Les déchets nucléaires, dossier suite 5,

la cimentation.

 

C’est une technique très employée pour les déchets de moyenne activité à durée de vie longue. Cette technique possède de nombreux points communs avec le bitumage. Elle est simple à mettre en œuvre, peu coûteuse et peu contraignante quant aux caractéristiques physiques et chimiques des déchets à intégrer.

Ceci étant, par rapport au bitume, le ciment présente de réelles capacités de fixation chimique des radioéléments. En ce sens, il se distingue d’une simple matrice d’enrobage. Lors de la prise du ciment, des composés nouveaux, issus de réactions chimiques entre les minéraux primaires apportés par le ciment et les constituants du déchet peuvent se former et piéger efficacement les radioéléments.

Ce liant hydraulique est largement utilisé dans l’industrie nucléaire. Il sert à immobiliser des déchets solides au sein de conteneurs ou comme matrice de conditionnement pour enrober des déchets de moyenne activité. Procédé à faible coût et de mise en œuvre facile, il n’est pas dénué d’inconvénient. Les interactions entre les constituants de certains déchets et la matrice cimentaire peuvent conduire à un gonflement et une fissuration du colis, réduisant sa durabilité.

 

À titre exploratoire, des études ont donc été menées pour optimiser la cimentation tout en conservant ses atouts en termes de coût et de mise en œuvre. Les déchets à forte teneur en sulfates, notamment, interagissent avec le ciment, un premier procédé, Compostel, destiné à ce type de déchets, a été étudié. Ce procédé s’appuie sur l’incorporation des radionucléides et des sels solubles dans une structure minérale puis dans un liant hydraulique. Sa faisabilité scientifique a pu être démontrée à l’échelle du laboratoire. Néanmoins, la mise en œuvre industrielle de ce procédé reste complexe, ce qui dégrade fortement l’avantage de mise en œuvre aisée de la cimentation.

 

Une autre piste a été explorée, celle des ciments sulfo-alumineux. Dans ce cas, seule la formulation du ciment change, les installations n’ont donc pas à être modifiées. Les premiers résultats sont prometteurs, leur confortation est en cours. Pour les déchets solides historiques, des études sont menées pour déterminer si et dans quelles conditions le procédé de cimentation peut leur être appliqué.

La technique utilisée ressemble à celle employée sur les chantiers de génie civil. Les déchets, le ciment et l’eau sont dosés séparément, introduits dans un malaxeur pour obtenir un produit, qui, une fois homogène, est coulé dans un conteneur. Ce dernier peut être en acier ou en béton. L’Andra estime à un peu plus de 30 000 le nombre de colis cimentés correspondant à 40 ans de fonctionnement des centrales.

 

Cimentation, précipitation centripète de ciment carbonaté fibreux dans une cavité d’un calcaire. Crédits, Université de Liège, référence ici.

 

Outre son utilisation pour bloquer des déchets solides massifs dans des conteneurs, la cimentation est également utilisée pour enrober des déchets en solution ou sous forme pulvérulente, concentras d’évaporation, boues de traitements chimiques, résines échangeuses d’ions… Les ciments réunissent en effet de nombreux facteurs favorables pour ce type de déchet, disponibilité, coût modeste, simplicité de mise en œuvre, bonne résistance mécanique et, en général, stabilité dans le temps.

De plus, leur basicité après durcissement permet d’insolubiliser un grand nombre de radionucléides. Ils présentent une bonne compatibilité avec les déchets aqueux car l’eau du déchet sert à hydrater le ciment. Dans le cas de la cimentation de déchets liquides ou pulvérulents, les procédés sont le plus souvent continus, le ciment et les déchets sont dosés séparément et introduits dans un malaxeur. Le mélange obtenu est ensuite déversé dans le conteneur. Les procédés de mise en œuvre sont éprouvés et n’ont pas fait l’objet de développements nouveaux. En revanche, des recherches sur les formulations des ciments ont été conduites, pour leur plus grande part en coopération avec les producteurs de déchets, dans le but d’accroître le taux d’incorporation des déchets et d’améliorer les performances des enrobés produits.

 

La cimentation se heurte en effet à deux difficultés, après enrobage, le volume du déchet est doublé, certains constituants des déchets et du ciment peuvent interagir, ce qui peut perturber l’hydratation de la matrice et donc affecter la pérennité des matériaux obtenus. Différentes voies ont été étudiées pour pallier ces inconvénients, le prétraitement du déchet pour limiter ses interactions ultérieures avec le ciment, c’est le principe proposé par le procédé Compostel, qui a fait l’objet d’études depuis 1999. L’étude de nouvelles chimies de liants hydrauliques présentant une meilleure compatibilité avec les déchets à conditionner, les ciments sulfo-alumineux pourraient ainsi constituer une alternative intéressante aux ciments silico-calciques, notamment pour le conditionnement de déchets riches en bore ou en sulfates tels que certains concentras d’évaporation ou boues de coprécipitation chimique produits par les stations de traitement des effluents liquides. À ces études s’ajoute la réalisation de programmes consacrés à la cimentation de déchets MA-VL historiques, notamment les déchets magnésiens.

