La crise de la Ligue Tunisienne pour la Défense des droits de l’Homme (LTDH) dure depuis exactement trois ans. Ainsi la Ligue n’a pas pu tenir jusqu’à présent son 6ème congrès fixé au mois de septembre 2005. Plusieurs médiations ont été entreprises entre le comité directeur et les présidents des sections de la Ligue qui ont saisi la justice contre la décision du comité directeur de fusionner leurs sections respectives. Une action qui a porté préjudice à la ligue en bloquant ses activités et en l’empêchant surtout de tenir son 6ème congrès. Mais ces médiations pour une raison ou une autre n’ont pas abouti. Il y a trois mois le comité directeur a avancé des propositions pour ouvrir un dialogue constructif sur toutes les questions avec les plaignants afin de parvenir à une solution. Une initiative qui est restée sans suite. Lors de la séance d’ouverture du 8ème congrès du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) le président de la Ligue a invité toutes les parties au dialogue y compris les militants qui appartiennent au Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) et il a souligné que le comité directeur de la ligue est ouvert à toutes les propositions pour sortir de la crise.
Pour en savoir plus nous avons invité Me Taoufik Bouderbala ex-président de la Ligue et actuel président d’honneur. Il nous parle des solutions possibles, et surtout de la nécessité impérieuse de faire sortir la ligue de cette crise. Interview.
Le Temps : Que pensez-vous de l’intervention du président de la Ligue Me Moktar Trifi à la séance d’ouverture du congrès du MDS le 12 août dernier ?
Me Taoufik Bouderbala : L’intervention du président de la ligue Me Trifi a été d’après moi conforme à l’initiative lancée par le comité directeur de la LTDH depuis au moins trois mois et qui est restée hélas sans suite. Donc l’appel réitéré pour un dialogue avec toutes les composantes de la ligue y compris avec les militants du RCD au sein de la Ligue doit, d’après moi, déclencher une prise de conscience de tous vers la reprise des contacts pour fixer un calendrier d’un commun accord et entamer les discussions pour trouver les solutions acceptables dans un esprit consensuel auprès de tous les » ligueurs « .
? Mais plusieurs tentatives pour trouver une solution ont échoué. Pensez-vous que cette fois-ci sera la bonne ?
-Oui plusieurs tentatives de médiation entre les différentes parties ont été effectuées mais elles ne sont pas arrivées à un consensus entre le comité directeur et les militants qui ont porté le différend devant les tribunaux. La situation a changé depuis que nous sommes en présence d’une nouvelle initiative prise par le comité directeur.
Malheureusement, nous ne sommes pas en présence de contre-propositions concrètes qui auraient pu nous éclairer sur la réelle volonté de tous pour mettre fin à cette crise.
Logiquement tous les protagonistes auraient dû se rencontrer autour d’une même table et discuter des propositions pour éventuellement confirmer, en amender quelques unes d’entre-elles, proposer des nouvelles formulations et pourquoi pas se mettre d’accord sur un ensemble de décisions susceptibles de réamorcer le processus de préparation du 6ème congrès de la ligue. Je suggère qu’une fois cette étape franchie et si le blocage persiste on pourra faire appel à des médiateurs choisis et acceptés par le comité directeur et par les « mécontents ». Mais cette médiation aura mandat de proposer les solutions qui devront être acceptées. C’est la solution que j’ai préconisée depuis longtemps.
? Pour vous il est temps donc de trouver une solution à la crise de la ligue ?
-Absolument et ce serait triste de célébrer le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme le 10 décembre 2008 en l’absence de la LTDH. La Tunisie qui a été pionnière dans ce domaine en Afrique et dans le monde arabe semble avoir été dépassée pour des raisons qui ne sont convaincantes pour personne, parce que la Ligue a fini par être considérée comme la mémoire du peuple tunisien et la conscience de notre temps. Pendant toute son existence, la ligue n’a obéi a aucun mouvement de mode. Elle a toujours été du côté de toutes les causes ayant trait aux libertés et aux droits de l’homme au niveau national et international. Elle n’a jamais eu d’indignations sélectives. Elle a toujours eu la colère et la rage contre l’indifférence et l’oubli.
C’est pour cela que l’occasion est propice pour prendre les décisions nécessaires à la reprise des activités de la Ligue conformément à ses constantes sur lesquelles nous avons toujours insisté. Par ailleurs, je pense que cette occasion sera un rendez-vous important pour ouvrir un dialogue global avec toutes les composantes de la société civile et initier une réflexion – évaluation sur les acquis, les insuffisances et la projection dans l’avenir avec un agenda bien précis pour un » toilettage » de toutes les législations concernant les libertés.
? 60 ans après la déclaration universelle des droits de l’Homme. Quelle est la situation de ces droits en général ?
