1954, l’année ou l’abbé Pierre lança son cri à la face des hommes.
Du signe de la balance, Philippe Lemoine est né le 03 octobre, un dimanche et tandis qu’il poussait son premier cri, les feuilles sur les arbres commençaient à s’ourler de cuivre et d’or ancien, il n’a jamais su si elles s’étaient parées de si belles robes en son honneur…
Il est né à Paris dans le XIV, il parait que l’hiver 54 fut rude et que la misère des petites gens était intolérable…De ces premiers pas sur le chemin de vie, il garde le souvenir de sa grand-mère. Déjà, imparfait il faisait des crises d’épilepsie, il paraît qu’il en devenait tout bleu/violet comme un ciel avant l’orage. Ses parents travaillaient tous les deux et elle le gardait la majeure partie du temps. Toute petite bonne femme d’une énergie débordante, une tendre petite fourmi aux cheveux pleins de neige.
Sa séparation d’elle fut sa première rupture, il en conserve le souvenir de cri et de larmes et d’une course folle accroché à son père sur le porte bagage de sa mobylette. Plus tard, devenu grand il fut un temps motard, mais il n’est plus jamais remonté sur le siège arrière d’un véhicule à deux roues, qui a connu son père au volant le comprendra…
Il ne sais plus l’ordre des choses, Paris…, un petit appartement sombre, des heures à refuser de manger sa soupe boudeur devant son assiette, il se peut qu’il a, de converser avec sa cuillère dès cette époque pris goût à rêver et donc à la poésie… le sacré cœur, son jardin enchanté, un bateau des heures à le regarder voguer sur un bassin, sa sœur, il ne se souviens plus à quel moment elle a poussé la porte, était ce un jour de pluie, de printemps, l’année… D’elle, il ne garde que sa disparition, des vacances à Chamonix, des cimes enneigées, un ciel immense et puis un rocher et puis la mort et puis le vide… Des jours, des années sans mémoire, seulement les gémissements de sa mère errant dans la nuit… Ce fut sa seconde rupture, d’elle il a nourri pendant des décennies un latent sentiment coupable…
Plus rien ou presque de ce les autres appellent l’enfance, un trou béant, il sais juste avoir habité Choissy le Roi, images floues, de ciel gris, de rues blafardes… Il ne sais pourquoi, il lui semble avoir découvert avoir deux sœurs et un frère lorsqu’ils avaient quatre ou cinq ans, il était l’aîné, ils vivaient sous le même toit et pourtant il ne s’en souviens plus… Quel enfant était-il… ? Certainement, une ombre grise et solitaire…
Il lui semble parfois avoir émergé, comme d’une seconde naissance vers l’âge de 11 ou 12 ans
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Wahid.B : Bonsoir Philippe. Arrive enfin « Les innommables » ouvrage tant attendu qui donnera, peut-être des réponses sur le poète et aussi l’homme qu’est Philippe Lemoine.
Philippe Lemoine : Que puis je te dire Wahid, je n'ai pas fait de hautes études, j'ai une fonction de dirigeant commercial peu en rapport avec la poésie, je n'ai jamais publié, en tout je suis autodidacte ou presque, et je n'aime pas me vanter…
Wahid Bennani : Sans avoir à te flatter mon cher Philippe, de tes propos émane la plus belle des poésies. C'est toi l'Aède qui surgit en ce temps aride pour nous imprégner de verbes et d'humilité.
Philippe.L : Sourire…, Une question de sensibilité mais aussi, j'ai tant lu, croisé les mots, griffonné de feuillets… aussi une question de travail… Et ô ! Combien de chemin à parcourir encore… Je ne suis jamais tout à fait satisfait de ce que j'écris…
Je ne suis guère original, mon maître est Baudelaire mais j'ai aussi entre autre une grande admiration pour Desnos, qui maîtrisait toute les formes de poésie… Ma poésie est une quête Wahid… Orphée était celui qui guérissait par la lumière moi, je suis sans doute celui qui se guérit de par la lumière… Sais tu que la poésie était le langage des dieux par lequel le mystère de la sublime vérité se transmettait aux initiés, j'aime beaucoup ces légendes grecques…
Wahid.B : la maîtresse de Baudelaire était la douleur. C'est un poète qui a vécu mal dans sa peau. Mais il est mon maître aussi quoi que je n’aie pas les mêmes préoccupations qu'il avait.
