Aujourd’hui, les lunettes sont bien plus que l’assemblage d’une monture et de lentilles, même si le principe de base reste celui-ci. Nouvelles technologies aidant, la lunetterie au sens large est entrée dans le 21ème siècle.
Née en Franche-Comté sous le Directoire, la lunetterie française est passée en moins d’un siècle d’une production artisanale à une production industrielle réputée à travers le monde. Au XIXème siècle, les montures étaient encore en fil de fer et les verres imparfaitement surfacés dans du verre à bouteille. Mais à peine un siècle et quelques plus tard, la lunetterie est devenue un produit de haute technologie.
Sciences des matériaux
La technique et la performance sont devenues des impératifs pour le marché des lunettes : l’ambition de confort, de performance et d’esthétisme doit répondre toujours mieux aux exigences du client-patient. Les premières évolutions se sont naturellement portées sur le confort et l’ergonomie de ce qui représentait alors une contrainte physique, avec un objet souvent lourd posé sur le nez et es oreilles. D’importants efforts de R&D ont été consentis pour optimiser le poids et l’encombrant des montures, tout en affinant en parallèle les verres pour un gain de poids maximum. Il a fallu également travailler la résistance au temps de cet outil du quotidien : montures flexibles, verres inrayables et incassables, tout est fait désormais pour que la paire de lunettes dure le plus longtemps possible. Michel Masoero, un opticien de Vincennes a ainsi dès 2011 mis au point un verre incassable, garanti 5 ans, le Up’vision. Dans le domaine sportif, Rudy Project a de son côté développé depuis des verres souples, réputées incassables, photochromiques et polarisés, qui sont garantis à vie.
Mais pour arriver à de tels résultats, les matériaux ont dû évoluer, et renoncer pour partie au verre d’antan. Des verres minéraux, nous sommes passés aux verres organiques, comme le polycarbonate : « C’est la matière avec laquelle sont fabriquées les visières des casques de moto et les vitres des TGV. Ces verres sont incassables, légers, présentent la densité la plus faible et protègent contre les rayons ultraviolets », explique Annie Rodriguez, directrice des relations médicales d’Essilor. Du côté des montures, ce qui pouvait passer, il y a encore quelques années, pour un appareillage disgracieux et encombrant, est devenu un objet tendance, en métal, en plastique, en fibre de carbone ou encore en optyl, polyamide ou élastomère. Ces matériaux s’adaptent aux volontés du porteur souhaitant une monture légère, souple, résistante, confortable ou encore hypoallergénique. Toujours chez Rudy Poject, les branches des lunettes Agon sont par exemple fabriquées en Kynetium, « un mélange d’aluminium, de carbone, de magnésium, de silicium et de titane qui en font un alliage à la fois léger, solide et flexible », Selon le magazine MatosVelo. Une telle sophistication de la monture a un coût, bien évidemment, mais elle permet aux lunettes italiennes Rudy Projet de battre des record de légèreté, avec des poids verres et montures d’à peine quelques dizaines de grammes.
Coller à l’évolution des modes de vie
Chez Rudy Project comme ailleurs, les technologies n’ont pas pour seule finalité un moindre poids pour une plus grande résistance : l’idée est de coller aux problématiques quotidiennes du patient-client. Et elles ne concernent pas que le sport. Les opticiens sont aussi en mesure grâce à un traitement des verres hydrophobes de proposer des verres antisalissure ou anti-rayure grâce à un soin polymérisé pour un meilleur confort d’usage au quotidien. Mais le vieillissement de la population comme les changements dans les modes de vie imposent d’autres priorités. L’omniprésence des écrans dans la vie quotidienne a par exemple également un impact très fort sur la santé visuelle. Pour répondre à cette évolution soudaine dans nos comportements, Essilor, en partenariat avec Optic 2000, a par exemple conçu le verre Eyezen, à destination des yeux sollicités par les écrans d’ordinateur et tablettes. Réduisant la fatigue, améliorant la netteté de l’image et filtrant la lumière, ce concentré de technologies d’Essilor s’adapte avec précision aux attentes des patients, sur un sujet devenu préoccupation de santé publique : la lumière bleue. Particulièrement notables chez les jeunes, cette tendance à l’omniprésence des écrans a poussé Essilor a proposé un produit spécifiquement conçu pour neutraliser certains rayonnements nocifs des écrans.
La technologie est également en train d’envahir « l’environnement » des lunettes, bien au-delà de la seule question des verres et de la monture. Optic 2000 s’est par exemple doté d’outils digitaux pour optimiser la relation-client et le service en magasins. Les tablettes numériques installées dans les magasins permettent aux clients de réaliser des essayages virtuels. Cette innovation a permis à la coopérative d’optique de se voir décerner le label Janus du Commerce par l’institut Français du design en 2015. Depuis Optic 2000 s’est penchée sur une autre problématique à laquelle les lunettes peuvent répondre : l’endormissement au volant. Très engagée sur le thème de la sécurité routière, en particulier via son action de dépistage et de sensibilisation en marge du Tour Auto Optic 2000, la coopérative s’est associée à la start-up niçoise Ellcie-Healthy pour développer un modèle de lunettes connectées permettant de prévenir la somnolence au volant : une fois détectés les premiers signes de fatigue, le dispositif connecté à un smartphone prévient le conducteur grâce au vibreur ou à une sonnerie paramétrée.
D’accessoire d’aide à la vision, les lunettes sont progressivement devenues en plus un accessoire de mode, intégrant les dernières technologies disponibles en termes de verres ou de matériaux. Indispensable pour un nombre grandissant de citoyens d’une population vieillissante et hyperconnectée, elles reçoivent aujourd’hui le renfort des outils numériques pour une nouvelle transformation. A la clé, des lunettes devenues désormais accessoire de sécurité. Si l’évolution des lunettes en elles-mêmes est une constante depuis ses débuts, les potentialités des outils numériques nous réservent certainement bien des surprises sur les usages qui pourront bientôt en être faits. Google nous en avait donné un aperçu avec ses Google Glass, mais peut-être le géant californien a-t-il simplement été un peu trop en avance sur son temps.