachement au corps humain qu’ils révèlent. Le refus d’accepter sa disparition totale. Les reliques des saints, par exemple, alors même qu’elles sont adorées par des gens qui sont censés croire à la résurrection, sont la mise en scène et la magnification d’ossements humains ou de bouts d’organes.

J’aime les momies pour la même raison : on prépare le corps pour un long voyage en supposant qu’il aura besoin, dans l’au-delà, des mêmes choses qu’il avait sur terre. Comme si finalement, nos biens terrestres étaient insurpassables.

Ce qu’il ya de très beau, aussi, dans les reliques, c’est que du fait des falsifications, le corps – en plus de se disperser – se multiplie. Trois oreilles du même saint à trois endroits du monde différents, deux cœurs, quatre mêmes parties d’un squelette. Avec du rien, on fait du plein (poussière, tu ne seras pas).

À défaut d’éviter la mort, je suis partisane de ne pas éluder la question et pour la voir en face ; lui mettre quelques bijoux ne nuit en rien.

Mes reliquaires sont des tombeaux pillés : on y trouve des ossements (réels ou faux) et des souvenirs du corps, de la personne. Ses mouvements, ses maladies, ses névroses, ses amours.

Les animaux empaillés sont des momies courantes, à la mode ces temps-ci, plus faciles à trouver et moins polémiques que les momies humaines. Elles disent cependant la même chose : comment inventer une présence pour lutter contre ce qui manque. »

 

Au manque, n’ajoutons pas des considérations à la manque, mais n’y manquez pas : du 6 février au 6 mars 2010, les après-midi, galerie Marassa Trois, 89 bis, rue de Charonne (métros Ledru-Rollin ou Gare de Lyon), Paris. La galerie conserve, des précédentes expositions, ou de son fonds « permanent » (en fait, renouvelé, aussi à votre gré), des objets, des parures, des œuvres… Non pas mises en regard, mais en correspondance. Présences…

maissa_tolet_5.png Le dyptique aux momies d’homme est de femme était, au départ, une commande insolite pour un projet de livre ; le projet ne s’est pas fait, les deux vitrines-reliquaires ont évolué. Les formats (39 × 50) de ces Tombeau du Père et Tombeau de la Mère et des quatre autres reliquaires exposés, obligent à se rapprocher pour découvrir des inscriptions parfois déroutantes ( « Frottez-vous les yeux, vous verrez l’infini… », « Celui qui ment de près »). « Je ne peux pas donner des explications – répète à l’envie Maïssa Toulet à l’intention des curieux que ces cabinets baroques surprennent – les gens se racontent les histoires qu’ils veulent s’imaginer. C’est comme si je faisais un rêve, et les gens peuvent s’approprier de manière plus intéressante que moi-même ces éléments. » 

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