Philippe.L : La douleur, le mal être comme de nombreux poètes la folie comme De Nerval ou Lautréamont… Les chefs d'oeuvre malheureusement naissent dans la souffrance… Mais tout comme toi, je ne porte pas ces maux en moi, juste peut être parfois une sensation de solitude, de différence… j'ai beau être un communicateur et avoir une grande vie sociale, au fond de moi, je suis un solitaire, tant solitaire que j'en perds souvent toute notion de temps…
Wahid.B : C'est fou la différence entre les poètes d'antan et ceux d'aujourd’hui.
Avant ils étaient du cercle du roi; vantaient ses mérites et vivaient dans ses palais. Depuis un temps , ils sont presque devenus des solitaires.
Doit-on s'éloigner des autres pour pouvoir écrire à son aise ?
Et sur qui, quoi écrire si on vit comme des ermites, des "Soufis" ?
Philippe.L : Je ne sais pas Wahid… je pense que le poète a peut être une sensibilité différente, une perception parfois différente des choses, parfois la poésie effleure l'indicible au delà des mots, je pense beaucoup au mythe d'Orphée en ce moment, l'initiateur, le voyant qui sous le voile de la poésie révélait le mystère de la sublime lumière… Je crois que si la poésie a perdu au fil des siècle son influence originelle c'est, entre autre, parce que le monde est devenu plus matérialiste, la technique, la science rassure et l'homme ne se soucie plus de son âme, le monde de demain ne sera que matérialiste et sans âme… A présent l'homme se réalise à travers son statut social et ses possessions et non plus par l'esprit…
Et puis le poète porte aussi la responsabilité de son déclin, tant parfois il est devenu incompréhensible, tant il a cultivé le mythe du maudit…
Je ne sais pas ce qu'il convient de faire sinon rester soi même et délivrer ce que nous portons, n'écrivons nous pas avant tout pour nous même, pour libérer nos voix intérieures
" Anges revêtus d'or, de pourpre et d'hyacinthe,
O vous ! Soyez témoins que j'ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j'ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or."
Charles Baudelaire
Magnifiques vers, voilà aussi pourquoi je ne peux être humble…
Wahid.B : Et si nous écrivons pour nous même, n'est-ce pas cela la fin du poète qui se veut la voix d'autrui. De ceux qui ne savent pas comment s'exprimer en vers et en prose ?
Beau destin que nous réserve la vie !!!
Philippe.L : Même si il est agréable de partager, oui je crois que le poète écrit avant tout pour lui même, d'ailleurs peu de poètes ont pu vivre de leur plume, toi moi, nous avons tous les deux un métier, une vie sociale, une famille… Alors pourquoi cette soif de poésie, la poésie de donne ni gloire (notion à laquelle je suis peu réceptif) ni richesse…
Pour moi, outre le plaisir de jouer avec les mots, la poésie est une quête peut être aussi sans vouloir blasphémer une sorte de prière tout autant qu'un oracle à travers elle c'est le sens des choses que je cherche, elle est mon révélateur elle me dit qui je suis, à travers elle c'est aussi mon âme que je cherche, elle est une quête de lumière, de vérité… D'une certaine façon et modestement, je lui redonne son sens originelle, de sa lumière elle me guérit… Sourire et belle fin de nuit mon ami Wahid
Wahid.B : Elle guérit bien des âmes. Je n'ai pas de doutes. C'est aussi le miroir du conscient et de l'inconscient. Sommes-nous des psys ?
Philippe.L : Sommes nous des psys…? Non, je ne crois pas, ou du moins pas tout à fait, la psychologie cherche à expliquer rationnellement, il lui faut des causes et des effets, nous nous cherchons à ressentir, à percevoir l'indicible et lorsque nous en effleurons le mystère, au delà, du rationnel, vient la révélation, nous sommes, voyants ! Nous cherchons à voir au travers des choses, au delà des l'apparences, sous le voile, nous interprétons des signes, ce n'est pas tant l'explication que nous voulons, mais des embruns de lumières et des miettes de vérité… En cela, nous sommes mystiques…
Wahid.B : Les "innommables", comme titre, a-t-il été choisi pour faire allusion à ce mystère qu'effleurent les poètes ou bien ce rationnel régit par causes et effets ?
