À qui revient le droit de décider du droit de quelqu'un de se faire euthanasier ? Qui est maître de nos vies si, en phase terminale, nous ne pouvons pas devancer notre mort si nous le désirons ?

Chantal Sébire est atteinte d’un esthésioneuroblastome, une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale extrêmement douloureuse. Elle se dit «au bout du rouleau» et pour cette raison, elle demande au tribunal de la France de lui permettre d’être euthanasiée. Elle préfère ne pas avoir à se déplacer dans un pays où l’euthanasie est légale puisqu’elle souhaite mourir avec dignité accompagnée de ses proches.

Appuyé dans sa requête par l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Mme. Sébire souhaite faire appliquer la loi Léonetti, selon laquelle un malade en fin de vie est en droit de refuser un traitement et est en droit de demander l’administration de médicaments anti-douleur même si cela représente un danger pour sa vie. La loi ne permet pas en soi de la mise à mort du malade. La requête n’a donc, juridiquement parlant, presque aucune chance d’aboutir.

Le président du tribunal a mis son jugement en délibéré au Lundi 17 mars. Cela relance donc ce vieux débat qu’est le droit à l’euthanasie ou au «décès dans la dignité».

L’euthanasie, bien ou mal? Le mal, c’est quand nous décidons d’agir contre nos propres lois morales, c’est quand nous décidons d’agir mal, selon Kant. Le bien ou le mal est donc très relatif à la personne qui le regarde. Si une personne veut se faire euthanasier, ce qui est un acte irréversible, les motifs de ce choix de sont pas mal puisque personne, à moins peut-être d’éprouver une grande haine envers soi-même, ne veut son propre mal. Il n’en revient donc à personne d’autre que la personne concernée de choisir si son euthanasie est bien ou mal.

Qu’est-ce que l’euthanasie? Un meurtre? Un suicide? Un acte de compassion? Dans les pays où elle est légale, on accepte d’euthanasier un patient lorsque le médecin : «a acquis la conviction que le patient a formulé sa demande librement, (…) que ses souffrances étaient sans perspectives d’amélioration et insupportables, (…) qu’il a informé le patient de sa situation et de ses perspectives, (…) qu’il est parvenu, en concertation avec le patient, à la conviction qu’aucune autre solution n’était envisageable, (…) qu’il a consulté au moins un autre médecin indépendant. »

Donc, en résumé, une demande d’euthanasie est acceptée si les souffrances sont devenues insupportables et que l’état de santé du patient n’a aucune chance d’être amélioré. Dans cette perspective, l’euthanasie ne fait que devancer l’inévitable (la mort) et épargner d’avantage de souffrances quand le souhaite de la personne. Pourtant, le débat est toujours en cours aujourd’hui à savoir si l’euthanasie est «bien» ou «mal» et si on doit l’accepter. Pourquoi ce débat existe-il toujours? Qu’est-ce qui fait croire à ces gens qui le mènent qu’ils ont des droits suffisants sur la vie d’autrui pour brimer sa liberté à un point tel qu’ils peuvent s’imposer au désir de quelqu’un de mettre fin à ses jours? Il ne s’agit même plus d’empêcher une personne de se donner la mort puisque sans l’euthanasie, ceux qui le peuvent auront souvent recours au suicide tout simplement.

Est-ce qu’une personne suicidaire a besoin de la permission de quelqu’un d’autre afin de se suicider? Pourquoi, donc, devrait-elle avoir la permission de la société entière afin de se faire euthanasier? L’euthanasie n’est-elle pas une forme de suicide plus doux, plus digne? L’indignité, c’est d’être considéré comme quelqu’un qui n’est pas apte à choisir sa mort. Qui l’est alors? Qui sont ces gens, ceux qui mènent le débat sur l’euthanasie, pour vouloir le pouvoir d’établir que si quelqu’un veut mourir, en phase terminale, qu’il doit le faire dans la souffrance ou encore qu’il doit souffrir tout ce qu’il peut souffrir avant de mourir ?

Puis, pour ceux qui ne peuvent se suicider eux-mêmes, par exemple, les tétraplégiques, pourquoi leurs limitations physiques devraient-elles les empêcher de se suicider selon leur désir, en plus du fait que ces limitations physiques sont la cause de ce désir de mourir? Les médecins seraient toujours libres de décider s'ils veulent pratiquer l'euthanasie, donc, prendre la «responsabilité» de la mort de quelqu'un, ou non. Les groupes anti-euthanasites n'ont rien à faire dans les choix personnels que les gens font à propos de leur vie!

N'est-ce pas TRÈS égoïste que de vouloir garder en vie et en souffrance un proche?

Ceux qui croient que de légaliser l'euthanasie ferait déraper les choses et que tout le monde pourrait trouver un moyen de se faire euthanasier… De quoi avez-vous peur? Que vous ou vos proches décident sur un coup de tête de se faire euthanasier? Les médecins ne sont pas stupides. Laissez faire aux hommes de loi et aux médecins leur travail de déterminer qui est admissible à l'euthanasie et qui ne l'est pas. Ils sont beaucoup plus qualifiés et sauront établir des barèmes stricts, au risque de l'être trop.