 

Les déchets liquides et pulvérulents.

Compostel.

Le programme Compostel (Composite minéral pour déchets de STEL) a pour objectif la définition d’un procédé innovant de conditionnement de déchets de STEL. STEL est la station de traitement des effluents liquides du centre de Cadarache. La Stel traite des déchets liquides aqueux provenant de Cadarache et des Centres de Fontenay et de Grenoble.

Il s’agit de fabriquer une matrice dans laquelle les éléments du déchet sont stabilisés au sein de particules dispersées dans un ciment. Ainsi, les interactions entre les éléments à confiner et la matrice composite sont limitées, ce qui permet d’augmenter la charge en déchet dans le colis et donc diminuer le volume de déchet conditionné par rapport à l’enrobage direct par cimentation classique du déchet non stabilisé. La résistance à la lixiviation et la tenue à l’irradiation sont améliorées.

 

La mise en œuvre du concept Compostel comporte deux étapes, une étape de stabilisation du déchet qui consiste en une intégration des radionucléides contenus dans les sels solubles des boues dans une structure minérale de la famille des phosphates de sodium et zirconium (NZP) qui porte la fonction de confinement, suivie d’une étape d’immobilisation des particules ainsi obtenues dans une matrice cimentaire.

Les particules sont préparées en autoclave par traitement hydrothermal, puis mélangées aux constituants du liant hydraulique dans une seconde étape. L’étude de ce concept a aujourd’hui franchi le niveau de faisabilité scientifique. Les études réalisées sur la stabilisation de boues de coprécipitation types, prises dans leurs complexités et leurs variabilités chimiques, ont permis de définir des conditions de traitement hydrothermal conduisant à une incorporation satisfaisante des insolubles dans les structures NZP. Les principaux mécanismes de synthèse des structures NZP ont été identifiés, les conditions de mise en œuvre d’un ciment présentant un taux de charge en particules de 50 % volumique ont été définies.

 

Au final, le volume du déchet conditionné est inférieur à son volume initial de 10 % à 50 %, les propriétés de durabilité chimique acquises sur les phases NZP sont prometteuses. La mise en œuvre industrielle de ce procédé nécessite de concevoir et mettre au point une installation totalement nouvelle, tout au moins pour l’étape de synthèse hydrothermale, ce qui peut être complexe. Lorsque l’évaluation technico-économique de l’intérêt du procédé Compostel a été faite, il est apparu que les coûts et les risques associés à un tel développement étaient trop importants par rapport au gain qui serait apporté en terme de volume de déchets produits. L’étude de la faisabilité technique et industrielle n’a donc pas été entreprise.

 

Les ciments sulfo-alumineux.

Les déchets résultant du traitement des effluents liquides présentent généralement une chimie complexe sont riches en borates et en sulfates. Leur enrobage par un ciment usuel, de type silico-calcique, est source de difficultés importantes, les borates inhibent la prise du liant, les sulfates peuvent être à l’origine du gonflement et de la fissuration différée du matériau durci suite à la formation d’ettringite. En conséquence, il est souvent nécessaire de prétraiter les déchets pour limiter leurs interactions ultérieures avec le ciment. Ce qui complique le procédé. Par ailleurs, l’ajout de réactifs de prétraitement peut accroître le volume des déchets à conditionner.

Les ciments sulfo-alumineux pourraient constituer une alternative intéressante aux ciments silico-calciques. En participant aux réactions d’hydratation du liant, les borates et les sulfates du déchet se trouvent incorporés dans une phase ettringitique non expansive. Des essais exploratoires de laboratoire ont été réalisés sur un déchet synthétique composé d’une boue de coprécipitation chimique mélangée à un concentra d’évaporateur dont les concentrations respectives des sulfates et du bore en solution sont 16 g/l et 5,5 g/l.

L’utilisation d’un liant sulfo-alumineux en remplacement partiel du ciment usuel est source de progrès significatifs, les borates du déchet ne bloquent pas la prise du liant sulfo-alumineux, le déchet peut donc être cimenté sans prétraitement préalable, ce qui permet de simplifier le procédé et d’éviter l’augmentation de volume liée à l’ajout des réactifs de prétraitement. Le taux d’incorporation massique du déchet peut être multiplié par un facteur 1,8 (taux massique de 56 % ou taux volumique de 70 %), 90 % des sulfates et du bore apportés par le déchet restent piégés dans la fraction solide lors d’un test de lixiviation réalisé à température ambiante sur l’enrobé broyé, ce qui témoigne de leur bonne participation aux réactions d’hydratation du liant.

