Tout avait commencé il y a quelques mois à Avignon, dans le sud de la France. L’œuvre artistique Piss Christ d’Andres Serrano avait été brisée, après une introduction nocturne de casseurs. Certes, elle n’était pas de très bon goût !

Plus tôt, une manifestation d’intégristes avait mis de l’animation dans la petite ville en général très calme. Plus tard, lors du Festival théâtre avignonnais, en juillet 2011, le spectacle, Sur le concept du visage du fils de Dieu, création de Roméo Castellucci, avait été perturbé. Les catholiques, montés au créneau, avaient dénoncé le caractère blasphématoire le manque de respect envers la religion.

Dans un pays laïc, où ces notions n’ont aucune valeur juridique, cela avait un caractère étonnant. La pièce fut ensuite vilipendée à Paris, au théâtre de Ville, puis au Cent quatre, ensuite à Rennes et à Villeneuve d’Ascq. Il a fallu à chaque fois l’intervention de la police pour que le spectacle soit joué. Là encore, peu importe que le contenu de cette pièce soit maladroit, voire même obscène, au regard de certains, l’essentiel est la volonté de censure exprimée.

Une deuxième pièce, Golgota Picnic, mise en scène par Rodrigo Garcia, avait ainsi été critiquée également, avec manifestations de rue à Toulouse, en novembre. Même cas de figure cette fois-ci à Paris, depuis jeudi dernier, au théâtre du Rond-Point, les comédiens ont dû exercer leur métier sous la protection de la police, pour la première fois de l’histoire de ce lieu emblématique, alors que des menaces de mort étaient proférées contre son directeur, le comédien Jean-Michel Ribes.

Voici ce qu’écrit de la pièce la revue théâtrale spécialisée Terrasse: «L’argent-roi, l’individualisme increvable, la satisfaction immédiate, la consommation avide, la vulgarité et la bêtise ordinaire, la crédulité, le désarroi face à la piteuse réalité de l’existence…voilà le menu de ce copieux Golgota Picnic. (…)

Affinant son langage esthétique, Rodrigo Garcia fait résonner par le réalisme cru de la matière et des gestes, une force d’évocation métaphorique qui touche l’existentiel».

Pas de quoi irriter un dévot ! Ainsi, l’église avait d’abord condamné les intégristes violents. Gêné par cette montée intégriste impossible à rejoindre, mais ressentant «le vif émoi parmi les chrétiens», le président de la conférence des évêques, l’archevêque de Paris André Vingt-Trois a appelé jeudi soir à une soirée de prière avec le décorum habituel, chants, silence et bougies blanches. C’est ainsi que les «modérés» de l’église catholique officielle donnent corps au message des intégristes.

Voilà qui donne à réfléchir au pays des droits de l’homme.