Philippe.L : Chaque chose est double, parfois multiples, pleine de paradoxes et les mots n’échappent pas à la règle… le choix des innommables est venu comme une évidence les "innommables…" évoquent autant les hommes et leurs noirceurs, que le côté inexprimable des visions et des sensations dont nous effleurons la substance… Les mots sont trop pauvres pour donner consistance à notre ressenti mais ils ont ceci de magiques: "à travers eux l'on perçoit l'indéfinissable," les mots sont transparents, ils n'affirment rien, ils suggèrent et chacun les reçoit, les interprète, ce les approprie selon sa propre sensibilité… Les mots ont autant de sens qu'ils ont de lecteurs, en cela, ils nous rendent visionnaires…
L'essentiel n'est pas tant la parfaite compréhension de l'auteur mais la part d'imaginaire qu'ils délivrent à chaque lecture…
Wahid.B : En effet, les "innommables" évoque bien les thèmes du terrorisme, de l'injustice, de l’holocauste, de la souffrance… Mais aussi ceux de la beauté, de l'amour, du bien être… Sont ceux-là les paradoxes dont tu parles ?
Philippe.L : C'est en effet l'un des paradoxes les "innommables…" sont mon expression, ma quête de l'âme humaine autant dans ce qu'elle a de détestable que de merveilleux.
L'ordinaire est définissable, le terrible comme la beauté sont inexprimables.
Ma poésie est une quête de lumière, au delà même du sens, le sens est rationnel, de cause à effet il délivre sa logique, ce que je cherche effleure le sacré, c'est la révélation et de cette révélation s'attend la rédemption, la délivrance…, l'universalité…
Mais elle est aussi l'expression de l'homme que je suis, de mon espérance d'amour, de mes révoltes et engagements, elle est ce bric à brac qui par fragments me dit qui je suis…
D'elle, ce n'est pas tant le monde que je décris, c'est mon reflet que j'explore…
Imparfaite, inachevé autant qu'hybride, je ne sais si je pourrai mieux l'exprimer que ces quelques vers extraits "d'émergence…"
Rien de concret n'existe, aucun mot, aucun son,"
Aucun concept ne peut définir l'horizon,
Je ne suis qu'un écho, résonance du monde,
Voguant sur l'infini, l'insondable m'inonde…"
Le quatrain qui pourrait d'une certaine façon le mieux éclairer le poéte qu'humblement je suis est peut être celui là :
"J'aspire au nouveau monde et je meurs à l'ancien,
Sans passé ni futur, l'existant m'appartient,
En cet endroit phénix, je renais de l'espace,
Sans empreinte ni trace, immuable…, je passe…"
Wahid.B : La poésie est l'expression de l'homme que tu es, soit, mais quel homme tu es quand tu n'es pas confronté à la plume ? Quand tu n'es pas à la quête de la lumière ? Quand tu côtoies l'ordinaire ?
Philippe.L : Un homme paradoxal, autant curieux et ouvert que solitaire, autant rêveur que les pieds sur terre, mon job ? J’allais dire mon gagne pain ? je suis directeur d'une agence commerciale, patron de deux régions, diffusant des produits pour le gros oeuvre bâtiment.
Paradoxe, peut-t-on à la fois être Poète (état que je revendique) et dirigeant autant que commercial, la preuve est faite que oui ! Et je pense que ma sensibilité de poète enrichit ma relation à l'autre, autant auprès de mes clients et fournisseurs que dans mon management… Elle me fait avoir une vision moins conformiste et plus humaine de mon métier, elle me fait placer l'homme au centre de mon activité.
Elle me permet la distance et le recul nécessaire par rapport aux choses, me permet de voir plus loin que l'immédiat et la simple apparence, de jauger autrement les situations, la poésie me ramène toujours à l'essentiel…
Tout comme les quelques prix que j'ai glané de ci delà au gré des concours, je ne suis pas spécialement fier de mon titre de directeur que peut de gens dans le privé connaisse, il m'arrive plutôt d'éprouver de la gène face aux quelques privilèges qui s'y attache… ma fierté n'est pas ma fonction, mon titre ou ma grosse voiture de fonction… mais les emplois que j'ai contribué à créer de par mon travail, ma fierté réside dans le peu que je peux apporter en plus à mes collaborateurs… Poète est une façon d'être, c'est aussi une philosophie de vie… J'espère ne pas être dans la vie un homme différent que celui que l'on devine à travers ses écrits…
Wahid.B : Nullement mon cher Philippe. Tous ceux qui vous côtoient tombent sous le charme de ta modestie et de la clarté de ton âme qui feraient retourner Béranger dans sa tombe (sourire). J'imagine que la poésie a nourri l'homme que tu es depuis toujours, non ?
