Réalisateur : Frédéric Beigbeder
Date de sortie : 15 juin 2016
Pays : France
Genre : Comédie
Durée : 90 minutes
Budget : +/- 7 millions d’euros
Casting : Gaspard Proust (Octave Parango), Audrey Fleurot (Valentine Winfield), Jonathan Lambert (Carine Wang)
Octave Parango est model scout, c’est à dire chercheur de mannequins pour les grandes marques de luxe. Son métier, il l’exerce la plus part du temps en Russie, dans des contrées éloignées, glacées et pauvres, afin de dénicher la perle rare, celle qui combine tous les paramètres de la beauté parfaite. Loin de là, à Paris, L’Idéal, marque réputée de cosmétique à travers le monde, vit une crise. Son ambassadrice Europe a été « surprise » dans une sextape en train de tenir des propos antisémites, très IIIème Reich. Carine Wang, la PDG, missionne Octave et Valentine Winfield, une directrice visuelle, de trouve une remplaçante idéale pour faire oublier ce scandale public et économique.
L’Idéal est le deuxième film de Frédéric Beigbeder après L’amour dure trois ans sorti en 2011, soit une pause de 5 ans avant de revenir à la réalisation, une nouvelle fois avec Gaspard Proust en double fictif devant la caméra. L’écrivain parisien livre un film drôle, satirique, caustique qui éreinte le monde de la monde avec talent grâce à une écriture pleine d’ironie. Même s’il s’agit d’une fiction, on sent pertinemment que des éléments du film sont autobiographiques ou très factuelles, telle la scène d’ouverture où le petit Octave se réveille et déambule dans une fête orgiaque organisée par son père pleine de mannequins légèrement, voire pas du tout, vêtues. Mais bien plus que ça, le film est ancrée dans la réalité, les castings, les réunions, les stratégies commerciales, les fêtes, le nom de la marque a peine déguisé, les spots publicitaires, les mouvements féministes russes, tout semble avoir été vécu ou presque. Malgré ces détails, le scénario reste très romanesque avec ses forces et ses faiblesses.
Si les premières minutes plantent un peu le décor avec un Octave débauché, se vautrant dans la luxure, progressivement l’histoire prend la forme d’une quête désespérée pour sauver cet empire de la mode dont la valeur commerciale n’arrête pas de chuter. Un écho troublant avec l’affaire John Galliano, le créateur condamné pour des propos similaires à ceux proférés dans le film par la mannequin déchue. Le scénario est rythmé par une multitude de rebondissements et par un Octave cassant régulièrement le 4ème mur pour apporter des précisions, des confidences ou des remarques aux spectateurs. Une bonne idée pour ne pas perdre leur attention. Le duo d’acteurs est pertinent, Gaspard Proust et Audrey Fleurot fonctionnent bien ensemble car chacun possède une répartie savoureuse occasionnant des pics bien sentis. L’autre personnage haut en couleurs c’est bien sur Carine Wang, incarnée par Jonathan Lambert déguisée en femme, une habitude bien rodée depuis ses spectacles et ses chroniques dans des talk-show. Il est convaincant et n’abuse pas de ce travestissement, pas de caricature, de pastiche, il est froid, directif, sec et sans pitié, traitant ses collaborateurs comme des sous-fifres.
Parmi les points faibles du film, beaucoup de raccourcis un brin absurdes et peu crédibles. La Russie devient un vivier de communistes intellectuels vivant et complotant cachés dans une bibliothèque, portant moustache, lunettes, col roulé et veste en tweed, vénérant et affichant des posters de Lenine et Staline; la jeune russe dont la carrière de mannequin dévie pour finir en quelques choses de sordides mêlant drogues, vieux vicieux bien crades et films pornos low cost après avoir cru aux monts et merveilles promis par Octave; une solution trop bancale et facilement amenée pour éteindre la polémique. Beaucoup pourront trouver le film sexiste, machiste voire misogyne car les femmes sont traitées comme des marchandises, des objets sur lesquels sont collés des jugements de valeurs, à défaut de prix, ou comme le signale Octave, des « esclaves modernes » alignés dans des gymnases miteux au bout de la Sibérie devant une délégation de riches négociants.
Heureusement, il y a des points forts. L’esthétisme est soignée et cela se voit à plusieurs reprises. Tout d’abord dans les affiches, éloquentes, chic et choc, ce doigt d’honneur vernis se veut irrévérencieux tout étant sophistiqué. Ensuite dans les fausses pages publicitaires empruntant les codes graphiques de la fameuse marque et pour finir dans certains plans extérieurs mettant en avant la campagne russe. L’Idéal surprend par des passages crus, des phrases violentes et pleine de sarcasme, la fête démesurée chez Sacha, un étrange oligarque, où l’arrivée se fait en montagnes russes, où les invités sont accueillis par de la vodka bleue bourrée de drogues, où les nains de jardins sont vivants, les nonnes ne sont pas très catholiques, où il pleut des capsules, bref un passage qui ferait passer les folies de Projet X et Very Bad Trip pour des caprices d’enfants de chœur.