Une avalanche de réformes est à l’ordre du jour cet été. Volonté affichée du Président de la république d’aller vite et de respecter ses promesses de campagne. Elles démontrent que Monsieur Sarkozy et son gouvernement ne flancheront pas et feront tout leur possible pour qu’elles soient entérinées par le Parlement.
Quelles sont ces mesures et quels seront leurs effets sur la « modernisation » de la société française. Revue de détail des principaux projets de loi et orientations.
Le gouvernement est très occupé aujourd’hui à présenter devant le Parlement (soit le Sénat soit l’Assemblée nationale), les différentes promesses phares du candidat Sarkozy. On peut certes lui reconnaître une constance, cependant certaines de ces réformes semblent ne pas apporter les effets escomptés d’un point de vue économique ou juridique aux problèmes de nombreux français. Certains de ces projets de loi sont même dans la continuité de l’inflation législative de ces dernières années sur des sujets comme l’immigration ou le durcissement de la procédure pénale.
Première réforme assez emblématique : la loi sur l’emploi, le travail et le pouvoir d’achat. Déjà l’intitulé semble ne pas être le bon.
En effet, cette loi à part sur le volet des heures supplémentaires, n’offre que très peu de cadeaux aux ménages modestes ou de la classe moyenne. Entre le bouclier fiscal, la réforme de l’ISF, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts immobiliers, et la réforme des droits de succession, ce projet de loi semble favoriser les plus aisés.
Madame Christine Lagarde qui présentait ce projet devant l’Assemblée nationale a reçu un accueil plus ou moins mitigé. Huée par la gauche, elle a également été fraîchement accueillie par sa majorité. Cette réforme est censée faire revenir les gros revenus en France et déjà certains amendements ont été déposés par les députés soit pour aller plus loin dans la réforme de l’ISF soit pour en contrer certains écueils.
La majorité des économistes est très réservée sur cette très coûteuse réforme. Elle grèvera le budget de l’état de plus de 13 milliards d’euros, n’arrangeant en rien le creusement des déficits publics et le non-respect des critères européens sur la dette.
Autre promesse de campagne du Président, le service minimum dans les transports en cas de grève. Elle est accueillie très favorablement par les Français, mais les syndicats dénoncent déjà une atteinte au droit de grève et soulignent qu’elle est mensongère. En effet, ils s’insurgent sur une disposition qui indique que les grévistes ne percevraient pas leurs salaires. Cela a toujours été le cas sauf lors des grèves de 1995. Par ailleurs, deux dispositions dans cette loi, la consultation après 8 jours de grève par l’entreprise ou les syndicats si aucun compromis n’est trouvé et la déclaration par chaque employé 48 heures avant de son intention de faire grève pourraient s’avérer dangereuses. Pour la première, elle pourrait dresser les uns contre les autres les grévistes et non-grévistes, risque inutile pour une entreprise. Sur la deuxième, elle permettrait aux directions d’entreprise de faire pression sur les employés. Autrement ce projet de loi remet l’usager au centre des préoccupations et c’est une bonne chose mais elle ne garantit pas 100% du trafic normal aux heures de pointe.
La loi sur l’autonomie des universités après les pressions étudiantes ne devient plus qu’une loi sur la gouvernance et oublie tout le volet sur la sélection et les droits d’inscription. Elle se contente de donner la possibilité aux directeurs d’universités de faire appel au financement privé, de recruter des enseignants chercheurs et de simplifier la gouvernance en réduisant le conseil d’administration à 20 à 30 membres. Mais elle ne résout pas le problème de l’échec en première année et de la disparité de valeur des diplômes selon la faculté intégrée. Bref, cette réforme hâtive ne va pas assez loin et le gouvernement devra se pencher encore sur la question dans la concertation pour vraiment redonner une valeur professionnelle qui fait cruellement défaut aux universités françaises face aux diplômes des grandes écoles ou autres BTS et IUT sur le marché du travail.
Enfin, les deux dernières réformes s’attaquent à des sujets très chers à notre Président de la République et synonymes de son action passée en tant que Ministre de l’intérieur. Elles sont dans la droite ligne des textes de lois déjà votés et dont certains décrets d’application ne sont toujours pas signés. Il s’agit de la loi sur la récidive, actuellement débattue au Sénat, s’inscrivant dans la continuité des lois Perben I et II, et la loi sur la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, quatrième du genre depuis 2002.
La loi sur la récidive défendue par Rachida Dati instaure des peines planchers en cas de récidive pour les mineurs de plus de 16 ans et les majeurs. Elle permet cependant aux magistrats d’individualiser les peines en motivant leurs décisions « si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion », en fonction des circonstances de l’infraction ou la personnalité de l’auteur. Cependant, cette loi ne mise que sur l’effet dissuasif de peines lourdes, qui n’a jamais été prouvé. Il instaure un système à l’américaine qui depuis longtemps a montré son inefficacité, où la délinquance loin d’être jugulée est même catastrophique. Ce projet oublie le volet prévention et des moyens supplémentaires pour le mettre en œuvre, la prison s’avérant souvent un tremplin pour passer de la petite délinquance au crime organisé.
Quant au projet de loi défendu par Brice Hortefeux, qui ne sera débattue qu’en septembre, il durcit encore plus le regroupement familial et le droit d’asile, déjà mis à mal par les lois précédentes et confronte identité nationale et immigration avec tous les dangers que cela comporte. L’immigré accueillant devra justifier de ressources supérieures ou égales à 1,2 fois le SMIC et le candidat à l’immigration sera évalué sur son niveau de français et sur sa connaissance des valeurs républicaines. Si ce niveau n’est pas suffisant, il devra suivre une formation dans son pays d’origine et en présenter la preuve. Ce projet s’inscrit dans le concept d’une immigration choisie chère à Nicolas Sarkozy. Certes la France ne peut accueillir toute la misère du monde mais les lois précédentes ont déjà montré leur inhumanité en matière de regroupement familial avec l’expulsion forcée d’enfants scolarisés en France. Une énième loi en la matière ne résoudra pas l’immigration illégale et s’oppose au principe de la France en tant que terre d’asile. Le renforcement des politiques de co-développement entre la France et le Tiers Monde seraient plus à même de résoudre cette question qu’une fermeture illusoire des frontières.
Ainsi on assiste assez impuissants à une refonte complète de la solidarité nationale et internationale. D’autres « avancées » du gouvernement sont à prévoir comme la réforme des institutions, qui tend plutôt à une présidentialisation du régime sans mise en cause de la responsabilité du Président devant le Parlement. Ou encore la réforme de la carte judiciaire qui provoque déjà des remous dans différentes circonscriptions judiciaires comme à Metz. Par ailleurs, pour lutter contre les déficits publics, dont ceux de la sécurité sociale, deux projets sont en discussion actuellement : la franchise sur les soins et la TVA sociale. Ces deux impôts indirects toucheraient indistinctement tous les contribuables et le pouvoir d’achat des plus modestes. Face aux cadeaux fiscaux du gouvernement à une toute petite partie de la population, ces deux réformes semblent bien injustes. Seul projet de loi qui s’attaque à la pauvreté, le Revenu de solidarité active et la mission de lutte contre la pauvreté confiés à Martin Hirsch peuvent sembler bien limités pour juguler les inégalités se creusant un peu plus chaque jour en France.