Philippe.L : Que l'âme de Béranger repose en paix et que la mienne ne succombe pas sous les éloges…
A l'origine la poésie était le langage des dieux, elle régissait le destin des hommes, les poètes étaient les prêtres, des initiés, elle était l'expression de la lumière, de la sublime vérités (voir le mythe d'Orphée) l'on peut donc dire que l'on entre en poésie comme l'on entre en religion, humble face aux mystères et l'on ne peut faire ce voyage que d'avoir le coeur sincère. La poésie est un pèlerinage aux sources de l'impalpable et depuis le plus jeune âge, de lectures en feuillets noircis j'en explore tous les rivages et visages. D'un constant murmure, elle nourrit autant mon âme que mon regard… Je crois que lorsque l'on devient poète l'on meurt poète (sourire, ne dit t'on pas que les poètes sont immortels)
Wahid.B : A propos de l'immortalité, voici une question que je t'avais posée il y a un temps : "Mais que dire de cette immortalité terrestre dont jouissent les grands littérateurs ?" Et voici ce que fut ta réponse:
"(Sourire), l'immortalité terrestre est relative que sera t'elle dans des millions d'année…?
De vouloir laisser une empreinte, nous ne faisons qu'exprimer une certaine forme d'orgueil, d'homme nous voulons devenir des dieux… Cette volonté exprime notre difficulté d'être… et, notre peur de la mort… Cette peur de la mort signifie notre désir de vie mais aussi combien nous nous pensons précieux…
Apprivoisons l'inexorable pour vivre mieux au présent… car ce qui est précieux est ce qui est et non ce qui ne sera jamais…"
Le poète, la poésie seraient-ils l'orgueil des dieux mythiques ?
Philippe.L : Quelle mémoire mon ami Wahid, je ne renie aucun de ces mots.
L'orgueil ? Par essence le poète ne peut être orgueilleux ou alors il ne fait que jouer avec les mots mais n'en perçoit pas l'essence au delà du sens. De vouloir explorer l'ineffable, il ne peut qu'en aborder les rives qu'avec modestie, si petit nous sommes face à l'insondable… Le langage poétique est le lien entre le ressenti et le mystère comme entre le vécu et l'imaginaire, ce langage touche autant au secret qu'au sacré, il ne peut être emphatique.
L'immortalité est incarné par l'univers, la richesse autant que la douleur de l'homme réside dans sa mortalité, dans sa conscience de la mort, douleur car elle fait naître un sentiment de vide, de perte, car l'ailleurs possible nous reste inconnu, car la vie est la plus merveilleuse et infidèle des maîtresses.
Richesse car cette compagne de tous les jours nous pousse à nous instruire et à nous dépasser, à dépasser notre condition d'homme… Il est vain et prétentieux de penser que d'un écrit ou d'un acte nous pouvons atteindre l'immortalité car celle-ci est limité pour la mémoire humaine si infime aux yeux de l'espace temps… La poésie n'est pas une quête de survivance mais de vérité sublime, universelle. Notre Graal est dans la révélation du lien qui unit les choses, les espaces entre eux. Elle ne cherche pas à expliquer mais à ressentir le lien sacré entre la vie et la mort. D'un oracle, le poète tend à déchiffrer des routes possibles.
La poésie ne peut être un dogme mais au contraire une ouverture "L'esprit et l'infini comme lieu de passage"
"Aux sources du possible, il est d'autres rivages"
le poète n'est pas un dieu, il est un devin et sa poésie, son imaginaire est une clé, en fait le poète est en quête d'harmonie et de paix intérieure… Ce qui induit un nouveau paradoxe comment le poète peut il trouver cette paix dans un monde délétère…? A moins qu'il ne veuille la trouver non point seulement pour lui même mais pour la transmettre…
Peut t'on dire alors que tous les prophètes étaient à l'origine des poètes…?
