Les restes présumés de Jeanne d'Arc, supposés avoir été récupérés sur son bûcher après sa crémation à Rouen en 1431, sont en fait des fragments de momie égyptienne devant lesquels s'inclinent depuis le XIXe siècle les admirateurs de la Sainte, révèle une étude.
Le Dr Philippe Charlier, médecin légiste à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), a réalisé une véritable autopsie des éléments conservés à Chinon (Indre-et-Loire) par l'Association des Amis du Vieux Chinon, qui les détient en dépôt du propriétaire, l'archevêché de Tours. Des fragments de côte humaine apparemment brûlée, mélangés à des bouts de bois et de tissu, ainsi que du pollen de pin, avaient été présentés en 1867 comme appartenant à la "pucelle d'Orléans".
Le médecin légiste a mené avec différents spécialistes une véritable enquête de police en utilisant des moyens classiques d'investigation et d'autres pour le moins originaux, comme des "nez" de grands parfumeurs. Ces derniers ont notamment décelé sur le morceau de côte une odeur de vanille. Or ce parfum peut être produit par « la décomposition d'un corps, comme dans le cas d'une momification, pas par sa crémation », souligne Philippe Charlier. Une analyse microscopique et chimique du fragment de côte a montré par ailleurs qu'il n'avait pas été brûlé, mais imprégné d'un "produit végétal et minéral" de couleur noire. Sa composition "s'apparente plus à celle du bitume ou de la poix qu'à celle de résidus organiques d'origine humaine ou animale ayant été réduits à l'état de charbon" par crémation, explique-t-il.
Le tissu de lin, quant à lui, a les caractéristiques de celui utilisé par les Egyptiens pour envelopper les momies. D'autre part, concernant le pollen, le médecin note qu'il n'y avait pas de pins en Normandie à l'époque de la mort de Jeanne d'Arc. En revanche, de la résine de pin était utilisée en Egypte pour l'embaumement. Une étude au carbone 14 a daté les restes entre le 3eme et le 6eme siècle avant notre ère. Un examen spectrométrique des os a montré qu'ils correspondaient aux momies égyptiennes de cette période.
Comment expliquer que ces fragments se soient trouvés dans le "bocal de Chinon", trouvé chez un apothicaire en 1867 et portant la mention : "Restes trouvés / sous le bûcher de / Jeanne d'Arc / pucelle d'Orléans" ? Il existait à l'époque des cabinets d'amateurs dits « cabinets de curiosités » comportant des momies égyptiennes qui étaient utilisées en pharmacopée médiévale depuis le XVe siècle. La découverte fortuite du bocal en 1867 correspond à une époque où les historiens ont redécouvert Jeanne d'Arc et en ont fait un mythe.
Jeanne d'Arc, née en 1412, avait rassemblé des troupes pour combattre les occupants anglais et libérer Orléans, avant d'être capturée et condamnée au bûcher en 1431 pour hérésie, à l'âge de 19 ans. Elle a été canonisée en 1920 par l'église catholique. Le diocèse de Tours a rappelé mercredi que les éléments contenus dans le bocal de Chinon n'avaient jamais fait l'objet d'une quelconque dévotion car ils n'étaient pas considérés comme des reliques par l'église.