Drôle de jeu des sept familles (au moins) en Libye où le ministère de la Défense échoit au chef de guerre s’étant emparé de Seif al-Islam Kadhafi. J’ai le fils Kadhafi, je demande ton portefeuille, aurait pu lancer au Conseil national transitoire le commandant d’une brigade de Zenten, Oussama Jouili…

Voici quelques jours à peine, des commandants de brigades diverses, et surtout d’anciens officiers et officiers supérieurs ayant déserté le camp loyaliste pour rejoindre Benghazi, s’étaient mis d’accord sur le nom d’on ne sait plus qui (et peu importe pour le moment, à moins qu’un coup d’État se mijote dans l’ombre) pour le titre, voire les fonctions réelles, de ministre de la Défense.

Surprise, surprise, c’est le chef des brigades de Zenten, Oussam Jouili, qui l’emporte, et sera censé organiser une armée.
En fait, ce dernier avait plus ou moins clairement laissé entendre qu’il ne livrerait pas Seif al-Islam Kadhafi et Abdallah Senoussi à Benghazi si ceux de Zenten (ou Zintan), bien plus que ceux, Berbères surtout, du djebel Nefoussa n’obtenaient pas une représentation vraiment conséquente au gouvernement.
C’est chose faite.

Auparavant, Abdallah Naker, président du Conseil des thowars (on ne dit plus « révolutionnaires », mais thowars) de Zenten à Tripoli, espérait bien aussi un poste. Mais comme Oussam Jouili était à la tête des détachements sillonnant le sud libyen qui se sont saisis du fils Kadhafi, eh, place au chef de razzia s’étant emparé du plus gros butin.

Ceux de Misrata obtiennent aussi un ministère important, l’Intérieur, et tout le monde semble content. À Tripoli, Abdelhakim Belhadj, soutenu par le Qatar, semble écarté. Il n’est pas sûr que, après les frictions entre brigades de Misrata et d’autres, dont les tripolitaines, à Tripoli, Jouili parvienne très rapidement à former une armée, et surtout à désarmer les siens comme les rivaux.

 

Déjà, au djebel Nefoussa, les brigades berbères et les « arabes » se regardent avec une certaine suspicion. Si tu désarmes, je désarme, mais désarme d’abord, se disent les uns et les autres, le plus souvent voisins

Restons cependant optimistes. Les Libyens savent qu’ils ont de colossaux efforts à fournir pour retaper un pays détruit par l’Otan et les combats au sol. 

La Croix-Rouge a pu constater que Seif al-Islam était bien traité à Zenten. Luis Moreno Ocampo n’insiste plus trop pour que la Cour pénale internationale le juge, sans doute pour la galerie (on ne sait s’il sera jugé à Tripoli ou Benghazi, mais le CNT ne veut pas le lâcher, et qui pourrait l’y obligerait ?).

La plus importante nomination est en fait celle du ministre des Martyrs, des Blessés et des personnes disparues. Enfin, avec celle du ministre du Pétrole, bien sûr. Mais si pas d’armée et pas de rétribution satisfaisante aux familles des combattants, pas de pétrole, en fait. À moins de favoriser en toute priorité les versements aux familles des combattants ou ex-combattants gardant, presque chacun pour leur compte, les installations pétrolières.

 

Bizarrement, Radio Chine internationale donne un certain Ossama Jawel à la tête du ministère de la Défense. Problème de translittération ? Sans doute. On trouve aussi Osama al-Juwali (BBC). Et Juili (pour The Times of Malta).

Restons cependant optimistes. Les Libyennes et les Libyens savent qu’ils devront fournir des efforts colossaux pour retaper un pays détruit par les frappes de l’Otan et les combats au sol. Et puis, comme le conseil militaire de Zenten vient de diffuser un communiqué selon lequel il ne se serait livré à « aucun chantage » au sujet d’un échange entre un poste ministériel et la personne du fils Kadhafi, qui reste prisonnier à Zenten, en accord avec le CNT, « pour des raisons de sécurité », tout va pour le mieux. Cela allait de soi, mais c’est tellement mieux en le précisant. Admettons que la réconciliation nationale libyenne est en marche.

Et puis, dans huit ou dix mois, un nouveau jeu de chaises musicales pour nommer des ministres est prévu.