Les éleveurs laitiers face à leurs destins

Peut-on cautionner, sous prétexte que les coûts d’éclats soient leur seul moyen de se faire entendre, les blocages, à l’initiative des éleveurs, des grandes surfaces ou toutes autres manifestations fleuretant souvent avec la violence ? Les producteurs laitiers s’opposent-ils  à une évolution inéluctable du marché ou ont-ils un réel poids sur leur destin ? Au-delà du cas typique des éleveurs, essayons d’analyser la problématique des prix des produits agricoles sous un angle plus large.

Exceptée l’année 2008, où l’ensemble des matières avaient atteint un plus haut historique, le cours du lait descend régulièrement depuis 10 ans et il pourrait encore continuer jusqu’à la fin annoncée des quotas, en 2015. La fin des quotas laitiers (plafond du nombre de litres par exploitation avec pour contrepartie une « certaine » stabilité des prix, en tout cas moins erratique qu’un bien de consommation lambda) est motivée par un rééquilibrage entre les pays du nord en grande partie financés par les subventions et ceux du sud, obligés d’importer les produits du nord, du fait des écarts de prix.

D’un point de vue géopolitique et environnementale, au-delà des enjeux franco-français, le mode de subventions, financé par la PAC, est complètement dépassé et même en parfaite contradiction avec les enjeux de la planète. La PAC, en étant un peu caricatural, a plus ou moins le rôle d’employeur vis-à-vis des agriculteurs  (subvention moyenne par exploitation de 20000€, mais disparité de 30000 à 5000€). Ces revenus sortent du « compte de résultats » des exploitations agricoles et donc du coût de revient des produits.

Les pays du sud, eux, doivent mettre leur salaire dans le coût de revient pour vivre, d’où un prix de vente plus haut que le nord. Les règles du jeu sont réellement faussées et dans ce jeu de dupe, l’OMC, le flic des mauvaises pratiques commerciales du monde, est un ripou. La libéralisation progressive du prix du lait, et des subventions européennes moins axées sur l’agriculture est l’orientation actuelle, claire et affichée. L’objectif est effectivement de libéraliser les denrées agricoles de manière à ce que les pays pauvres (du sud) puissent davantage « s’auto suffire » (c'est-à-dire consommer les produits qu’ils produisent), sans que des institutions s’immiscent sur le marché.

On aura bien compris que la donnée écologique, les flux nord / sud seraient alors en forte diminution, pèse fortement dans la balance de la réforme en cours. La difficulté va désormais être de ne pas compenser un déséquilibre par un autre déséquilibre, autrement dit que cette sacro-sainte indépendance alimentaire, conquise grâce à l’Europe, soit sauvegardée.

En outre, la France est n°1 mondiale en termes d’exportation agricole par habitant. L’OMC a donc du pain sur la planche. Son challenge consiste à ne pas simplement changer la face du dé pipé.