Un peu de philosophie grecque pour discuter pendant les longues soirées d’hiver ! Attention, la philo n’est pas une purge, il suffit de la désacraliser, vous allez voir…

Grand débat : l’homme est-il naturellement bon et perverti par la société ou mauvais et rendu fréquentable par elle ?

Expérience : mettez deux enfants dans un parc, suffisamment jeunes pour n’avoir jamais vu un manga, une arme ou George W. Bush. Mettez un jouet, un beau camion rouge, mais UN seul. Et observez… Pas question de prêt, pas question d’élaborer un jeu pour jouer ensemble. Des cris, des pleurs et si personne n’intervient, des coups pour le plus rapide des deux. Pour reprendre un grand sage (;-)), à sa prochaine mise de force derrière des barreaux et face à celui qui est désormais son ennemis juré, le "frappé" donnera des coups de camion sur la tête du premier "frappeur"…



Mais c’est quoi cet anneau ?

A la base, c’est une fable contée par Platon dans "La République". Elle raconte l’histoire de l’initialement brave Gygès qui trouve une bague dont le châton, tourné vers l’intérieur de sa paume, le rend invisible. Il devient, grâce à ce don, messager au palais royal. Il y séduit la reine et avec sa complicité, assassine le roi pour prendre le pouvoir. Avec une telle "arme", rien ni personne ne peut plus lui résister.

La question platonicienne

Un homme vraiment juste existe-t-il ou est-il simplement trop peureux pour commettre des actes répréhensibles, prendre le risque d’être vu et d’être puni ? Si l’impunité totale existait, respecterions-nous simplement les lois ? Pas certain… En ces temps de crise, si vous possédiez cet anneau et l’enfiliez pour aller faire vos courses, choisiriez-vous entre le riz et les pâtes ou vous "offririez-vous" des produits de luxe ? Réfléchissez bien avant de répondre…
A moins d’être un croyant convaincu qui est persuadé que quoi qu’il fasse "Quelqu’un" le regarde de là-haut, dans nos sociétés, c’est surtout le regard des autres que l’on craint, leur jugement et leur punition humaine…

L’homme juste et l’homme injuste

Avant de devenir intouchable, un homme peut être "juste", c’est-à-dire ne pas commettre d’exactions par simple empathie, par compréhension de l’autre et de ce que ses actes peuvent provoquer pour autrui. Devenu "invisible", que ce soit au sens strict comme dans le mythe ou trop puissant pour être puni, il peut devenir "injuste" car il n’a même plus conscience de ses actes ni de leurs conséquences. La phrase "clef" des exécutants nazis n’était-elle pas "J’ai obéi aux ordres" ? Aux ordres de qui ? De l’invisible, du puissant, de l’"injuste" qui le devient par procuration.
L’homme juste, même s’il commet le pire, ressentira du remord, alors que l’injuste, tel que Gygès, se gaussera de ses méfaits et cherchera à en faire davantage. Où pensez-vous vous situer ??

Application à l’adultère

Souvent, les amants se disent que tant que l’Autre n’est au courant de rien, il ou elle ne pourra pas souffrir de la situation. Tromper sans être pris, ne jamais Lui donner les moyens de douter et donc d’avoir mal, c’est avoir l’anneau de Gygès à son doigt… Mais qu’en est-il de la morale ? Tout est question de personne ! On peut estimer que si personne ne souffre, selon l’expression consacrée: "Il n’y a pas de ma à se faire du bien", mais on peut aussi considérer que le mensonge, la trahison, même si rien ne transpire jamais, sont moralement condamnables…

A propos de cette fameuse morale…

D’où vient-elle, cette petite bête qui vient nous pourrir la vie quand on veut juste échapper au quotidien ? En premier lieu, de notre éducation judéo-chrétienne qui sévit même dans les familles qui ont tourné le dos à toute religion. "Fais pas ci, Fais pas ça !" : mais pourquoi donc ? Parce "ça ne se fait pas". La morale a défini la norme, les dix commandements pour certains, les 613 pour d’autres, sont ancrés dans la conscience collective. "Tu ne tueras point" : mais pourquoi donc ? Si quelqu’un m’embête, hop, comme dans les jeux vidéos : éradiqué ! Eh bien non, ça ne marche pas comme ça. Peur du jugement, peur de la sanction, encore et toujours. Mais en étant absolument certain de ne jamais se faire arrêter, hésiterions-nous longtemps ? Cet huissier qui nous réveille à 7h30 pour faire une saisie, ce commerçant qui vous rend la monnaie sur 5€ alors que vous lui en avez donné 20 et qui n’en démord pas, ce policier qui vous demande vos papiers d’identité alors que vous venez signaler le vol de TOUT le contenu de votre sac (du vécu, on en rit encore !), ça ne vous donne pas des petites envies ? Mais il y a une peur que l’on oublie : la peur de soi-même. La peur de ne plus être quelqu’un de bien, de ne plus retrouver votre place parmi les gens, nous y revoilà, "normaux", l’idée d’anéantir une vie et par conséquent plusieurs, même en étant invisible et intouchable…

Alors l’homme est-il un bon sauvage ou une sale bête, à vous de trancher, à vous de vous poser la question… A ce jour, elle n’est tranchée ni par les philosophes ni par les psys !