C’est tout de même un peu dangereux de partir comme je le fais. C’est là que l’on comprends que certains descendent chercher un paquet de cigarettes et ne reviennent jamais.
Il arrive sans doute dans la vie une sorte de point de non-retour qu’un simple évènement, une dispute de plus, fait franchir… ou même pas une dispute, un ennui latent, celui qui persuade que cette soirée encore se déroulera assis stupidement à regarder une émission ou un film tout aussi stupide, et que demain…. ce sera pareil et indéfiniment…
A un moment, on doit se dire que ce n’est plus possible de repasser la porte une nouvelle fois, de se retrouver entre quatre murs, avec les mêmes problèmes sans solutions autres que la blessure de l’autre et de soi-même.
Les voyages sont dangereux pour le moral à certains moments de la vie, je trouve… surtout ceux que l’on fait en solitaire, et ceux que l’on fait pour fuir quelque chose consciemment ou pas…
 
certains choisissent l’alcool, la drogue, ou la dépression, je choisis… un billet de train….
 
Dans le train, j’ai eu tout le temps de lire un livre assez triste en fait. Cela se passe dans le monde rural avant 1945, il fallait que les femmes s’occupent intensément afin qu’elles n’aient point le temps de réfléchir… c’était plus sûr (idem pour les hommes mais à d’autres activités, quoique qu’il était toléré qu’ils passent quelque temps au café à discuter – les femmes discutaient aussi, les mains dans l’eau, au lavoir…). L’école les instruisait dans le but de les sortir d’un milieu, leur faisait miroiter monts et merveilles, leur donnait accès à la lecture, pour à 14 ans les renvoyer dans un monde où elles n’auraient pas de liberté réelle ni gratuite, juste un rôle à tenir. Dans le livre, cette femme finit, après son quatrième accouchement, par s’ouvrir les veines. Sauvée de justesse, elle est internée illico et mourra de faim à l’asile sous le régime nazi…
la deuxième partie du livre raconte l’histoire de son dernier enfant, qui a eu la chance d’être élevé dans une famille aimante, mais cela ne lui empêchera pas une certaine souffrance, dont il ne pourra se délivrer en partie que par l’écriture. Cette mère sacrifiée restera pour lui un maillon manquant.

 

LAMBEAUX de Charles Juliet/ Ses réflexions jusqu’à l’aboutissement de son projet d’écriture sont assez intéressantes.

 
 

Page 116

« …. Pourtant, tu te surprends  parfois à songer que tu aimerais devenir un écrivain. Mais prenant aussitôt conscience du lieu où tu te trouves, de l’entourage qui est le tien, de l’avenir tout tracé qui t’attend, tu es très vite ramené à la réalité, et pour te punir de caresser un rêve aussi extravagant, tu t’insultes, te couvres de sarcasmes."

 

Page 126

« Jamais tu n’as connu une telle angoisse. Ta volonté ne peut rien contre ce besoin qui s’est emparé de toi et qui vient tout bouleverser. Un besoin de tu ne sais quoi, mais qui te pousse à réfléchir, lire, t’interroger, te demander entre autres choses si la vie a un sens. »