Le monde carcéral, un monde à part, avec une population surveillée 24 heures sur 24, en marge de la société de consommation Française et plus largement de la société Française. Un monde stigmatisé par un nombre important de citoyens Français, du fait que les personnes vivantes dans ce monde carcéral sont des êtres mis à mal par la Justice Hexagonal, après qu’elles aient enfreintes les lois régissant la nation et plus particulièrement le code Pénal.

Pour autant, malgré la multitude d’idées reçues vis à vis du monde pénitentiaire, qui connait réellement ce monde, et qui sait de quelles manières vivent les détenus dans les prisons de France et de Navarre?

 

 

Qui connait le mode de vie des prisonniers? Qui à déjà entendu parler de « cantinage », ou encore, qui sait quels sont les coûts de vie dans une prison Française pour les « résidents »? La prison, une société au sein même de notre société, avec ses règles, ses codes, et son système commerciale.

 

 

 

La Télévision en prison, Un « luxe » décrié à tort?

Il est facile d’entendre dans biens des foyers Français que les prisonniers ont la belle vie, qu’ils ont la télévision, qu’ils n’ont pas à payer de loyer, qu’ils sont entretenus par le contribuable, etc. Des raccourcis d’humeurs faciles mais qui pourtant sont loin de la réalité des choses.

Certes les prisonniers, en France, ont la possibilité d’avoir accès à la télévision dans leur cellule. Une possibilité d’ainsi obtenir un moyen de distraction, d’information, d’éducation et de sociabilisation. Un moyen aussi de pouvoir rester intégrés à la société Française, et de connaître les évolutions du monde au dehors des murs de la prison.

La télévision représente aussi un formidable moyen de distraction pour les prisonniers qui parfois doivent rester quasiment 24/24 dans leur cellule, et qui de par la dépendance que cela suscite, devient un bon moyen de pression pour l’administration pénitentiaire qui peut à tout moment si le besoin s’en fait sentir, « couper » la télévision en représailles à de mauvais agissements de la part de prisonniers.

1/ L’Histoire de la Télévision en Prison.

C’est en 1985, que la décision est prise par le Garde Des Sceaux de l’époque, Robert Badinter. En effet, jusqu’à cette date, les prisonniers n’avaient le droit à la télévision que dans un cadre collectif, et que pour seul but éducatif. Suite à cette disposition ministérielle, des associations Socio Culturelles (ASCS) sont créées au sein même des établissements. Des associations qui ont pour but, d’organiser la mise à disposition des postes de télévision individuels, et d’assurer la gestion de ces derniers. Ce sont par ailleurs ces associations qui gèrent la location des postes de télévisions auprès de la population carcérale.

Lors des prémices télévisés, ce sont ces mêmes associations qui ont financé (grâce à des emprunts financiers) l’installation des postes et les travaux qui en ont découlé, comme par exemple le câblage, et qui ont assuré l’acquisition des postes. Une acquisition qui c’est faite à la fois sous forme d’emprunt de matériel auprès de sociétés spécialisées, et à la fois sous la forme d’achats secs.

Par ailleurs, les ASCS, en plus d’avoir à assurer la gestion du matériel, sont chargées de la gestion des chaînes télévisées proposées sous formes de bouquets d’options, et de la gestion des chaînes spécialisées souhaitées par la population emprisonnée.

2/ Quels coûts pour le prisonnier?

Bien entendu, le luxe télévisuel mis à disposition des prisonnier, n’est pas sans coûts pour ces derniers. « Oui », les associations assurent la gestion des postes, leur entretien, les bouquets de chaînes, etc. Mais pour autant, aucune association ne peut fonctionner sans argent. Les ASCS sont donc officiellement des associations, mais agissent pour autant tel des sociétés commerciales, proposant contre rémunération les services voulus par Badinter.

Aujourd’hui, la télévision est mise à disposition de chaque prisonnier ou groupe de prisonnier qui le demande, mais pour ce faire, il faut au préalable que les demandeurs règlent la cotisation qui prévaut dans l’établissement. Une cotisation fixée sans la moindre règle, avec des variations de tarifs très importantes en fonction des établissements pénitenciers de France.

En effet, les variations tarifaires sont plus qu’importantes en France, et les données communiquées par les rapports de la cour de comptes à ce sujet en 2006 sont édifiantes. Si nous prenons l’exemple d’un prisonnier qui souhaite avoir accès à la télévision et à l’option Canal+, la différence entre deux établissements peut aller du simple au double voir même plus. Avant l’an 2000, à la maison d’arrêt de Dunkerque, le coût était de 4€70 par cellule, or pour les mêmes « avantages » le coût était de 36€60 au centre pénitencier de Château Thierry. Une différence de 90% entre les deux établissements pour le même service. Comment expliquer une telle différence?

