Ce n'est pas la première fois que ce document me revient. Elle le sort de son cartable avec l'enthousiasme de ses huit ans, disant qu'elle apprendrait bien telle langue plutôt que telle autre, sans doute pour suivre en cours une petite copine, le tout dans un sourire confiant.

Mais papa se fâche, il s'agace… Non, c'est hors de question, il ne veut pas même entendre parler de ses cours gratuits donnés aux enfants en relation avec leur culture d'origine, cumulant l'espagnol, l'italien, l'arabe et des langues africaines, notamment, avec par la même occasion des apprentissages de ces cultures.

Le document émane bien de l'Education nationale et l'on doit en tant que parents indiquer quelle langue et quelle culture d'origine l'enfant pourra apprendre ou noter simplement, au bas de la feuille et avec une signature : "mon enfant n'est pas concerné", comme si cela était une sorte d'anomalie.

Du CP au CE1, le document est resté le même. L'année dernière, l'école a renoncé à donner des cours d'arabe faute de professeur et d'autres langues n'ont certainement pas pu être enseignées, comme le portugais, l'espagnol ou encore l'italien, sans que l'on puisse dire si elles ont même été demandées.

Il est rare que je m'agace ainsi, mais cette initiative scolaire me parait intolérable. Elle est bien significative d'une certaine dérive de notre société et de sa constante obsession égalitariste et moralisante, dont les objectifs sont plus qu'obscur.

Ainsi l'apprentissage de plusieurs langues est un atout nous dira-t-on, qui servira plus tard à tous ces enfants, tout en négligeant de leur apprendre des langues telles que l'allemand, l'anglais, le mandarin, le latin ou le grec antique, qui seraient autant de langues utile pour leur culture personnelle.

L'autre argument (béton) de nos chers pédagogues, est que leur culture d'origine leur permettra d'être plus à l'aise dans leur identité française, ou plutôt dans leur "bi-culturalité". Il s'agirait alors de faire des bambins de l'école primaire de bons franco-tunisiens, franco-espagnols ou franco-algériens, voire franco-sénégalais, etc, etc.

Sans doute, l'air du temps nous répète-t-il inlassablement que le mélange des cultures est une richesse permanente et que notre société est "multiculturelle". Il n'en reste pas moins qu'il me parait étrange, dans une société qui serait déjà multiculturelle, et où la langue française ne serait que de fait une manière de langue d'usage, de vouloir apprendre en particulier des langues de "pays d'origine".

Combien d'années a-t-il fallut pour que les parents acceptent ce genre de document dans le carnet de liaison? Dans un passé récent, il était malvenu d'évoquer un pays d'origine et en s'installant en France, l'on devenait français par choix et l'on avait les mêmes droits que les autres, sans réclamer plus. Tout le reste relevait de l'intime, de la vie privée. L'évoquer était une indiscrétion.

L'école outrepasse donc ici ses droits, à nouveau. L'origine des parents ne la regarde pas, il ne lui est pas demandé d'élever des enfants, mais juste de les instruire. Les parents sont ensuite libre d'apprendre à leurs enfants une autre langue ou d'autres coutumes, à titre personnel.

Et c'est précisément là que l'identité française se trouve. Etre d'un pays, c'est en accepter les droits et les devoirs et s'y conformer, s'y reconnaitre, collectivement. Au bout de combien de générations estime-t-on qu'un immigré est français? Il semblerait, à bien lire ce document de l'éducation nationale, que face à l'école les enfants doivent rester dans une culture précise qu'ils ne doivent pas cesser de côtoyer…

Ils seront français suivant le pathos du ministère et de ses pédagogues bien pensants, ou plus précisément ils seront simplement des "bi-nationaux"… y compris au regard de tous…

Voici un document en rapport avec les cultures d'origines dans l'éducation