-Le chemin parcouru est positif. Mais des lacunes persistent et persisteront toujours. Les droits de l’homme représentent un tout indivisible. Ce ne sont pas uniquement des lois parce que les droits de l’homme ne sont pas une affaire de juristes. Il ne faut pas être un technicien du droit prisonnier de la forme et aux ordres d’un quelconque pouvoir. Il faut s’efforcer de mettre ses connaissances juridiques au service de ce qu’on estime être la justice. C’est-à-dire au service des hommes que l’ont fait souffrir injustement, indifférents aux champs des sirènes politiques comme aux attraits simplificateurs des idéologies.
Les droits de l’homme ne sont pas une simple affaire de politiciens. La lutte pour les droits de l’homme ne doit pas être elle-même d’essence politique. Les libertés ne peuvent naître que de l’échange des idées. Elles sont les plus fragiles qui poussent dans les limites qui séparent les dogmatismes. C’est pourquoi elles ne sauraient être cultivées que par des représentants sincères et désintéressés.
? En montant à votre cabinet une plaque à l’entrée de l’immeuble a attiré mon attention sur laquelle est écrit: Me Daly Jazi avocat à la cour de cassation 2ème étage. C’était votre voisin ?
Il était justement l’un des fondateurs de la ligue. Dites-nous un mot sur lui.
-En ce qui concerne Daly Jazi sa mort m’enleva mon meilleur frère d’action. Celui dont le coup de pouce faisait dévier les catastrophes et dont la présence ponctuelle avait une portée déterminante sur les défaillances possibles de chacun. Homme de culture mais grandi dans les difficultés d’une bonté au beau fixe son diagnostic était toujours sûr. Son comportement était construit d’audace extrême et de sagesse. Ingénieux, il menait ses avantages jusqu’à leurs extrêmes conséquences.
Jusqu’à sa mort, il portait ses 65 ans verticalement tel un arbre de la liberté. Notre amitié était omniprésente sans pesanteurs inutiles. Inébranlable !
Interview réalisée par Néjib SASSI – Le Temps – Lundi 08 septembre 2008
La crise de la Ligue Tunisienne pour la Défense des droits de l’Homme (LTDH) dure depuis exactement trois ans. Ainsi la Ligue n’a pas pu tenir jusqu’à présent son 6ème congrès fixé au mois de septembre 2005. Plusieurs médiations ont été entreprises entre le comité directeur et les présidents des sections de la Ligue qui ont saisi la justice contre la décision du comité directeur de fusionner leurs sections respectives. Une action qui a porté préjudice à la ligue en bloquant ses activités et en l’empêchant surtout de tenir son 6ème congrès. Mais ces médiations pour une raison ou une autre n’ont pas abouti. Il y a trois mois le comité directeur a avancé des propositions pour ouvrir un dialogue constructif sur toutes les questions avec les plaignants afin de parvenir à une solution. Une initiative qui est restée sans suite. Lors de la séance d’ouverture du 8ème congrès du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) le président de la Ligue a invité toutes les parties au dialogue y compris les militants qui appartiennent au Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) et il a souligné que le comité directeur de la ligue est ouvert à toutes les propositions pour sortir de la crise.
Pour en savoir plus nous avons invité Me Taoufik Bouderbala ex-président de la Ligue et actuel président d’honneur. Il nous parle des solutions possibles, et surtout de la nécessité impérieuse de faire sortir la ligue de cette crise. Interview.
Le Temps : Que pensez-vous de l’intervention du président de la Ligue Me Moktar Trifi à la séance d’ouverture du congrès du MDS le 12 août dernier ?
Me Taoufik Bouderbala : L’intervention du président de la ligue Me Trifi a été d’après moi conforme à l’initiative lancée par le comité directeur de la LTDH depuis au moins trois mois et qui est restée hélas sans suite. Donc l’appel réitéré pour un dialogue avec toutes les composantes de la ligue y compris avec les militants du RCD au sein de la Ligue doit, d’après moi, déclencher une prise de conscience de tous vers la reprise des contacts pour fixer un calendrier d’un commun accord et entamer les discussions pour trouver les solutions acceptables dans un esprit consensuel auprès de tous les » ligueurs « .
? Mais plusieurs tentatives pour trouver une solution ont échoué. Pensez-vous que cette fois-ci sera la bonne ?
-Oui plusieurs tentatives de médiation entre les différentes parties ont été effectuées mais elles ne sont pas arrivées à un consensus entre le comité directeur et les militants qui ont porté le différend devant les tribunaux. La situation a changé depuis que nous sommes en présence d’une nouvelle initiative prise par le comité directeur.
Malheureusement, nous ne sommes pas en présence de contre-propositions concrètes qui auraient pu nous éclairer sur la réelle volonté de tous pour mettre fin à cette crise.
