Le président du Sri Lanka a promis cette semaine une victoire militaire "totale" et rapide sur les rebelles séparatistes tamouls qui subissent une déroute militaire sans précédent.
Plus de 3.700 civils tamouls au Sri Lanka ont fui vendredi et samedi la zone de guerre où s'affrontent l'armée gouvernementale et un dernier carré de rebelles séparatistes tamouls dans le nord, a affirmé la radio publique.
De son côté, l'armée sri-lankaise affirme voler de victoire en victoire… Hier, elle s'est emparée de Chalaï, la dernière base navale des rebelles tamouls du LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul). Mardi, elle avait pris le contrôle du bunker du chef des Tigres et de la dernière piste d'aviation des rebelles dans le nord de l'île. Désormais, les ultimes carrés rebelles sont acculés sur 200 km2 de jungle dans le nord-est de l'île.
Alors qu'une vague d'émotion monte à l'étranger –le pape a appelé au respect du droit humanitaire et 20.000 personnes ont manifesté pour les Tamouls en Europe– le Premier ministre sri-lankais Ratnasiri Wickremanayake a tendu la main aux combattants des Tigres. "Des groupes de gens participant à des activités terroristes dans le nord sont prêts à se rendre. C'est une sage décision et nous sommes disposés à les accueillir", a-t-il déclaré au Parlement.
Les affrontements actuels se déroulent dans une zone où sont pris au piège environ 200 000 civils tamouls. Des centaines ont été tués depuis le 1er janvier, selon l'Onu et le Comité international de la Croix-Rouge. Ce bilan est peut-être plus lourd ; mais il est invérifiable puisque les ONG et la presse n'ont plus accès aux zones de combat. Selon les autorités de Colombo, dont au moins trois divisions encerclent la dernière enclave rebelle, les Tigres utilisent ces réfugiés comme des « boucliers humains ». Les rebelles répliquent en accusant l'armée de tirer « à l'aveuglette » sur les civils qui tentent de fuir la zone boisée où ont lieu les affrontements. Hier, 700 d'entre eux ont réussi à gagner les lignes gouvernementales.
Lors d'une conversation téléphonique de 15 minutes avec Ban Ki-moon, le président Mahinda Rajapaksa a assuré que l'offensive "serait menée sans harcèlement de la population civile". Toutefois, le Sri Lanka a rejeté les appels au cessez-le-feu pour laisser fuir les civils, lancés notamment par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada.
Pour le régime sri-lankais, en guerre contre les Tigres depuis 1972, la victoire finale est aujourd'hui à portée de main. « Les ombres du terrorisme ont presque été dissipées. Les Tigres seront complètement battus dans quelques jours » a affirmé le président.
Le conflit ethnique remonte en fait à l'indépendance du pays en 1948: la majorité cingalaise, bouddhiste, a pris le pouvoir après plusieurs décennies de domination britannique favorisant les tamouls, essentiellement hindouistes. Mais la guerre civile a véritablement éclaté en 1983 lorsque l'organisation des Tigres de libération de l'Eelam tamoul a tué 13 soldats dans une embuscade, provoquant des émeutes anti-tamouls dans la population cingalaise, qui ont fait quelque 2.000 morts.
Sur une population sri-lankaise d'environ 20 millions d'habitants, les tamouls représentent environ 18%, les cingalais environ 74%, le reste étant principalement constitué par la communauté musulmane.
Certes, certes mais n’oublions pas qu’il y a une importante communauté tamoule dans le sud de l’Inde, ainsi que des bases militaires des tigres dans le Sud de l’Inde.
C’est en définitive l’Inde la superpuissance régionale qui décide de l’issue du conflit….
Le nombre total de locuteurs tamoul est évalué [b]à 74 millions[/b], d’après l’édition de 1999 du World Almanac.Le tamoul appartient à la famille des langues dravidiennes. [u]C’est une des plus anciennes langues au monde[/u] toujours utilisées, restée quasiment inchangée depuis 2500 ans.La langue comprend cependant de nombreux dialectes assez éloignés les uns des autres.
la guerre oubliée
Totalement quadrillé par les deux armées depuis le début du conflit, ce bout de territoire, dernier carré contrôlé par les Tigres tamouls, ne connaît plus de répit. Ce sont plus de 150 000 civils qui, aujourd’hui, vivent sous des bombardements et des tirs continus sans aucune possibilité de quitter la zone.
D’après l’ONU, [b]2 800 personnes sont mortes depuis le début du conflit.[/b] Sur le Net, de nombreuses photos et vidéos sont postées par les deux camps pour témoigner de la dureté du conflit. Attention, en visionnant cette vidéo mise en ligne par des Tamouls vivant en exil, il faut garder à l’esprit que la zone de combats est bouclée et que très peu d’informations filtrent. (Voir la vidéo)
Malgré des appels de l’ONU au cessez-le-feu, la situation reste très critique. Une trève de courte durée a été ordonnée par la présidence en début de semaine pour les fêtes du Nouvel an mais les combats ont déjà repris.
D’un côté, les Tigres tamouls n’autorisent pas les civils à quitter la région de Vanni ; de l’autre, l’armée gouvernementale n’a pas l’intention de prendre la voie des négociations, certaine que cette guerre est celle qui viendra à bout des LTTE.
A la fin du mois de mars, le président Mahinda Rajapaksa avait déclaré que les combats ne cesseraient qu’avec l’éradication de la guerilla :
« Nous ne céderons à aucune pression, qu’elle soit locale ou internationale, et nous n’en aurons fini qu’une fois la guerre complètement achevée. »
La Croix Rouge a évacué 8000 personnes par la mer
Parmi les ONG présentes au Sri Lanka, seul le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a un accès restreint à la région du Vanni. Depuis le 10 février, la Croix Rouge a évacué quelques 8000 personnes (malades, blessés) par la mer et ne peut apporter qu’une assistance très réduite aux 150 000 civils restés dans la zone.
Sur le site de l’ONG, Martin Hermann, chirurgien du CICR, décrit l’état des personnes évacuées :
« Etant donné le grand nombre de personnes nécessitant des soins médicaux dans la zone de conflit et la pénurie de fournitures médicales, de nombreux patients arrivent à Trincomalee dans un état d’épuisement total, déshydratés et très souvent trop faibles pour bouger
Depuis le début de l’insurrection de 1983, les Tigres n’ont jamais été en si mauvaise posture. Le LTTE avait été présenté par les experts, ces dernières années, comme la guérilla la plus efficace du monde. Elle avait réussi à édifier une mini-armée conventionnelle, disposant d’une marine (les Tigres des mers) et d’une aviation (les Tigres de l’air), sans toutefois renoncer à des unités non conventionnelles comme ses commandos-suicides (les Tigres noirs). Mais l’inflexibilité de son chef, Vellupilai Prabhakaram, hostile à tout compromis en dehors de l’option indépendantiste, a attisé des dissensions internes que le gouvernement a su habilement exploiter. La défection en 2004 d’un commandant de la région Est, le « colonel » Karuna, a ainsi porté un coup très dur à l’appareil militaire des Tigres. L’isolement international croissant du LTTE, qualifié d' »organisation terroriste » par les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Inde, n’a fait que précipiter l’affaiblissement de la rébellion. Dans ce contexte, le président Rajapaksa, qui pense que les Tigres sont à la merci d’une dernière estocade, n’est sûrement pas disposé à relâcher la pression.