Quelle époque vivons-nous pour qu’à chaque fois qu’on célèbre un de nos grands écrivains, on déclenche une polémique ? Louis-Ferdinand Céline ou Marcel Camus hier, Louis Aragon aujourd’hui. Il faut se rendre à l’évidence, les génies ne sont que des hommes comme les autres et on ne leur demande pas d’être vertueux et irréprochables. « Que m’importe Jean Genêt que tu bandes ! » disait Léo Ferré. Seul compte l’œuvre et pour ce qui est d’Aragon, elle est considérable. Si jean d’Ormesson, écrivain de droite revendiqué,  reconnait le poète communiste stalinien jamais repenti comme son écrivain préféré, c’est bien que sa poésie est universelle.  Brassens, Ferré et Ferrat ont mis ses poèmes en musique, ce qui en soit est un gage de qualité.

Trente ans après sa mort, le parti communiste veut le fêter comme il le mérite pendant un mois. Une bonne occasion pour revisiter ou découvrir un de nos plus grands poètes. Pour Aragon, c’est la souffrance des hommes qui les transcendent et les amène à produire des chefs d’œuvre.

 « La souffrance enfante les songes/Comme une ruche ses abeilles/L’homme crie où son fer le ronge/Et sa plaie engendre un soleil/Plus beau que les anciens mensonges. » 

Sa blessure à lui, on le sait, vient de son père détesté qui ne l’a jamais reconnu. Je qualifierais son écriture de « féminine », peut-être parce qu’il fut entouré de femmes pendant son enfance.

 Elsa Triolet fut son grand amour et les poèmes qu’il lui consacre sont merveilleux de délicatesse. Lisons « le fou d’Elsa » qui est sans doute la plus belle déclaration d’amour jamais écrite même s’il déclarait « il n’y a pas d’amour heureux » dans un autre de ses fameux poèmes.

«  J’ai mis mon cœur entre tes mains/Avec le tien comme il va l’amble » 

Relisons ce grand poète et faisons le découvrir à nos enfants. Pour ma part, j’ai une préférence pour la formidable chanson que Léo Ferré a mis en musique et que Bernard Lavilliers a reprise : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

« On avait mis les morts à table

On faisait des châteaux de sable

On prenait les loups pour des chiens

Tout changeait de pôle et d’épaule

La pièce était-elle ou non drôle

Moi si j’y tenais mal mon rôle

C’était de n’y comprendre rien » 

 

Quand on lit ça, on n’a plus envie d’écrire une ligne !

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