Wahid.B : Ou que tous les poètes étaient à l'origine des prophètes !?
Cela aurait-il changé le cours de l'histoire et des hommes par les Miracles que les prophètes/poètes ou les poètes/prophètes sont sensés détenir ?
Philippe.L : Les prophètes étaient sans doute poètes avant d'être prophètes, leur langage imagé le laisse supposer (voir les paraboles du Christ, elles peuvent, tout comme la poésie, faire l'objet de bien des interprétations).
D'ailleurs bon nombre de constantes (de Krisna, à Orphée, Pythagore, Platon…, jusqu'au Christ…) relient les prophètes entre eux, l’initiation, la retraite avant la révélation, le sacrifice final, la lumière, la trilogie…
La poésie de par ses racines étymologiques est le langage qui transmet la lumière, Orphée selon la légende était le fil d'Olen (Apollon)
Le prophète n'a pas pour mission de changer le monde, il transmet sa vision, un message, la lumière aux hommes, il prophétise…
Le miracle n'est pas matériel, il est spirituel et il ne peut avoir lieu que si les hommes ont eux aussi la révélation, le miracle trouve source et consistance dans la foi, dans la confiance. Il réside dans l'adhésion que peuvent avoir les hommes à la parole du prophète, grâce a cette parole, de par leur croyance, ils voient et le miracle a lieu…
D'une certaine façon, les prophètes ont changé le monde, du moins, ils ont offert aux hommes la possibilité de le changer. Mais toute vision est soumise à interprétation et de la révélation les hommes n'ont pas su saisir l'essence… lorsqu'ils ne l'ont pas corrompue…
Mais, je te rassure mon ami Wahid, je ne suis pas prophète et je n'aspire qu'à devenir un poète acceptable…
Wahid.B : Parlons de cette paix que tu évoques: "L'ivresse de l'Art est plus apte que toute autre à voiler les terreurs du gouffre" disait baudelaire. Est-ce bien là, la mission du prophète/poète qui détient l'Art ? Partages-tu les propos de ton "maître" ?
Philippe.L : En d'autre temps que le sien, Baudelaire se serait sans doute révélé prophète, n'a-t-il pas fait de nombreux adeptes ? N'y a t'il pas la poésie avant et après Baudelaire…?
J'adhère en grande partie au vers du maître, l'ivresse de l'art, la création est plus que toute chose une façon d'atténuer le vide.
La création est lumière, l'acte même de créer frôle le divin. Dieu était-il ou est-il autre chose qu'un génial créateur ?
Là encore, l'on revient à la grande question de l'immortalité et donc à la douleur humaine qui s'y rattache que nous avons déjà évoquée. De n'être qu'un mortel passant, prisonnier sous des étoiles inatteignables, dans l'art et la création face au vide l'homme trouve un sentiment d'existence, de celui ci, il apprivoise sa crainte…
La mission du prophète/poète est là et ailleurs, elle est dans l'acte visionnaire et ailleurs dans la transmission de la vision, le prophète/poète n'a d'autre mission que d'imaginer des routes possibles…
Ma bibliographie ? Je ne suis qu'un humble poète Wahid, ni la grâce, ni la révélation ne m'ont encore effleurées. Ma bibliographie est donc à l'image de mon oeuvre bien maigre… Quelques vers glissés de ci delà dans des anthologies, des revues associatives… d'atermoiement en hésitations, j'ai eu beaucoup de mal à franchir le pas de la publication, la sortie d'un recueil est dans la vie d'un poète un acte important, publier pour publier et dire j'ai publié ne m'intéresse guère, un livre autant qu'un éventuel lecteur se respecte… j'ai enfin franchi la porte avec "Les innommables…" et j'espère être parvenu à offrir en partage le meilleur de moi-même d'une sensibilité et d'une qualité acceptable… Je publie aussi des les revues Acacia et Poètes sans Frontière (que tu connais bien, il me semble).
En cette occasion, plus que le simple fait de louer et saluer votre travail, je tiens à vous remercier, Toi Wahid et Guy Boulianne, tous les deux réunis en une même passion, de la chance que vous apportez, que vous offrez à tous les poètes, d'exister à travers et dans la transmission de leur art, (cette entrevue dont tu me fais l'honneur en témoigne encore) et j'espère qu'ils en sont tous pleinement conscients…
Wahid.Bennani : Passons à présent aux questions fréquentes, si tu veux bien mon cher Philippe. Publier son premier ouvrage, signifie quoi, pour toi ?
