Les nouveaux rythmes scolaires préjudicieusement choisis

Hier, mardi 25 mai, notre ministre de l’Education Luc Chatel dévoilait son plan pour l’adoption de nouveaux rythmes scolaires : dans des collèges et des lycées tests répartis dans toute la France, la semaine sera aménagée de sorte à favoriser les cours le matin et le sport l’après-midi. Cependant, cette réorganisation est-elle nécessaire ? L’adoption d’un système copié sur le modèle allemand est-il judicieux ? Tout d’abord, on entend sans arrêt que les élèves français travaillent trop par rapport à leurs homologues européens. En 2008, Xavier Darcos justifiait ainsi la suppression des cours du samedi matin pour les primaires : « Le nombre annuel d’heures d’instruction obligatoire est de plus de 900 heures par an en France.Le temps moyen d’instruction obligatoire est de 740 heures par an en Suède ; il est compris entre 630 et 770 heures par an en Allemagne et entre 530 et 650 heures par an en Finlande. Et pourtant, leurs systèmes scolaires sont performants » (même si cela est très discutable : en effet, seuls la maîtrise des fondamentaux compte, le niveau est alors beaucoup plus faible)« En France, malgré un nombre d’heures bien supérieur à celui de ses voisins, l’école primaire ne parvient pas encore à résoudre les difficultés d’environ 15% des élèves, comme l’a souligné le Haut Conseil de l’éducation. »  Certes, cela paraît beaucoup, mais les heures sont-elles réellement effectuées ?

L’absentéisme des enseignants est énorme, comme le rappelle M. Chatel, tout en expliquant pourquoi dans sa lettre de juillet 2009: « La presse a fait état, la semaine dernière, d’un rapport qui aurait été commandé par I’administration faisant apparaître qu’avec 45% des professeurs des écoles qui ont posé au moins un congé maladie en2007-2008 et une durée moyenne de congé de onze jours, contre neuf dans les entreprises, le taux d’absentéisme des enseignants des écoles primaires serait le double de celui observé dans le secteur privé. »

 

Cela fait quand même perdre, en moyenne, une année de cours, comme le rappelle la FCPE !

 Les cours sont répartis sur 10 mois de septembre à juillet mais une fois les vacances enlevées, il en reste à peine huit et demi. Si on retire également les nombreuses sorties et voyages scolaires, on tombe à moins de 8 mois ! Sans compter les nombreux ponts du mois de mai, on en arrive à environ 7 mois et demi de cours, cela impressionne déjà moins. De plus, il faut rendre les livres scolaires environ 15 jours avant la fin de l’année, on tombe donc à peine à 7 mois de travail. Le problème ne serait-il donc pas une mauvaise répartition des cours pendant l’année ? Autre point très discutable : le choix du modèle allemand. Je préfère vous laisser lire un extrait de l’Aperçu des systèmes éducatifs européens : Aperçu des systèmes éducatifs européens Il existe, en Europe, quatre types de systèmes scolaires : modèles nordiques, anglo-saxons , continentaux et méditerranéens. 

  • L’école unique des pays scandinaves (Suède, Norvège, Islande, Danemark, Finlande), où tous les élèves, de 7 à 16 ans, suivent le même cursus en primaire et collège, dans une école unique, la Folkeskole, dans le même groupe-classe, avec le même professeur principal, mais des enseignants différents dès le primaire. Le redoublement est inconnu, et 95 %  des élèves obtiennent un diplôme en dernière année de ce cycle.

Ce modèle nordique est à la fois efficace et équitable. 

  • Le type sélectif des anglo-saxons (Grande Bretagne), cette fois, la continuité est plutôt recherchée dans le secondaire, et 10 % des élèves sont scolarisés dans des Grammar Schools (établissements privés), sélectives. Les anglo-saxons, comme les scandinaves, privilégient l’acquisition de l’autonomie à celle des connaissances (voir le système latin). Par exemple, ils auront tendance à mettre en avant les progrès des élèves indépendamment  de leur niveau initial.

Ce modèle anglo-saxon est efficace mais peu équitable. 

  • Le type germanique, différencié (Allemagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Luxembourg), qui comprennent une orientation différenciée très tôt des élèves en trois filières : le Gymnasium (30 % des élèves), menant à des études universitaires, la Realschule, menant à des études supérieures non universitaires et une formation professionnelle courte, les Hauptschulen. Il faut noter toutefois que l’image sociale des élèves provenant de cette dernière filière est bien meilleure que celle équivalente des pays latins.

Cependant, ce modèle continental est inefficace. 

  • Le type latin (ou méditerranéen) , privilégiant l’acquisition des connaissances (France, Italie, Espagne, Grèce), caractérisé par une attention plus importante à l’acquisition des savoirs et connaissances : ainsi, le système de contrôle des connaissances, des examens, des notes y a une part plus importante que dans les autres systèmes, ainsi que la présence du redoublement.

Le modèle méditerranéen’est inefficace et inéquitable. Rythmes scolairesDans la plupart des pays européens, les élèves de primaire fréquentent l’école de 5 à 6 jours par semaine, mais des différences importantes apparaissent sur la fréquentation à l’année en primaire : 600 h/ an dans les pays scandinaves et en Grèce, pour plus de 800 dans les pays latins, en Belgique et Luxembourg .Dans le secondaire, ces différences s’estompent. Il existe aussi des différences importantes dans le nombre de jours de classe par ans, et la France est l’un des pays où ce nombre est le plus bas (180 jours/an, pour près de 200 en Allemagne, Grande-Bretagne, Danemark, Italie).
Comment ces données peuvent influer sur les performances des élèves ? L’intéressante étude de Testu (1994) répond à cette question.
Il  montre notamment que l’organisation du temps scolaire n’influe pas sur les niveaux d’attention des élèves d’élémentaire, et que les performances scolaires des élèves au cours de la journée évoluent de la même manière quel que soit leur pays. En revanche, la vigilance des élèves de 6-7 ans n’est pas la même selon les jours de la semaine : elle croît tout au long de la semaine, avec un faible creux le jeudi pour les semaines de cinq jours, et avec un fort creux le vendredi pour les semaines à la française (pas classe le mercredi et samedi après-midi). Ces différences s’estompent pour les élèves de 10-11 ans.

Egalité des systèmes scolaires

Il faut aussi s’interroger sur le caractère plus ou moins égalitaire des systèmes scolaires. Des études sur ce sujet montrent que l’idée que sélection rime avec efficacité est un mythe : les systèmes différenciant plus tôt les cursus (Allemagne, Autriche, Suisse, Luxembourg, Pays Bas) sont à la fois moins efficaces et plus inégalitaires que les autres (pays scandinaves).

Qu’avons-nous appris ?

–         que les élèves du primaire travaillent beaucoup ou peu n’a pas d’impact sur leurs performances

–         le système allemand ne fonctionne pas

 

Pourquoi, alors, vouloir changer un système qui privilégie l’excellence pour un système inefficace qui ne peut pas être généralisé sur tout le territoire en raison du manque flagrant d’équipement en zones rurales ?

Encore une fois, l’Education Nationale prend des mesures ridicules qui vont à l’encontre de ce qu’il faudrait faire. Mais quand on voit le manque de bon sens des jeunes professeurs fraîchement recrutés, au moins l’Education Nationale est cohérente avec elle-même !