Les enfants d’Internet

De retour d’un voyage en Californie, ma fille me raconte un fait étonnant: les surdoués des nouvelles technologies de Silicon Valley, lorsqu’il s’agit de  leurs enfants, ne veulent pas entendre parler d’ordinateurs et de jeux interactifs, de portables ou de tablettes! Leurs petits apprennent à écrire sur un tableau noir, en formant les lettres avec une bonne vieille craie blanche et en s’exerçant sur un cahier en papier, le crayon à la main. Ils doivent aussi apprendre à compter sur un boulier, sans doute. 

Ca en bouche un coin au pauvre prof de lettres que je suis!

Les cahiers de texte ont disparu depuis un an – en fait, ils sont devenus électroniques. Sauf que, parfois, on ne peut même pas noter les absences, tellement le démarrage est long! Un élève sur dix regarde le cahier de texte sur ordinateur – à se demander à quoi il sert! Mais il faut se mettre au pas!

Quand les parents ne viennent pas s’en mêler (vous auriez l’idée, vous, de donner des conseils à votre boulanger sur la manière de préparer son pain? ou de demander des comptes à votre médecin qui vous a prescrit une piqûre alors que vous auriez aimé avaler un comprimé?), les pauvres diables que sont les profs doivent se surpasser pour … amuser leurs élèves. Ceux-ci, ignorant avec superbe l’idée même des 90% de sueur nécessaires pour réussir, s’ennuient en cours, s’ils ne tchatent pas en douce sur leur portable. Ils n’écoutent pas le prof – pourquoi faire? Mais ils crient sans arrêt qu’ils ne comprennent rien. 

Il y a quelques jours, dans une classe de 1e, j’ai donné à mes élèves un extrait de "La Princesse de Clèves":

"Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes".

Eh bien, plusieurs de mes élèves n’ont absolument rien compris! Il m’a fallu lire avec eux mot à mot et leur expliquer chaque mot et chaque phrase pour qu’ils en saisissent le sens! Ils passent le bac de français en fin d’année …

Ce sont eux qui prendront les commandes dans vingt ans – vous êtes sereins, vous?

5 réflexions sur « Les enfants d’Internet »

  1. Effectivement, dans les celebres ecoles (pour riches) des USA , la tendance est à interdire portables et ordinateurs à l’ecole pour developper les processus d’attention de l’enfant et de l’ado; cela réduit les phenomenes d’hyperactivité en croissance depuis 20 ans.

    Dans ma famille aussi , nous avons interdit l’ordinateur aux petits enfants avant 12 ans.

    Cela fait des enfants plus murs, plus posés et capable de lire et se concentrer plus longtemps que la moyenne actuelle.

    Le cerveau, moins sollicité par le tres court terme, est plus à meme de developper des stratégies et penser.

    L’ordinateur etant devenu de plus en plus facile à manier, ils ne risquent pas de manquer leur development futur.
    j’ai commencé à 20 ans dans les années 70 par de l’Assembleur , le PDP et des cartes perforées, sans compter le ZX80, c’etait plus dur que maintenant, on s’adapte si l’esprit est correctement formé au depart.

    Nous preferons aussi qu’ils ne deviennent pas des genies de l’informatique, une profession de plus en plus saturée

  2. « on s’adapte si l’esprit est correctement formé au départ. »
    Tout le problème est là, vous venez de mettre le doigt sur le point sensible! Il y a quelques années, j’étais tombée sur un article écrit par un scientifique de MIT (je n’arrive pas à le retrouver, hélas …) qui tirait le signal d’alarme par rapport à la nocivité du virtuel informatique sur les très jeunes. Il mettait en garde contre la disparition de l’esprit critique de tous ces jeunes qui prennent Internet pour l’Evangile, qui croient tout ce qui y est écrit et qui, en ne s’intéressant plus au monde réel, en ne prenant plus le temps de lire et de réfléchir, en ne nourrissant plus leur esprit risquent d’entrer dans l’âge adulte fragilisés, désorientés, démunis. A voir les fusillades aux Etats-Unis, le profil d’un Breivik, la violence de certains jeunes qui trouvent normal d’agresser, voire de tuer, pour un gadget qu’ils ne peuvent s’offrir, les suicides en direct et j’en passe, il y a de quoi avoir peur. Heureusement qu’il y a encore des gens qui savent faire la part des choses et qui protègent leurs enfants – mais ce que je vois, c’est que cela devient l’exception. Je ne suis pas défaitiste, je côtoie des adolescents à longueur de journée et je vois d’année en année leur comportement se dégrader. Mais ce qui me révolte le plus, c’est de m’entendre dire ces derniers temps qu’il faut être compréhensif face à la violence verbale ou comportementale des ados parce qu’ils sont « travaillés par les hormones » – être ado donne donc le droit à l’incivilité! Ou bien l’écart entre les programmes d’enseignement et les directives officieuses qu’on nous donne systématiquement de baisser encore et encore les exigences sous prétexte que les élèves d’aujourd’hui « ne peuvent pas comprendre, même les meilleurs »! La belle hypocrisie de l’Education nationale..

  3. Mary Poppins (quelle nostalgie votre pseudo)

    je partage votre avis à 100 %.

    Nous devenons plus laxistes envers les jeunes garçons notamment pour une raison pseudo scientifique (hormonale); je suis souvent choquée par les reflexions de mes petits enfants sur les filles, voire les homos, l’agressivité vehiculée dans les classes par leurs copains.

    Aux USA, on a vite fait de cataloguer un gosse d’hyperactif ou d’autiste et de lui donner des medocs au lieu de veiller à sa formation au sein de la famille (peinture, jeux de societe, puzzles, etc); on le colle devant la tele ou les jeux video pour avoir la paix

  4. Eh oui, ça fait plus de vingt ans que je pousse des coups de gueule contre les parents d’enfants-roi, délaissés et à la dérive entre les bras de cette nounou perverse que peut être la télé. Il faut croire que c’est moi qui ne comprend rien …

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