Logiquement tous les protagonistes auraient dû se rencontrer autour d’une même table et discuter des propositions pour éventuellement confirmer, en amender quelques unes d’entre-elles, proposer des nouvelles formulations et pourquoi pas se mettre d’accord sur un ensemble de décisions susceptibles de réamorcer le processus de préparation du 6ème congrès de la ligue. Je suggère qu’une fois cette étape franchie et si le blocage persiste on pourra faire appel à des médiateurs choisis et acceptés par le comité directeur et par les « mécontents ». Mais cette médiation aura mandat de proposer les solutions qui devront être acceptées. C’est la solution que j’ai préconisée depuis longtemps.
? Pour vous il est temps donc de trouver une solution à la crise de la ligue ?
-Absolument et ce serait triste de célébrer le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme le 10 décembre 2008 en l’absence de la LTDH. La Tunisie qui a été pionnière dans ce domaine en Afrique et dans le monde arabe semble avoir été dépassée pour des raisons qui ne sont convaincantes pour personne, parce que la Ligue a fini par être considérée comme la mémoire du peuple tunisien et la conscience de notre temps. Pendant toute son existence, la ligue n’a obéi a aucun mouvement de mode. Elle a toujours été du côté de toutes les causes ayant trait aux libertés et aux droits de l’homme au niveau national et international. Elle n’a jamais eu d’indignations sélectives. Elle a toujours eu la colère et la rage contre l’indifférence et l’oubli.
C’est pour cela que l’occasion est propice pour prendre les décisions nécessaires à la reprise des activités de la Ligue conformément à ses constantes sur lesquelles nous avons toujours insisté. Par ailleurs, je pense que cette occasion sera un rendez-vous important pour ouvrir un dialogue global avec toutes les composantes de la société civile et initier une réflexion – évaluation sur les acquis, les insuffisances et la projection dans l’avenir avec un agenda bien précis pour un » toilettage » de toutes les législations concernant les libertés.
? 60 ans après la déclaration universelle des droits de l’Homme. Quelle est la situation de ces droits en général ?
-Le chemin parcouru est positif. Mais des lacunes persistent et persisteront toujours. Les droits de l’homme représentent un tout indivisible. Ce ne sont pas uniquement des lois parce que les droits de l’homme ne sont pas une affaire de juristes. Il ne faut pas être un technicien du droit prisonnier de la forme et aux ordres d’un quelconque pouvoir. Il faut s’efforcer de mettre ses connaissances juridiques au service de ce qu’on estime être la justice. C’est-à-dire au service des hommes que l’ont fait souffrir injustement, indifférents aux champs des sirènes politiques comme aux attraits simplificateurs des idéologies.
Les droits de l’homme ne sont pas une simple affaire de politiciens. La lutte pour les droits de l’homme ne doit pas être elle-même d’essence politique. Les libertés ne peuvent naître que de l’échange des idées. Elles sont les plus fragiles qui poussent dans les limites qui séparent les dogmatismes. C’est pourquoi elles ne sauraient être cultivées que par des représentants sincères et désintéressés.
? En montant à votre cabinet une plaque à l’entrée de l’immeuble a attiré mon attention sur laquelle est écrit: Me Daly Jazi avocat à la cour de cassation 2ème étage. C’était votre voisin ?
Il était justement l’un des fondateurs de la ligue. Dites-nous un mot sur lui.
-En ce qui concerne Daly Jazi sa mort m’enleva mon meilleur frère d’action. Celui dont le coup de pouce faisait dévier les catastrophes et dont la présence ponctuelle avait une portée déterminante sur les défaillances possibles de chacun. Homme de culture mais grandi dans les difficultés d’une bonté au beau fixe son diagnostic était toujours sûr. Son comportement était construit d’audace extrême et de sagesse. Ingénieux, il menait ses avantages jusqu’à leurs extrêmes conséquences.
Jusqu’à sa mort, il portait ses 65 ans verticalement tel un arbre de la liberté. Notre amitié était omniprésente sans pesanteurs inutiles. Inébranlable !
Interview réalisée par Néjib SASSI – Le Temps – Lundi 08 septembre 2008
Lire la suite : http://tunisiawatch.rsfblog.org/archive/2008/09/08/ligue-tunisienne-des-droits-de-l-homme-trois-ans-de-crise.html.
Cette situation dramatique pour les droits de l’homme tunisien ne sert pas la liberté de Sameh Harakati
http://tunisie-harakati.mylivepage.com
Je trouve scandaleux d’observer que cette crise dure depuis trois années. Cette situation ne peut pas servir l’intérêt des droits de l’homme et de ces victimes. Ils ont le devoir de régler d’urgence les problèmes de manière à ce que tout ceci aboutisse à des conclusions satisfaisante. Des nombreux dossiers attendent leurs soutiens, celui de madame Sameh Harakati fait partie de cette longue liste de personne qui sont victimes de l’injustice tunisienne.
http://tunisie-harakati.mylivepage.com
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