ABC News rapporte que Jay Carney, porte-parole du gouvernement étasunien, prévoit « un déploiement de personnels supplémentaires pour aider le Conseil transitoire libyen dans ses efforts de sécurisation des dépôts d’armes conventionnelles. ». Belle blague.
Déployer des troupes coalisées au sol pour surveiller des râteliers de fusils-mitrailleurs ou des dépôts d’obus de blindés n’a vraiment aucun intérêt. Pour tenter de détruire – ou récupérer – des milliers de missiles sol-sol ou sol-air disséminés en Algérie, au Mali, un peu partout, cela pourrait se concevoir.
Des forces spéciales pourraient, théoriquement, localiser des groupes détenant des missiles, et conduire des frappes de drones ou d’hélicoptères.
L’ennui, c’est qu’à moins de dépêcher des centaines de combattants et que les très clairsemées populations locales soient désireuses de trahir, vendre ou dénoncer les détenteurs de ces missiles, et ce systématiquement, c’est assez vain. Autant espérer sécuriser l’Afghanistan en un seul trimestre.
Il y avait 20 000 missiles en Libye, il en reste peut-être moins de dix fois moins, certains sont déjà arrivés à Gaza, et cette fois, leurs détenteurs n’ont pas forcément l’intention de se les faire racheter par le futur gouvernement libyen ou qui que ce soit.
Contrôler ou occuper ?
L’aide en la matière au gouvernement libyen fait songer aux frappes chirurgicales censées épargner les civils et prémunir la destruction accidentelle d’infrastructures. Oui, mais partie du système d’abduction d’eau, de nombreux dépôts de vivres, et tout ce qu’il était prévu juteux de détruire en vue de le reconstruire, quelques hôpitaux sous contrôle loyaliste inclus, a été rasé ou rendu irrécupérable.
John Rosenthal rapporte qu’après le sénateur John McCain, Nicolas Sarkozy et David Cameron ont complaisamment posé devant la façade d’un immeuble de Benghazi dont la fenêtre a servi à lyncher un présumé mercenaire africain. Nicolas Sarkozy, après s’être fait photographier tout sourire au pied de la statue du complexe de Kadhafi – celle au poing brisant un chasseur américain, à présent détruite –, a donc affiché le même sourire de satisfaction cynique à Benghazi. Il n’est pas sûr, comme l’estime John Rosenthal que « d’innombrables vidéos » documentent le traitement des populations libyennes ou africaines noires aux mains des ex-insurgés devenus soudain « révolutionnaires ». Toutes et tous n’ont pas subi le même sort définitif. Mais le symbole aura une portée durable.
Autre son de bottes : il faudrait se préparer à une guerre « asymétrique ». Contre qui au juste ? Contre les loyalistes en débandade ou contre partie des alliés d’hier devenus incontrôlables et dont les yeux se seraient décillés ? C’est toute la question.
« Ce conflit initié par Nicolas Sarkozy, alors qu’il n’avait pas les moyens de sa politique car, tout n’est pas de faire la guerre mais de pouvoir la finir avec une paix durable, a créé une poudrière (…) dans le Sahel, » écrit Allain Jules sur le site québécois Cent papiers. D’une part, c’est encore créditer Sarkozy de beaucoup de latitude d’action autonome même si, effectivement, l’armée de l’air et la marine françaises ne disposent des moyens nécessaires, d’autre part, c’est réduire au Sahel toute la Libye « suspecte ».
Google, ou des officines, peu(ven)t bien reléguer aux tréfonds de ses pages toutes les nouvelles qui « fâchent » dans l’heure qui suit leur diffusion. Ce ne sont pas les communiqués encore triomphalistes de la famille Kadhafi qui inquiètent, mais bel et bien les actualités de sources à peu près fiables provenant du camp « gouvernemental » ou des combattants assiégeant les derniers bastions loyalistes.
Parlons finances
L’une des retombées induites des opérations libyennes, c’est qu’Hugo Chavez, le président du Venezuela, avec peut-être l’assentiment de la Chine et de la Russie, rapatrie 11 milliards d’USD à la banque centrale de Caracas. Depuis les États-Unis et le Royaume-Uni notamment, ou la France (BNP Paribas). Son ministre des finances, Jorge Giordani, propose de relocaliser ailleurs que dans les pays coalisés des divers avoirs vénézuéliens. On le sait, Kadhafi envisageait de créer une monnaie panafricaine. C’est quelque peu plus gênant que les vidéos de Saif al-Islam Kadhaffi brandissant un fusil d’assaut parmi des partisans. Ce qui est tout aussi gênant, c’est que le TNC ajourne sine die la formation d’un gouvernement et que l’un de ses porte-parole réclame des pays coalisés encore davantage d’appui militaire. Mais pourquoi donc ? Uniquement pour trouver des Kadhafi et les exhiber tels un Saddam Hussein ?
