Il y eut un temps où à l’Est régnait un homme d’acier, véritable tyran moustachu qui opprima son peuple sous couvert d’un développement industriel et économique dont les retombées furent contestables. Un communisme dévié par un despote s’accaparant les pleins pouvoirs. Des années après sa mort, dans les années 1970, une femme politique eut également son nom accolé à un minerai métallique, la terrible Dame de fer, Margaret Tatcher. Pour le domaine social, elle est synonyme de cauchemar. A l’occasion de la sortie en salle du film de Phyllida Lloyd, La Dame de Fer, avec Meryl Street, traçons un portrait de ce personnage tant détesté ou tant aimé.
La petite Maggie Hilda Roberts nait en 1925 dans la petite ville de Grantham. Très tôt, elle aide son père à la gestion de l’épicerie familiale avec son père, là, elle forge ses convictions économiques où "un penny est un penny". Pingre ? Certainement. Elevée dans une éducation chrétienne méthodiste, chez les Roberts, on ne rigole pas. Son père est sévère et l’élève à la dure. Elle n’en lui en veut pas et comprends dès son jeune âge qu’il faut travailler pour réussir. Mériter son salaire à la sueur de son front, tel est son credo.
Elle obtient une bourse qui lui permet de suivre des études en chimie et entre dans la très prestigieuse université d’Oxford. Déjà éveillé à la politique, grâce à son paternel, et jeune Torry convaincue, elle rejoint l’association conservatrice d’Oxford, finit par en prendre le leadership et attire de plus en plus d’adhérents. Malgré un début de carrière dans l’industrie chimique, elle sent que les joutes verbales et idéologiques lui réservent un plus grand avenir.
En 1950, à 24 ans, elle se lance dans le grand bain en présentant sa candidature dans une zone connue pour ses tendances travaillistes, sans surprise cela se termine sur un échec.
Afin de se forger un discours plus adapté à la politique, elle reprend des études, de droit cette fois-ci, elle y rencontre son futur mari. Un riche homme désabusé par un divorce. Leur histoire n’est pas rythmée par une passion charnelle mais le couple restera uni jusqu’à la mort.
Elle persiste et continue de se présenter aux élections, malgré les revers, elle parvient finalement à remporter les suffrages en 1959 et rentre à la Chambre des Communes. Les remaniements ont parfois du bon, au fruit d’un jeu de chaises musicales, elle devient secrétaire d’Etat auprès du ministre des retraites et de l’assurance sociale en 1961. A cette occasion, elle découvre les lourdeurs administratives qu’elle désire alléger et développe l’idée d’une retraite par capitalisation. Elle se montre favorable à la dépénalisation de l’homosexualité, la légalisation de l’avortement mais reste une ardente défenseuse de la peine de mort et contre le divorce.
En 1970, elle officie en tant que ministre de l’Education, elle souhaite maintenir la différence entre les écoles élitistes et celles généralistes mais doit se résigner face à la désapprobation du chef du gouvernement. Par mesure de restriction budgétaire, elle prive les élèves de plus de 7 ans d’avoir leur lait quotidien. Cependant, avec les économies, elle fait rénover les écoles, ouvrir des crèches et investir de grandes sommes dans le CERN
Elle prend les rênes du pays en 1979, l’Angleterre est dans un état catastrophique, les grèves, les fermetures et les mauvaises gestions des énergies ont eu raison du gouvernement travailliste. C’est l’ère du Thatcherisme, il s’abat sur le royaume avec ses relents de conservatisme politique, le libéralisme économique et le traditionalisme social. Une façon de gouverner qui se traduit directement sur sa façon de se vêtir.
L’enveloppe des dépenses publiques se réduit de façon inquiétante, la forte inflation conjoncturelle force Thatcher à offrir les opportunités aux capitaux étrangers. Elle s’en prend avec véhémence aux mineurs en fermant les carrières jugées non rentables durant l’hiver 1984-85. Elle fait déferler une vague de privatisations sur le royaume, elle atteint même les cieux avec British Airways en 1987. Les syndicats, puissants jusque-là, en ressortent complétement essorés.
