Le Made in France revient à la mode. Non seulement des industriels, tel le groupe international Bic dont les sites de production sont hexagonaux, le revendiquent à travers de pleines pages de publicités dans les journaux, mais la cocarde bleue blanc rouge fleurit de plus en plus sur de nombreux produits en guise d’argument commercial.

Made in France sur Internet

 

Un phénomène nouveau: celui du web marchant qui surfe sur la vague tricolore. Plusieurs sites font la promotion de ce crédo économique. 100pour100-madeinfrance.fr propose l’actualité des producteurs de fabrication 100% française, une boutique en ligne, un annuaire et invite les internautes à découvrir les régions françaises.Made in France organise un salon professionnel qui célèbre l’esprit de la « Haute-Façon » et réunit plus de 80 exposants dans le cadre prestigieux du Caroussel du Louvre. La prochaine édition se déroulera en avril 2013.

 

Produisons plus que jamais français

 

Crise oblige, le slogan "Produisons français" popularisé par le parti communiste français dans les années 1980, est désormais véhiculé par les hommes politiques de tous bords. François Bayrou, par exemple, écrivait dans son livre “2012. Etat d’urgence” : "Il faut que les Français consommateurs soient le soutien actif des Français producteurs. Il faut et il suffit que, chaque fois que nécessaire, sur les rayons, la transparence soit établie sur la localisation de la production. Le label “produit en France” dira au consommateur qu’il est engagé dans le produit, qu’il achète un peu pour lui-même, pour son emploi, pour sa sécu et sa retraite. Il ne s’agit nullement de protectionnisme, il s’agit de transparence."

Mais des paroles aux actes, il y a souvent le filtre quasi-obligatoire de la mondialisation de l’économie, des délocalisations, et bien rares sont les industriels qui résistent aux sirènes de l’approvisionnement ou de la fabrication de leurs produits en Chine ou dans les pays de l’Est, là où les coûts de main d’œuvre sont très bas.

 

Une marinière pas tout à fait française…

 

On se souvient de cette photo en couverture du Parisien Magazine où l’on voyait Arnaud Montebourg arborant fièrement une marinière, un appareil ménager et une montre made in France. Une opération de communication rondement menée par le ministre du redressement productif avant que l’on apprenne par le site "Arrêt sur images" que, si la marinière est bien produite en France, il y a bien longtemps que l’entreprise Armor Lux qui la fabrique a délocalisé certaines de ses productions. Une stratégie dont ne se cache d’ailleurs pas son PDG, Jean-Guy Le Floch qui explique que "La production dite de chaîne et trame (est) fabriquée dans les usines du Maghreb, de Bulgarie ou de Roumanie". Toujours dans un grand élan de franchise, qui a du plaire au ministre, il précise à "Arrêt sur Images" que pour les uniformes de la RATP, de La Poste ou encore de la police nationale, produits par Armor Lux,  il "ne tiendrait jamais les prix si on devait produire en France".

 

…et une montre encore moins

 

Dans une tribune publiée sur le site Atlantico.fr, le spécialiste horloger Grégory Pons finira d’ôter toute illusion au ministre en révélant à propos de la montre que "Manque de chance : le mouvement à quartz (…) est suisse (manufacture Ronda), de même que son cadran et ses aiguilles. Son verre saphir est suisse. Son boîtier et ses poussoirs ne sont pas suisses, mais pas français non plus." Seule consolation, la montre est bien assemblée par l’entreprise Michel Herbelin, dans le Haut-Doubs.

Et Arnaud Montebourg n’est pas le seul à s’être fait piéger par son discours. Au mois de février 2012, le quotidien 20 Minutes dévoilait que les T-shirts vendus sur la boutique en ligne du Front National étaient fabriqués au Bangladesh. Une mise en porte-à-faux pour un parti dont la présidente, Marine Le Pen, proclamait peu de temps avant au micro de BFM TV  que "Produire français avec des travailleurs français est vital pour notre pays !"

 

La longue liste des produits-menteurs

 

A y regarder de plus près, la liste des produits estampillés hexagonaux qui trompent sciemment le consommateur qui, lui, se veut patriote, est longue. Si l’on sait depuis longtemps que les champignons de Paris venaient en réalité des galeries souterraines de Saumur, aujourd’hui la quasi-totalité de la production arrive des États-Unis, de Chine ou des Pays-Bas, la France ne venant qu’au 4ème rang de la production mondiale.

Le jambon d’Aoste, fabriqué par le Groupe Aoste, leader français de la charcuterie mais qui appartient à la multinationale Campofrio Food Group, est bien fabriqué à Aoste en Isère, mais à partir de carcasses chinoises et américaines. Quant à la région de Dijon qui produit 90% de la moutarde française, et 50% de celle consommée en Europe, on sait moins que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la majorité des graines utilisées pour sa fabrication arrive du Canada (80%), des États-Unis, de Hongrie, de Roumanie et du Danemark.

Les exemples pourraient être énumérés presque à l’infini. Seules les indications géographiques protégées (IGP) ou une appellation d’origine contrôlée (AOC) peuvent désormais garantir la provenance des produits.

 

Origine France non garantie

 

Rappelons enfin, dans la série des tentatives pour attirer l’attention du public sur l’industrie nationale, la création du label « Origine France Garantie » destiné à remplacer l’ancien label « Made in France ». Créé en mai 2011, il exigeait qu’au moins 50 % de la valeur d’un produit corresponde à une activité effectuée dans l’Hexagone, mais autorisait l’importation de matières premières à condition que les éléments soient assemblés ou montés en France.

Relance de la production et de la consommation, protection des emplois, les objectifs de la campagne Made in France semblent sincères. Encore faudrait-il que les marketeurs le soient également.