L’appel à des aides financières et militaires vise en fait à rétablir au plus vite la fourniture des premières nécessités et à faire en sorte que, si le niveau de vie antérieur n’est pas assez rapidement atteint, les populations soient sous contrôle. Pour le premier cas, c’est encore possible, pour le second, beaucoup moins sûr : la production pétrolière reprend, mais le retour sur investissement promis par Alain Juppé s’éloigne.
Non seulement parce que rétablir le niveau de vie antérieur sera délicat en pleine crise financière, mais aussi parce que déployer des troupes au sol, en uniforme ou non, ne sera pas forcément moins coûteux que la facture, très, très fortement minorée, des opérations aériennes et maritimes.
Certes, les Libyennes et les Libyens sont las des combats. Ils ne vont pas être très rapidement tentés de retourner leurs armes contre leurs propres dirigeants. Mais Benghazi enrôle à présent des femmes dans ses forces armées et de police. C’est peut-être un bon signe pour les droits des femmes, mais c’est aussi une manière de prévoir la sécurisation des localités en vue de dégager des combattants contre… de nouvelles poches d’insurrection, pas forcément pro-kadhafistes.
Fidélités fluctuantes
Le « gouvernement » de Benghazi a fait distribuer 16 millions d’USD à des relais de Sebha (ou Sabha). Les bénéficiaires acceptent volontiers mais « ne veulent pas désarmer », constate Ahmed Bashir, le représentant local de Benghazi. En vue de faire monter les enchères, peut-être.
Les « révolutionnaires » contrôlent plus ou moins la ville, mais évitent de se comporter en troupes d’occupation, laissant pour partie circuler les civils sans armes d’un bord à l’autre.
À Syrte (Syrte ou Surt), les destructions continuent, les frappes se poursuivent, et les assaillants, qui avaient reflués, se rapprochent à dix kilomètres du centre-ville et contrôlent le port.
À Bani Walid, indiquent Libération et l’AFP, « malgré d’intenses tirs d’artillerie, les pro-CNT n’ont pas avancé. ».
Finalement, c’est mieux ainsi : cela permet à Benghazi de masquer les dissensions internes et de proclamer qu’un gouvernement sera désigné « quand tout le pays sera libéré ».
Il serait bien sûr possible de bombarder plus intensément les villes tenues de justesse par les loyalistes. Mais The Australian et The Times (avec Associated Press), rapportent que « les civils fuyant Syrte accusent l’Otan de génocide. ».
« Ils frappent toutes sortes d’immeubles, des écoles, des hôpitaux, » confie Riab Safran, 28 ans, dont il faut espérer qu’il n’a pas été filmé et qu’il n’a pas donné son vrai nom. Mais il sera difficile d’éliminer tous les civils peu (litote) ravis d’avoir ainsi été libérés par les coalisés. Cela laissera des traces.
AP ne sait pas trop ce qu’il convient de penser globalement : « Certains disent que les forces de Kadhafi les forcent à rester en ville, d’autres disent que les résidents ont peur des rebelles, qui sont accusés de se livrer à des rapts de femmes tentant de fuir. ». Des femmes enlevées par des rebelles ? Sans doute encore de la propagande kadhafiste… Mais, bizarrement, la présence de la presse internationale, Al-Jazeera incluse, généralement bien accueillie, n’est pas souhaitée aux abords de certains centres de détention.
« Oui, bah, comme pourrait le dire Bernard Henri Lévy, on ne fait pas une révolution sans casser des œufs… ». Ce n’est pas faux. Et la mémoire finit par s’estomper, comme le souvenir des viols et pillages par les troupes russes, américaines, britanniques et françaises dans l’Allemagne nazie exsangue. Mais il ne faut évidemment pas que des groupes armés perpétuent la mémoire des exactions. Il convient aussi de ne pas trop expurger les anciens tortionnaires, ceux du régime de Kadhafi, ce qui est plus facile : c’est en cours, mais dans la confusion.
Ce serait bien sûr plus souriant si, en Égypte et en Tunisie, le printemps « arabe » portait ses fruits pour les populations. Mais la reprise de contrôle par les nouveaux appareils d’État ne se fait pas sans bavures. Eh, comme dirait sans doute BHL, qu’on n’entend guère sur le sujet, la démocratie à l’occidentale ne s’instaure pas en un jour, ni en cent.
