Dans quelques jours, plus précisément le mercredi 13 octobre, pour la première fois depuis son élection, le président iranien Ahmadinejad se rendra à Beyrouth pour une visite de deux jours. Séjour qui coïncide avec une période où le Liban traverse une zone de turbulences particulièrement tumultueuse, résultant du clivage prononcé entre partisans et détracteurs du TSL, Tribunal Spécial pour le Liban avec l’acte d’accusation se profilant à l’horizon. En effet, à la demande par le Hezbollah de l’abolition de cette instance "politisée", internationale chargée par l’ONU de juger des assassins de Hariri et des martyrs tombés lors de la révolution du Cèdre s’ajoutent des mandats d’arrêt prononcés par la Syrie contre des membres du parlement proches du premier ministre Saad Hariri, "responsables de la fabrication des faux témoins" : les ingrédients nécessaires et suffisants pour mettre en effervescence le pays dans son ensemble. Sans oublier les pourparlers israélo-palestiniens qui débutent en trébuchant avec l’expiration du moratoire sur le gel des colonisations juives en Cisjordanie occupée et qui augurent du pire…

C’est à plusieurs reprises que Mahmoud Ahmadinejad aurait manifesté son vif désir de venir au pays des Cèdres et sa concrétisation prochaine se prépare minutieusement par des équipes de sécurité déjà présentes sur le terrain. Au programme, une nuit au Sud Liban dans un lieu inconnu, pour des raisons de sécurité. Un discours à Bint Jbeil, village emblématique du Sud pour avoir été le lieu où se prononça le fameux discours dit de victoire de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, lors de la fin des combats israélo-libanais de 2006. Aussi, se déroulera dans le village frontalier avec Israël, Maroun-El-Rass, théâtre de violence lors de la dernière guerre, le coup d’envoi de l’ouverture d’un centre socio-médical iranien. Par ailleurs, il s’entretiendra avec le président de la République Michel Sleiman, le premier ministre, le président de l’Assemblée Nationale et  peut-être avec Hassan Nasrallah. Fortement controversée, cette visite tant attendue par certains, embarasse la majorité parlementaire dont est issu Saad Hariri soutenu par les Etats-Unis et par l’Arabie Saoudite.

 

Une rencontre aurait eu lieu samedi entre le président syrien et le président iranien à Téhéran au cours de laquelle, Bachar Al Assad se serait efforcé de dissuader Ahmadinejad de se rendre au Liban et surtout dans le sud du pays afin de ne pas attiser davantage les tensions existantes. Un petit rappel des faits conduisant à l’émergence de cette forme d’ingérence s’impose. En effet, il semblerait que la racine des maux se situerait dans l’illogique répartition des pouvoirs fixée sur une base confessionnelle datant de 1943, après le Mandat français, et issue d’une loi non écrite, le Pacte National, conférant la présidence de la république à un chrétien maronite, le poste de premier ministre à un sunnite, la présidence du parlement au dernier c’est-à-dire, le chiite. Système duquel découleront les pires dérives favorisant les uns par rapport aux autres par la création de réseaux, d’institutions tels écoles, hôpitaux, etc sur base confessionnelle. Résultat, marginalisation criante des chiites.

 

Ainsi à leurs marginalisations économique, politique, viendra se greffer leur confrontation avec le problème palestinien, cibles des bombardements israéliens car cohabitant dans les mêmes banlieues miséreuses, lors du déferlement des réfugiés. La prise en compte des problèmes de ces opprimés apparaîtra en 1974 avec l’organisation baptisée mouvement des déshérités sous l’égide du charismatique Moussa Sadr parrainé par Téhéran et qui disparaîtra dans des conditions mystérieuses en 1978, lors d’un voyage en Libye. L’invasion israélienne du Liban en 1982 constituera un fort catalyseur pour faire éclore le parti successeur,  le Hezbollah, mais qui ne s’officialisera qu’en février 1985 par la publication de "la lettre ouverte pour les opprimés du Liban et du monde entier". De plus, la problématique territoriale visant à préserver le pays de l’occupation israélienne séduira une grande partie de la population.

 

Capable de déloger en 2000 les Israéliens du Liban après 18 ans d’occupation, le Hezbollah verra grandir sa popularité. Ainsi en sera-t-il de même en 2006 lorsqu’il s’obstinera à ne pas baisser les bras devant l’ennemi. Il ne manquera pas de multiplier les actions caritatives en faveur des plus démunis notamment par le financement des reconstructions de logements bombardés.

 

Cependant, le Hezbollah s’est toujours montré en faveur d’une politique pluri-confessionnelle concrétisée par la participation de toutes les communautés à la gestion du pays, tous acteurs sur la scène politique. Pourquoi serait-il comme le laisse sous entendre certains, le cheval de Troie de Téhéran ? Pourquoi troquerait-il sa popularité fondée sur une ouverture d’esprit contre un sectarisme capable de mettre le chaos dans le pays et de lui faire perdre d’une manière irréversible sinon l’intégralité du moins la majorité de ses partisans ?