Partout dans le monde, des manifestants sortent dans les rues pour protester contre les violences commises par l'État chinois contre les Tibétains. Pour beaucoup d'Occidentaux, aidés en cela par les images dont nous abreuvent nos médias, on assiste à la répression sanglante d'une protestation pacifique contre l'autorité chinoise, tandis que pour la majorité des Chinois, ce qui s'est passé à Lhassa, c'est une explosion d'une violence incroyable contre certains de leurs concitoyens installés au Tibet.

Évidemment, sous nos latitudes, on plaint les pauvres Chinois tenus à l'écart de la vérité par une presse soumise à Pékin. Ainsi, on a foi en nos propres médias sans jamais nous questionner. Et pourtant, un autre son de cloche commence à se faire entendre.

Il y a d'abord eu les interviews de touristes occidentaux revenant du Tibet qui ne parlaient jamais de violence policière, même s'ils évoquaient les arrestations musclées d'émeutiers particulièrement violents. Un touriste canadien témoin des émeutes de Lhassa a même dit que c'étaient les émeutiers qui attaquaient les civils et les agents de police, reconnaissant que la réponse policière aurait été plus sévère si tout cela s'était produit dans des pays occidentaux.

Voici maintenant que l'on publie enfin les propos de James Miles, journaliste britannique travaillant pour l'hebdomadaire The Economist, qui était un des rares journalistes occidentaux présents à Lhassa lors des émeutes des 12 et 13 mars. Je vous livre quelques extraits révélateurs de son intervention sur les ondes de la télévision américaine CNN.


« Les émeutes se sont étendues dans la rue principale de Lhassa au début de l'après-midi. Elles avaient commencé un peu avant dans une rue proche, quand deux moines avaient été battus par les forces de sécurité. Une foule de dizaines de personnes se livre à des saccages le long de cette rue, certains hurlant alors qu'ils jetaient des pierres contre des magasins appartenant à des Chinois et aussi sur les taxis dont la plupart des chauffeurs sont chinois. »

« Les émeutes se sont rapidement propagées à travers les ruelles sinueuses de la vieille ville. Dans ces rues, on trouve de petites échoppes appartenant à des Chinois ou à des membres du peuple hui (minorité musulmane arrivée il y a 900 ans au Tibet). »

« Des foules se sont rassemblées, apparemment spontanément, dans de nombreuses parties du quartier. Elles ont attaqué les boutiques appartenant à des Chinois. Tout, de la viande au linge, a été jeté dans des bûchers. Les émeutiers ont pris plaisir à jeter dans le feu des bombonnes de gaz et à courir se mettre à l'abri quand elles explosaient. Quelques-uns criaient : vive le Tibet indépendant. »

« Durant des heures, les forces de sécurité n'ont rien fait. Mais de nombreux Chinois qui vivaient au-dessus de leur boutique ont dû fuir. S'ils ne l'avaient pas fait, il y aurait eu plus de victimes. Le gouvernement affirme, de manière plausible, qu'il y a eu 13 personnes tuées par les émeutiers, la plupart dans des incendies. Celles qui sont restées dans leur logement ont gardé les lumières éteintes pour éviter d'être repérées. »

« La destruction a été systématique. Les émeutiers ont attaché des foulards blancs traditionnels à tous les commerces et aux bureaux des hommes d'affaires 100 % d'origine tibétaine. Ceux-là n'ont pas été ciblés. Par contre, tous les autres ont été la cible d'attaques violentes, de pillages et leurs biens furent jetés dans la rue et brûlés. C'était une explosion extraordinaire de violence ethnique d'une nature fortement déplaisante à voir qui a surpris plus d'un Tibétain qui les regardait. Il est vite devenu difficile de circuler dans les ruelles à cause des marchandises éparpillées. »

« J'ai vu les émeutiers, dont certains portaient le sabre traditionnel tibétain, jeter violemment des pierres sur un enfant d'une dizaine d'années qui passait à bicyclette. Je me suis heureusement interposé. »

« Quand les résidents ont commencé à se risquer dehors, le 17 mars, l''étendue des dégâts provoqués par les émeutes est apparue. De nombreuses propriétés appartenant à des Chinois, bien au-delà du quartier tibétain, avaient été attaquées. De nombreux immeubles avaient été livrés aux flammes… »

Concernant la réponse des autorités chinoises à ces atrocités, le récit de James Milles est encore plus étonnant :

« La réaction des policiers et des militaires était inattendue, puisque personne ne réagissait, dans une espèce d'indécision surprenante sans doute causée par la pression exercée par les Jeux olympiques. Dans un premier temps, ce que j'ai vu, c'est une absence complète de réaction de la part des autorités, elles étaient comme paralysées, se demandant que faire devant une telle situation. »

Ces révélations, si on leur prête foi, jettent un autre éclairage sur des événements dont nous sommes trop éloignés pour nous rendre compte de visu, ce qui permet au média toutes les manipulations.

Bien sûr, la majorité d'entre vous va crier au scandale, me dire que tous les journaux soutiennent la même thèse et que l'on ne peut croire ce seul James Miles, ou quelques touristes hagards… Que dire alors de la condamnation des violences faite par le Dalaï-Lama lui-même, qui va jusqu'à menacer de renoncer à sa charge spirituelle si les émeutiers tibétains ne stoppent pas immédiatement leurs actions violentes ?

Et pourquoi passe-t-on sous silence les excuses présentées par des médias allemands qui reconnaissent avoir " involontairement " déformé les faits lors de la couverture des émeutes à Lhassa ?

Les deux médias en question, N-TV et RTL, ont utilisé des images filmées au Népal le 17 mars, où les forces de sécurité népalaises armées de matraques affrontaient des manifestants munis de bâtons, pour les présenter le 20 mars en illustration d'un reportage sur les émeutes au Tibet.

Le journal allemand der Berliner Morgenpost a lui publié une photo sur laquelle on voit des policiers porter secours à un jeune chinois agressé par des émeutiers, mais en y plaçant la légende suivante : « un insurgé arrêté par la police ».

Et les exemples sont légion. Attention, par ailleurs je n'approuve aucunement les violations flagrantes des Droits de l'homme en Chine, mais rien, absolument rien ne permet de justifier les violences contre des populations civiles innocentes.

Ainsi, même si l'on peut refuser l'invasion chinoise au Tibet, rien n'autorisait les émeutiers à s'attaquer aux Chinois de Lhassa… parmi lesquels, peut-être, certains avaient fui la Chine lors des massacres de la place Tien-An-Men !

Et si vous me permettez ce parallèle, j'ose affirmer que l'on ne peut critiquer les actions d'Israël sans critiquer de même les actes terroristes du Hesbollah, ou condamner certains agissements des forces armées colombiennes, sans accuser pareillement les actes barbares perpétrés par les FARC.

J'en appelle donc aux médias qui nous rendent compte de ces graves événements auxquels nous n'assistons pas, et à qui nous nous fions pour nous forger une opinion : respectez la neutralité que vous impose votre profession en nous laissant choisir notre camp !