Avec Spirales, une histoire du monde (éds Édite, Paris, sept. 2008), Jean-François Lecompte quitte peu le domaine de l’ésotérisme, lequel lui est familier en tant qu’historien du genre pour la période médiévale. Mais il élargit largement le propos à bien d’autres périodes et secteurs d’investigation. Issue d’une abondante recherche iconographique, son œuvre est sans doute, pour le profane, l’un des meilleurs points d’entrée pour parvenir derrière le miroir. Ou tout simplement pour ne plus être un touriste « idiot » contemplant des sites, des monuments ou des peintures ou gravures ou statues « sans les voir ».
Ma rencontre avec la spiritualité et l’ésotérisme ne date pas de mes années de catéchisme ou d’écoles et collèges catholiques, mais du tout début des années 1980, à Besançon, en compagnie de Jean-Marie Pierret. La revue Symboles le donne pour un « alchimiste opératif », ce qui se conçoit si ses œuvres, telle la Tour brisée de Belfort, Le Géant de Tignes (Atlas retenant la poussée des eaux du barrage), Le Verseau de la tour de refroidissement de la centrale nucléaire de Cruas, sont des réalisations opératoires. Il s’agit de fresques hyper monumentales pour lesquelles il a créé une technique de découpage qui lui est restée propre avant d’en inspirer d’autres.
Pour moi, face au balcon goliard de Besançon, dit du Saint-Esprit, sujet de l’un de ses livres, et à l’écart entre les boucles gravées qu’il convenait de « lire » pour trouver le sens d’escarboucle, il m’avait semblé plutôt contemplatif.
Il m’expliquait aussi placidement et légèrement que possible que le symbolisme était une autre façon de penser, de réfléchir, de méditer. Ce qui bien sûr guide l’action. J’allais aussi retrouver le plus fameux de ses trois livres (l’un étant consacré au décryptage du fameux balcon, chargé de symboles et de jeux visuels valant discours et jeux de mots) à la faveur de la lecture des Spirales de Jean-François Lecompte…
Jean-Marie Pierret, dans La Ville d’or ou l’alchimie d’une ville, qui est une série de planches superposant diverses périodes et étapes urbaines de Besançon – où il résidait alors –, considère que des lieux semblent voués à tel ou tel type d’activité. Églises ou couvents sur d’anciens lieux de culte, hôtel de police là où étaient encasernés des archers du guet, &c.
Jean-François Lecompte, dans Spirales, relève des similitudes en d’autres lieux ou localités, mais surtout considère que tel ou tel type d’énergie tellurique a influé sur l’implantation de lieux de cultes ou d’activités.
Ma rencontre avec Jean-Marie Lecompte doit tout au hasard, au voisinage, ou, enfin, on peut le concevoir ainsi. Il venait de sortir un L’Affaire Dolet, sur l’imprimeur de par la grâce de François Ier qui ne put le sauver de la clergie et du bûcher. La pile de ses exemplaires d’auteur, dans ce restaurant où nous avions nos habitudes sans jamais nous rencontrer, attira mon regard. Dolet, je connaissais.
Je lui ai passé mon Femmes & métiers du Livre, et il m’a retourné la politesse avec cette dédicace évoquant la « plongée dans le grand tourbillon des spirales, où les infinis se rejoignent, le grand et le petit, pour marquer la trace de la Mère-loi ». Le livre n’est pas du tout de cette eau-là, car il est bien moins lyrique. Sauf en de rares instants. L’ouvrage ne s’adresse en effet nullement aux spécialistes et ne tente surtout pas de convaincre sceptiques ou athées ou francs-maçons agnostiques de quoi que ce soit. C’est un ouvrage de vulgarisation abondamment illustré (le choix a pourtant été draconien, l’auteur ayant matière pour deux, voire trois autres volumes aux photos ou dessins toujours rigoureusement sélectionnés). Jean-François Lecompte ne cherche pas plus à vous persuader que les religions sont des formes abâtardies de la spiritualité qu’il ne veut vous convaincre qu’elles sont son prolongement.
Spires et torsades, labyrinthes et dragons…
Je regrette souvent que, lorsqu’un·e auteur·e prend le soin de détailler une table des matières, on ne la retrouve pas sur le site de l’éditeur. Là, je vous en consigne un court abrégé, en sautant des entrées.
• La spirale, forme naturelle
(notamment en anatomie animale et humaine, en topologie, &c.)
• L’homme, la spirale et les éléments
(médecine chinoise et support d’abstractions, spirale des vents, galaxies)
• Spirale, espace, temps et énergie
(zodiaque, dragons, arts primitifs, temps navajo, &c.)