 

Ces premiers résultats prometteurs permettent de conclure à la faisabilité scientifique. Contrairement au procédé Compostel, l’utilisation de ciments sulfo-alumineux au lieu de ciments usuels n’entraîne que peu ou pas de modifications des installations de cimentation existantes, cette voie est donc facile à mettre en œuvre.

C’est pourquoi des travaux complémentaires sont menés pour améliorer les formulations des matériaux cimentaires et étendre en conséquence le domaine des déchets susceptibles de bénéficier de ce procédé.

 

Les déchets solides, voir également ici

Les déchets solides constituent un peu moins de 50 % en volume des déchets à vie longue, d’après le MID, Modèle d’Inventaire de Dimensionnement. Il s’agit de déchets de structure des combustibles, coques et embouts ou de déchets technologiques divers, plastiques, verrerie, déchets métalliques…. Deux principaux modes de conditionnement sont utilisés pour ces déchets, le compactage et le blocage par cimentation. Le compactage des déchets solides en conteneurs métalliques, sans liant hydraulique, concerne essentiellement les coques et embouts, qui sont constitués pour une grande part de tubes, et les déchets technologiques. L’atelier de compactage des coques, destiné à remplacer la cimentation des coques et embouts par leur compactage, a été mis en service en 2002 par Cogema.

La cimentation est la technique la plus utilisée. Les raisons principales de ce choix résident dans l’abondance des matières premières, la densité du matériau, protection biologique, la résistance mécanique, la bonne connaissance de son comportement à long terme, la robustesse du procédé et la simplicité de sa mise en œuvre. Les déchets préalablement compactés ou en vrac sont généralement placés dans un panier, lui-même déposé dans un conteneur métallique ou en béton. Ils sont ensuite immobilisés par du ciment, chargé de limiter le risque de diffusion des radioéléments vers l’extérieur, et forment ainsi un enrobé hétérogène, figure C.2-7, ci dessous.

 

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Figure C.2-7 vue en coupe d’un colis de déchets technologiques en vrac immobilisés par cimentation, document C.E.A ici .

 

Comme pour les déchets liquides, la difficulté essentielle de la cimentation des déchets solides provient des possibles interactions entre les déchets eux-mêmes et la matrice cimentaire. Cela revêt une importance toute particulière pour les déchets historiques, accumulés dans des cuves, fosses ou silos, issus notamment du traitement des combustibles usés des réacteurs de la filière UNGG. Par exemple, les silos 115 et 130 de La Hague contiennent près de 3 000 m3 de gaines et cartouches, magnésium, graphite… entreposés en vrac sous eau. Une démarche analytique a été mise en œuvre afin d’évaluer la faisabilité de la cimentation des déchets de taille inférieure à 5 mm et des produits déposés en fonds de silos, poudre et copeaux de graphite et de magnésium, résidus de pastilles d’uranium. Cette démarche a commencé par l’acquisition de connaissances de base sur le comportement en milieu cimentaire de chacun des constituants des déchets avant d’aborder l’étude des mélanges.

 

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La référence de ces documents s’obtient par un fichier adobe acrobate reader 9.1 «http://www.cea.fr/content/download/3428/16914/file /encc-ad_53fr.pdf» qu’il n’est pas possible de copier

 

Le prochain dossier sera sur la surveillance et la maintenance de l’entrepôt de longue durée.

2 réflexions sur « Les déchets nucléaires, dossier suite 5, »

  1. [i][b]Anido,

    bonsoir…

    J’ai du mal à comprendre… Mais, tous ces déchets nucléaires, ne pourraient-ils pas, même entreposés, servir à alimenter des centrales nucléaires ?
    Puis, que faire de ces entrepôts ?

    Avec toute mon amitié,

    Dominique[/b][/i]

  2. [b]Dominique[/b] bonjour,

    Je comprends ta question, mais on ne brule pas ces déchets comme on veut.

    [b]Au dossier suite 1[/b] il est évoqué le recyclage des déchets pour consommer l’uranium appauvrit restant ainsi que le plutonium extrêmement radioactif à durée de vie longue, et pour cela le MOX a été développé à l’usine Mélox sur le site de Marcoule.

    Or, il se trouve que cette opération [b]au demeurant intéressante[/b], ne donne pas le résultat espéré pour la simple raison que ce retraitement ne réduit qu’environ de [b]20 %[/b] le stock de plutonium mais de plus, [b][u]il continu à augmenter[/u][/b]. En outre le coût pour EDF est élevé [b]145 millions d’euros la tonne[/b]. Pour accroître de rendement du retraitement c’est à dire réduire encore plus les déchets sans produire de plutonium, il faudrait construire des centrales adaptées ce qui n’est pas le cas.

    [b]On traite pas ces déchets comme des ordures.
    [/b]
    En d’autres termes, le retraitement sera probablement arrêté.

    Voila Dominique ce que je peux te dire sur l’utilisation des déchets primaires, les États-Unis ne retraitent pas.

    Bien à toi,

    Anido

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