Amusant. Les blogueurs français se sont pris au jeu, et comme sur Le Post, tentent de rivaliser avec les titres anglophones en suivant de minute en minute, les informations en provenance de Libye. Pour une fois, Le Monde joue bien le jeu, en faisant dialoguer la rédaction, et l’envoyée spéciale à Benghazi (qui doit faire un peu pool avec celui du Guardian, premier arrivé sur place, suivi de Jean-Pierre Perrin, de Libération, et peut-être l’équipe de CNN). « Bizarrement », le grégarisme joue pourtant : peu d’intérêt pour ce que rapportent les titres des pays voisins, Tunisie et Égypte.

J’avais salué comme il se doit l’équipe du Blog News du Guardian. Elle a été depuis largement émulée. Mais contrairement à la presse anglophone, la francophone semble s’en remettre à Reuters, AP, DPA, et à l’AFP, et à leurs permanents en Égypte et Tunisie, pour s’intéresser à ce que rapporte la presse des pays voisins.

Ce qui m’a marqué, ce n’est pas la couverture de la presse tunisienne francophone, plutôt faiblarde, mais cet éditorial de Lofti Ouenniche dans Le Temps. « Devant toute cette horreur, la position de la Communauté internationale reste malheureusement molle. Point de position dure ni de sanctions contraignantes. Les grandes puissances privilégient comme d’habitude leurs intérêts. Bien sûr le pétrole libyen est alléchant. Et dans l’attente que les choses se décantent en faveur de l’une ou de l’autre partie, ils prendront leur décision. ». Un peu comme Sarkozy à propos de la démission de MAM après les élections cantonales : on suit l’évolution de la situation, on suppute les rapports de force…

Dhaou Maatoug (La Presse de Tunisie) rapporte que les réfugiés (Tunisiens et Libyens) se pressant aux frontières sud de la Tunisie sont rançonnés au passage et finissent souvent à pied un exode commencé en voitures ou camions. Et au poste frontière : « des milices, inconnues jusque-là, ont profité de la situation et de ce mouvement de panique pour piller deux dépôts à Ras Jedir qui sont sous contrôle de la douane tunisienne et mettre la main sur les tonnes de saisies qui y étaient stockées, dont notamment de l’électroménager, des produits alimentaires, des tapis, des vêtements, des pièces automobiles et d’autres articles en tous genres. ». La frontière, comme celle de la Lybie avec l’Égypte, est devenue plus poreuse. Milices de Ben Ali ? Milices lybiennes ? Allez savoir…

La presse égyptienne s’inquiète aussi du sort des Égyptiens qui affluent. Mais, comme le relève aussi le Daily Star (Liban), « L’inaction occidentale concourt au massacre » en Libye.

Samur Al-Atrush, du Daily News (Le Caire), s’appuie surtout sur la dépêche de l’AFP pour décrire la situation à Salloum, où les travailleurs égyptiens de Libye refluent. La situation semble meilleure que côté tunisien. Les Libyens semblent vouloir protéger les réfugiés de possibles actes de pillage.

Omnia Al Desoukie souligne que les insurrections tunisienne, égyptienne et libyenne n’ont pas de motivations religieuses, mais que la corruption, la pauvreté, le besoin de dignité sont les seuls véritables moteurs. On veut croire que le modèle iranien appartient à une époque révolue.

Mais la presse égyptienne, et dans une moindre mesure la tunisienne, s’intéressent tout autant à la Palestine qu’à la Lybie alors que Gaza vient encore d’être le théâtre de tirs israéliens.

The Egyptian Gazette s’intéresse autant à la situation à Khartoum (Soudan) qu’à celle régnant à Tripoli. Elle relève que Seif al-Islam, le fils de Kadhaffi, a souhaité la présence de la presse étrangère en Lybie alors même que des déclarations contraires (considérant les journalistes étrangers en tant qu’envoyés d’Al-Quaida par Khaled Kaim, le secrétaire d’État libyen aux Affaires étrangères). Saadi Kadhafi, l’un des sept autres fils de Mouammar, depuis Londres, a repris les propos de son père : les insurgés sont des drogués. La Middle East News Agency rapporte que les autorités de Tripoli ne chercheraient plus à brouiller les transmissions. De fait, c’est raté.

L’Orient-Le Jour (Beyrouth) s’intéresse aussi aux Libanais de Libye. Ils sont 600 familles, soit 2 500 personnes. «Le Liban a refusé d’accueillir un avion privé libyen transportant l’épouse d’origine libanaise d’Hannibal Kadhafi, l’un des fils de Moammar Kadhafi, » rapporte le quotidien libanais qui indique la Ligue arabe devrait rompre ses liens avec le dirigeant libyen. Les fuites de WikiLeaks sur la fortune du clan Kadhafi sont évoquées.

Mais ce qui retient le plus l’attention, c’est le parallèle établi parfois entre la Serbie, le Kosovo et la Libye. L’inaction occidentale est prise pour de l’hypocrisie.

En attendant d’en savoir davantage, on peut consulter la carte qu’Iyad Elbadhdadi avait actualisé en fin d’après-midi. Depuis les aéroports du sud, des mercenaires viendraient renforcer, à Tripoli, les forces fidèles au Guide la Révolution… celle d’avant.