• Bestiaire fantastique
(dragons et légendes chrétiennes ou autres, architecture, animaux fantastiques, licornes…)
• Les personnages fantastiques et religieux
(Mélusine, Méduse, christs représentés, crosses épiscopales, spirale et méditation)
• La spirale dans le monde concret
(labyrinthes, jeu de l’oie, sites géographiques, architecture : clochers tors, escaliers à vis, œuvres en fer forgé, maisons d’alchimistes)
• Aspects de la spirale dans le monde contemporain
(art brut et contemporain, cercles de moissons, équation de Zoran)
• Signes & symboles
(alphabet, clés musicales, éléments mathématiques)
On passe des cornes des narvals aux colonnes torsadées, des tatouages des Maoris à la Sainte-Face de Claude Meillan (1649). À propos de cette dernière, tracée à l’aide d’une seule spirale partant du bout du nez, je me demande comment, chez l’éditeur ou l’imprimeur (Corlet), on est parvenu à rendre si perceptible ce… eh non, ce n’est pas un « détail ». Toutes les illustrations ont fait l’objet d’un soin prépresse très attentif (surtout, évidemment, quand il a été possible d’obtenir des vues originales des musées ou de reproduire des photos).
Ces quelque 220 pages ne lassent jamais, et c’est vraiment un livre à s’offrir et à offrir sans restriction. Je l’écris d’autant plus aisément que ce n’est pas tout à fait ma culture (bon, allez, j’aime bien le Hugo Pratt de Corto Maltese à Venise, les BD sur les templiers, et j’imagine que le Da Vinci Code doit être une lecture captivante, mais peu me chaud). En revanche, un auteur qui termine par deux images, l’une du cheminot à crosse étrusque (ou épiscopale, mais en bois), colporteur de La Gazette d’Henri Vincenot (auteur du « spiralé » Pape des escargots), et l’autre de la panse du père Ubu de Jarry, un tel auteur ne peut m’être tout à fait étranger.
Un petit regret. La suite de Fibonacci est un peu moins connue que le nombre d’or cher au Titien et à Michel Ange. Alain Hurtig aurait sans doute pu expliquer à l’auteur et à l’éditeur qu’elle a servi et sert encore pour les tracés régulateurs d’empagement, dont il traite assez magistralement sur son site, et notamment pour son Hermès dévoilé (de Cyliani, qui confectionna le mercure des philosophes aux temps des Lumières). Évidemment, avec ce dispositif, proposer ce Spirales, une histoire du monde en 220 pages à 28 euros seulement devenait ce qui s’apparenterait à de la vente à perte.
L’Atelier du NomanSland, îlot de résistance onirique, qui aurait pu se fendre d’un colophon listant les polices employées, mais est pardonné pour avoir créé les cartes postales d’Europe écologie (« En juin, je vote bien »), a répondu, avec Sophie Clothilde, à la demande de manière économique et élégante.
Ce n’est pas tout à fait du côté de Jean-François Lecompte et de cet ouvrage qu’il faut s’intéresser d’urgence à l’ésotérisme et à la symbolique, mais peut-être de celui de Manuel de Diéguez qui répercute un Barak Obama en Égypte : « je serai assassiné ».
Pourtant, à sa manière, Jean-François Lecompte fait aussi de l’anthropologie critique. Mais plutôt en pédagogue agissant par petites touches, laissant à chacun le loisir de chercher sa voie ou de se livrer à d’autres occupations ; tandis que l’imprécation sied bien à Manuel de Diéguez. On laissera à ce dernier le « décryptage théopolitique de l’Histoire » et à Jean-François Lecompte son humble et discrète quête érudite. L’un expose les mythes sobrement, l’autre s’exclame : « Si vous ne profitiez de ce retour à un mythe du salut seulement autrement habillé qu’au Moyen-Âge, vous entraîneriez la planète dans un deuxième engloutissement alexandrin des cerveaux ».
La spirale élève et plonge, en vortex, elle peut aussi bien noyer dans l’égoïsme que transcender dans l’altruisme. Lecompte ne nous le conte pas ainsi mais nous laisse le pressentir de nous-mêmes. C’est sans doute aussi salutaire que ce Colibri qui tente, non d’éteindre l’incendie de forêt en déversant quelques gouttes sur la vouivre salamandre, mais simplement de « faire sa part ».
Son écho est son écot.
P.-S. – Pour mieux voir la spirale, agrandissez (zoomez)
Photo précédente : le balcon de Besançon
Ci-dessous :
Une représentation de Saint-Michel Archange qui ne figure pas dans l'ouvrage (enfin, de mémoire…). Les tores et spires sont aussi celles des cornes et des queues de serpent des personnages symboliques tel le « dragon » (ou le Malin) des représentations de saint Michel Archange… Il s'agit ici d'une œuvre de Luis Juarez (vers 1600) détenue par le musée national d'art de la ville de Mexico.
Une magnifique Spirale inscrite dans un hexagone, et c’est sur Saturne !
Images de la sonde Cassini/
http://www.dailymotion.com/relevance/search/saturne+hexagone/video/x3ta3b_un-hexagone-coiffe-saturne_tech
On voit bien sur la photo Jésus portant la courone d’épine,
symbole du péché et de Satan !
Il peut en délivrer parfaitement tous ceux qui se confient en Lui !
EPITRE AUX HEBREUX 7:25
« C`est aussi pour cela qu`IL peut sauver parfaitement ceux qui s`approchent de Dieu par LUI, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur. «