En 2001, après que les prisonniers aient fait part de leur griefs concernant cette tarification aléatoire aux autorités compétentes, une commission est mise en place, et une expérimentation est lancée afin d’uniformiser ces services audiovisuels. Ce qui ressort de cette expérimentation, c’est que la prise en charge et donc la mise à disposition de l’état, et non plus des associations, des postes de télévision, permet une réduction substantielle des tarifs de locations. Pour preuve, après la mise en place de ce projet, certains établissement ont vu les coûts de la location audiovisuelle baissé d’environ 50%, l’état étant désireux de proposer à prix coutant le service et de ne plus voir les associations en faire profit.

Reprenons les exemples de la Maison d’Arrêt de Dunkerque, et du Centre Pénitencier de Château Thierry. Suite à cette réforme, à la Prison de Dunkerque, les coûts mensuels sont passés de 4€70 à 3€70 soit une baisse de 21%, tandis qu’à la prison de Château Thierry, les coûts sont passés de 36€60 à une tarification située entre 4€ et 12€ soit une baisse située entre 32,8% et 89% (Pour le centre de Détention et non pas la Maison d’Arrêt). Faut-il croire que le coûts des téléviseurs représentait environ 20% du tarifs à Dunkerque, et qu’il représentait presque 90% à Château Thierry?

Aujourd’hui, suite aux diverses évolutions du coûts de la vie, et à l’accroissement des chaînes de télévision, le coût moyen mensuel de la location audiovisuel se situe approximativement à 8€00 hebdomadaire, soit 36€ mensuel comme c’est par exemple le cas à la Prison de la Santé à Paris.

 

 

 

3/ A qui profitent et profitaient de tels tarifs, et pour quel usage?

Comme nous avons pu le constater, la disparité des coûts observés pour la location de télévision était plus qu’importante il y a encore une décennie. Des coûts orchestrés, décidés, mis en application par les ASCS depuis 1985, et évoluant au fil des années, supportés par une population carcérale grandement dépendante d’une telle distraction et prête à payer toutes les sommes pour ne pas en être privée. Une vraie « Poule aux oeufs d’or » pour les associations, grandement conscientes des profits à engranger grâce à la dépendance télévisuelle dont font l’objet les prisonniers.

En 1999 par exemple, à Lille, le service locatif de télévision au prisonnier, à permis à l’organisme chargé de la location de dégager un profit d’environ 450 000€ pour l’année échue. Un chiffre digne des plus belles sociétés, réalisé grâce à une situation de monopole au sein même des univers pénitenciers et sur le compte des prisonniers eux mêmes.

Une rentabilité importante pour les associations qui malgré tout n’était pas sans but réel. En effet, face aux diverses coupes budgétaires et à l’insuffisance de crédits budgétaires pour les établissements pénitencier, l’argent engrangé et accumulé au travers la location de Télévisions à permis le financement d’activités sportives et culturelles, ainsi que la mise en place d’activités éducatives au sein même des établissements. Une sorte d’autofinancement quelque part des prisonniers qui indirectement financent eux même leur cadre de vie, tout en mutualisant l’argent de tous pour l’intérêt de tous ou presque. Une auto-gestion du peuple carcérale, qui ainsi gère soit même son cadre de vie, et finance lui même sa « société ».

Comme nous avons pu le voir, la télévision à un rôle déterminant en prison. Un outil garant de la sécurité de l’établissement pénitencier, permettant un maintien social avec la société « Libre », assurant l’information, l’éducation, et la distraction des prisonniers. Un outil essentiel donc, pour les prisonniers, et financé par eux même, permettant par ailleurs de financer et même d’autofinancer la vie au sein même de la société carcérale. Une distraction nécessaire, importante, un « luxe » autorisé par l’administration, mais financé pour autant par les prisonniers eux mêmes. Ce sont donc les prisonniers eux mêmes qui financent ces services, et non pas comme l’adage populaire le laisse croire, le contribuable « libre ».

Sources :

http://robindeslois.org/wp-content/uploads/2010/03/4_rapports.pdf

http://robindeslois.org/wp-content/uploads/2010/03/cours_comptes_1.pdf

 

A lire également :   Les "Luxes" du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie 2. Le "Cantinage"

                              Les "Luxes" du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie 3. Le Travail Carcéral.

                              Les "Luxes" du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie 4. Le Parloir.

                              Les Luxes du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie 5. Bilan et Conclusions