Philippe.L : Quelle vaste question que celle de la signifiance d’un acte… sais-t-on jamais le pourquoi des choses… ? Je sais juste que c’est un acte important, je ne peux plus me cacher dans la tanière des mots… Mon intime affronte les regards, c’est aussi, en quelque sorte, non point un aboutissement, mais une remise en cause…
W.B : Quelle fut ta première inspiration, l’objet de ton premier poème ?
Pilippe.L : Je ne sais plus, sans doute le regard d’une fille croisée dans la rue par hasard ou reflet de lune sur la crête des vagues…
W.B : Quel livre hante-t-il le chevet de ta mémoire ?
Philippe.L : Tant de livres hantent le chevet de ma mémoire, il en est tant encombré que je ne trouve plus le temps de dormir… chaque livre est une révélation, celui sur lequel je reviens le plus c’est Les fleurs Du Mal
W.B : Vers quel poète ton cœur balance ?
Philippe.L : Entre tant d’auteurs, illustres ou inconnus mon cœur balance, initiateur et précurseur, créateur du symbolisme, Baudelaire me hante… mais sans préférence, j’apprécie autant Desnos, Garcia Lorca, Eluard, Mohammed Khair-Eddine, Gaston Miron et que dire de Charles Cros cet autre Baudelaire, en effet, plus qu’avoir un auteur préféré, des textes m’habitent et tous pour des raisons différentes… Et que tous ceux que le temps ne me permet pas de cités, me pardonnent… un dictionnaire ne suffirait pas à les énoncer…
W.B : Ton adolescence fut marquée par qui ?
Philipper.L : En fait, plus que des Poètes se sont des philosophes qui ont laissé les plus d’empreintes lors de cette période, Spinoza, Descartes et d’une façon différente Herbert Marcuse… Quand au poètes François Villon «La ballade des pendus » Victor Hugo « La légende des siècles » et Leconte de Lisle « Les élégies »
W.B : Tu continues toujours à les aimer les mêmes ?
Philippe.L : Comment ne pas continuer à aimer de si grands chefs d’œuvres, d’autres au fil du temps sont venus les rejoindre dans ma soif d’imaginaire et de signifiance…
W.B : Aurais-tu aimé écrire autre chose que les « Innommables » ?
Philippe.L : Des milliers de choses, outre bon nombres d’œuvre des auteurs précités : «Liberté» d’Eluard «Les conquérants» José Maria de Heredia, tout ce que je n’ai pas le talent d’écrire… je ne suis qu’un penon !
Wahid.B : As-tu brûlé tel Néron ta Rome, le cahier de tes premiers poèmes ?
Philippe.L : Ni brûlé, ni conservé…, pourquoi ? Parce que les choses se perdent sur le fil du temps…
Wahid.B : Te souviens-tu de ton premier poème, de son titre ?
Philippe.L : J’ai commencé à composer si jeune et tant de saisons se sont écoulées…, et puis, aux choses écrites, je préfère celles restant à écrire…
Wahid.B : Un quelconque autre contact avec une maison d’édition avant de connaître Mille Poètes ?
Philippe.L : Non, il m’a fallu du temps pour accepter l’idée de publier, j’ai cette fâcheuse tendance à demeurer insatisfait, à me dire que le meilleur sera le prochain poème…, celui qui sur mes lèvres ne demande qu’à naître…
Wahid.B : Ta muse, ton inspiration, a-t-elle un moment précis pour transporter ta plume dans le temple des poètes ?
Philippe.L : Même si j’aurai tendance à dire la nuit, lorsque la terre se repose des clameurs du jour et que s’élève le mystère, il n’y a pas un moment meilleur qu’un autre, l’inspiration ne se commande pas à heure fixe, le meilleur moment est celui qui nous émeut, nous fait ressentir l’âme des choses, celui où amour de l’instant, la muse est au rendez vous…
Wahid.B : Mes questions s’arrêtent là et aussi cette entrevue. Mille mercis pour le temps que tu lui as aimablement consacré.
Philippe.L : Je t’en prie, Wahid. Ce fut un plaisir pour moi aussi.
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Philippe Lemoine :
Les innommables (poèmes)
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