Thatcher aurait certainement acquiescé les propos de Laurent Wauquier comparant l’assistanat à un cancer, elle procura à sa façon une forme de chimiothérapie et éradiquant toutes aides aux plus miséreux. En termes de politique fiscale, elle diminue l’impôt sur le revenu et double presque la TVA sur les biens de consommation courante, passant de 8 à 15%.
Elle fait augmenter les frais d’inscription des universités pour tous ceux qui ne sont pas sujets de la reine et les mets en concurrence pour augmenter leur efficacité en les poussant à faire toujours plus, à cela s’ajoute la rétribution au mérite pour les professeurs. Cela fait étrangement penser à des lois dont on a parlé, il y a quelques années, dans notre pays.
Sur les relations, toujours difficiles, avec le voisin irlandais, cela prend des tournures conflictuelles. L’IRA fait sauter des bombes et les forces de l’ordre mène un combat acharné contre le terrorisme. En 1980, le triste épisode de la grève de la faim des prisonniers irlandais menés par Bobby Sand allant jusqu’au bout de leur jeûne émeut le monde et renforce l’image déjà peu sympathique de Miss Maggy.
Son mandat est indissociable de la guerre des Malouines. Conflit de 3 semaines en 1982, mettant en confrontation anglais et argentins pour deux archipels situés dans l’Atlantique. Au final, l’Argentine échoua et la dictature de la junte périclita. Lors de cet épisode, elle se rapproche du tyrannique Pinochet, devenant rapidement un de ses amis. Elle ne manque pas de saluer son œuvre tout en faisant fi des massacres et des déportations organisés par le régime.
Eurosceptique, elle demande avec force qu’on lui rende son argent. Celui investit dans l’Union se fâchant de façon irrémédiable avec le président de la Commission, le socialiste Jacques Delors. Tous deux ayant des opinions aux antipodes l’un de l’autre. Ne trouvant pas d’appuis en Europe, elle se tourne vers le grand voisin outre-Atlantique. Elle devient la chienne de garde de Ronald Reagan. Les deux font la paire et mènent des politiques nationales et internationales semblables. L’anticommunisme est leur maître mot.
Toutes les grandes figures connaissent une fin fracassante, la chute après avoir atteint les cimes du pouvoir. Les dissensions se font de plus en plus sentir au sein de son parti, son mauvais caractère en est certainement la cause. Mise en minorité, n’ayant plus assez de soutien, elle met fin à sa carrière.
Le temps passe et les attaques cérébrales se font en série. La vieille dame acariâtre souffrirait actuellement de la même maladie cérébrale que notre ancien président Jacques Chirac. Oublier ça a du bon surtout quand on voit le bilan de ces 11 ans de pouvoir. Les privatisations à tout-va ont fortement perturbé le bon fonctionnement des services publics, transports, postes, etc. Les pauvres n’ont jamais été aussi nombreux et le fossé entre les plus bas et les plus hauts salaires a atteint des profondeurs records.
Malgré elle, elle est devenue une icône culturelle, de nombreux chanteurs à travers le monde lui dédient leur rengaine, Renaud avec Miss Maggie ou encore Pinkfloyd dans l’album Final Cut. Symbole d’une époque révolue, ses agissements antisociaux ont tissé la toile de fond des plusieurs films tels que Billy Elliot ou The Full Monty.
La réalisation sortie ce mercredi est une énième production retraçant la vie de cette femme inoxydable qui, en dépit de ses 86 ans et de ses défaillances mentales, résiste aux affres du temps. L’autre femme qui resplendit à travers la pellicule est, bien évidemment, Meryl Streep, où à l’accoutumée, joue son rôle à la perfection. Mme Streep n’est pas la dame de fer, mais une dame en or, le même qui recouvre l’Oscar.