Contagion, comme ils disent
Bizarrement, l’attaque imputée à Aqmi ou Al-Qaïda contre l’Académie militaire de Cherchell (Algérie) a éliminé un commandant tunisien et deux lieutenants-colonels syriens. On ne sait trop qui est derrière le site Magharebia, qui rapporte cette information. Sa filiale, Zawaya, pose la question : « Le chef rebelle touareg Ibrahim Ag Bahanga (…) est récemment décédé dans des circonstances suspectes. Quelle sera l’incidence de [sa] mort sur la stabilité (…) du Sahel ? ».
L’Aqmi et Al-Qaïda ne sont pas toujours celles qu’on croit…
La Lettre du Sud titre « La Libye entre ambitions françaises et projet turc ». Petite incidente de cet éditorial : « Des leçons sont à retenir quant à la versatilité des masses. ». Ce fut « one, two, three, Sarkozy » pour accueillir le président français à Benghazi. Mais Recep Tayyip Erdogan fut lui aussi acclamé « en tant qu’opposant à l’intransigeance israélienne vis-à-vis de la question de l’état palestinien… ».
Bons de guerre
Tiens donc. L’envoi de troupes au sol pour chasser le djihadiste tel le dahu comporte quelques risques. À moins de provoquer quelques attentats contre des populations libyennes, attribués aux djihadistes, ce qui ferait des troupes coalisées des « protecteurs » – mais pour combien de temps ? –, une présence trop visible risque de faire remonter des souvenirs. Ceux de l’occupation italienne, par exemple. Le temps de la mémoire collective libyenne n’est pas celui de l’Allemagne… ni même celui du Japon… deux pays qui ont retrouvé un niveau de prospérité acceptable pour celles et ceux ayant trouvé à s’employer, à reconstruire leurs habitations, à jouir d’un certain bien-être.
Mais vouloir trop vite le « retour sur investissement » espéré par Alain Juppé, et se payer sur la bête libyenne, serait une opération à très haut-risque. Pas seulement sur le pourtour méditerranéen…
Mais bah, avec une bonne crise, une forte récession, voire une bonne guerre plus globale, comme ne le dira pas BHL, mais comme le dit le trader Alessio Rastani à la BBC, il y a de l’argent à faire : « Ce ne sont pas les gouvernements qui conduisent le monde, c’est Goldman Sachs qui gouverne… ».
L’euro remplacé par des « bons de guerre » dans les bas de laine ? Si c’est là le ROI envisagé par Alain Juppé et d’autres, il faudrait peut-être les arrêter à temps…
Voir aussi (ainsi que le commentaire ci-dessous sur le rôle de Takieddine en Syrie et Libye que révèle Mediapart, lequel établit que Takieddine était un représentant personnel de Sarkozy) :
Ouh là, c’est du lourd.
Non seulement [i]Mediapart [/i]établit que Takieddine représentait de fait Sarkozy en personne en Lybie, mais aussi en Syrie. Plus quelques implications sur la société Heine, offshore, que la police luxembourgeoise relie directement à Sarkozy (on ne dit pas si c’est via Clearstream ou par un autre biais).
« [i]Ziad Takieddine parle au nom du président français: « Le Président Sarkozy souhaite qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Il veut absolument faire élire un Président de la République au Liban. Il souhaite élire un Président consensuel choisi par les Libanais. Il souhaite aussi que ce Président de la République puisse être un homme d’envergure et un homme qui n’a pas d’animosité avec la Syrie, qui sera approuvé par les Syriens et leurs alliés.[/i]
“Ceci est la position de la France”, [i]affirme, péremptoire, Ziad Takieddine, soudainement devenu l’ambassadeur secret de l’Élysée[/i]. »
Takieddine touchait lourd. Et Bernard Henri Lévy, dans quasiment le même rôle en Libye, il n’a rien touché du tout, du tout ?
il veut normaliser l’empire romain , l’UpM,
pour l’avoir à sa botte de cuir !
Moi je pense ceci,Sarko et jupé sont des novices qui veulent jouer a la guerre mais qui n’y connaisse rien,comme pour le reste du gouvernement de toute façon il y a qu’un seul décideur sarko juste ou faut c’est lui qui dit et toi tu fait c’est tout tu la ferme ou c’est la porte.A l’approche de 2012 des voies se font entendre a droite pourquoi? car beaucoup risque de perdre leur mandat aux élection législatives,et tout de la faute a Sarko.