la classification des déchets et solutions associées.

 

 

Classer les déchets de la filière nucléaire en fonction de leur dangerosité est la première étape avant de chercher des solutions pour les traiter. En considérant en première approche que la toxicité chimique est faible eu égard aux risques liés à l’émission de rayonnement ionisants qu’ils provoquent, on retiendra deux critères de classification,

l’intensité de la radioactivité et la durée pendant laquelle le déchet présente un risque radiologique.

Au premier terme sont associés seuls les becquerels par gramme de matière, tandis que le second sera les périodes des radionucléides présents dans le déchet.

Le becquerel est l’unité de mesure de l’activité d’un radio élément, on dit qu’une source radioactive est de un becquerel lorsque dans cette source, un noyau se désintègre chaque seconde.

1 becquerel = 1 désintégration par seconde.

Pour fixer les idées voici la radioactivité naturelle de quelques produits courants.

Artificielle

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On voit que les méthodes modernes d’investigations médicales ne sont pas sans danger.

 

On distingue parmi les déchets quatre catégories, les déchets de très faible activité, ceux de faible activité classe A, ceux de moyenne activité classe B, et ceux de haute activité classe C.

 

Les déchets de très faible activité.

Ils se distinguent par une très faible activité radioactive < 100 Bq/g en moyenne, c’est le cas d’un terrain granitique 3Bq/g. Ce sont des déchets à vie courte, période inférieure à 30 ans. Cumul à l’horizon 2020 ≈ 500.000 m3. Stockage dans le centre de Morinvillers, Aude, capacité 650.000 m3.

 

Les déchets de faible activité classe A.

Ils sont de durée de vie réduite, radioactivité quelques 100.000 Bq/g. Sont concernés les produits peu radioactifs et dont les radionucléides de période inférieure à 30 ans. Ce critère permet d’assurer qu’au delà de dix périodes, soit trois ans, que le déchet ne présentera plus qu’une radioactivité résiduelle inférieure au bruit de fond naturel. Période courte, Classe A, cumul à l’horizon 2020, 1,2 millions de m3, stockage dans le centre de l’Aude, capacité 1 million de m3 auxquels s’ajoutent les 500.000 m3 du centre de la Manche déjà rempli.

Dans cette catégorie on trouve des éléments radioactifs dans les limites de contamination voisines de celles des gisements d’uranium, seuil fixé à 370 Bq/g. On y trouve aussi pêle-mêle des objets et matériaux contaminés provenant de l’exploitation des réacteurs et des usines du cycle du combustible nucléaire, mais aussi de nombreux produits venant des secteurs miniers, métallurgiques ou agroalimentaires. Les laboratoires de recherche ou d’hôpitaux sont également producteurs de cette catégorie. Période >30 ans, cumul horizon 2020, 90.000 m3, stockage en subsurface à l’étude.

C’est l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs, l’Andra qui en a la charge. Ils ne posent guère de problèmes à la société. La solution consiste à réduire leur volume par compactage, incinération ou encore évaporation puis à les conditionner dans des futs spéciaux qui peuvent être dans des blocs de béton ou des enrobages à base de bitume. Les colis ainsi constitués sont stockés dans des sites gérés par l’Andra. Il en existe deux en France, un dans la Manche qui n’accepte plus de déchets depuis 1994 et le second en cours d’exploitation dans l’Aude.

 

Ces sites constituent une solution efficace pour cette catégorie de déchets.

 

Les déchets de moyenne activité classe B.

Ces déchets ont une activité moyenne de plusieurs millions de Bq/g. Ils sont moyennement radioactifs mais dont la durée de vie beaucoup plus longue exige une solution adaptée à cette contrainte. Ces déchets proviennent majoritairement de la filière électronucléaire et sont pour la plupart constitués des matériaux entrant dans la fabrication et le traitement des combustibles, ainsi que des gaines qui contiennent les pastilles d’oxydes d’uranium dans les assemblages de combustibles. Pour le moment les solutions de traitement sont semblables à celles de la catégorie A, (Classe A, cumul à l’horizon 2020, 1,2 millions de m3, stockage dans le centre de l’Aude, capacité 1 million de m3 auxquels s’ajoutent les 500.000 m3 du centre de la Manche déjà rempli),

 

mais il n’existe pas encore de solutions définitives pour leur gestion à long terme.

 

En attendant, ces déchets sont entreposés de manière sûre mais cette situation, comme pour les déchets C est nécessairement provisoire. Catégorie B période >30 ans, cumul horizon 2020, 60.000 m3 recherches en cours.

 

Les déchets de haute activité classe C.

Ce sont les déchets qui présentent à la fois une forte radioactivité, plusieurs milliards de Bq/g, et une proportion importante d’éléments à vie longue. Ils composent des produits de fission formés au cours des réactions nucléaires en réacteur. Ils représentent une très faible part de l’inventaire environ 1% en volume, mais plus de 90% de la radioactivité totale des déchets, toutes catégories confondues. C’est dans cette catégorie que nous trouvons les verres nucléaires pour les pays qui les considèrent comme déchets. La forte toxicité et la très longue durée de vie conditionne toute l’attention des responsables.

 

Déchets C, cumul à l’horizon 2020, 4.000 m3, recherches en cours.

 

Aujourd’hui, pour certains déchets les solutions définitives ne sont pas encore mise en œuvre. Cela pourrait être critique si pour des raisons liées aux quantités à traiter, les solutions comme l’entreposage ne pourraient être maintenues longtemps  Les déchets à vie longue qui conditionne l’enjeu principal des recherches sont traités, conditionnés dans des matrices spécifiques et isolés en attendant que la société fasse le choix d’une solution définitive.

 

Les solutions associées.

La gestion des déchets radioactifs consiste essentiellement à les emprisonner sous forme solide et stable à l’intérieur de structures étanches elles-mêmes durables de façon à non seulement se protéger de leurs rayonnements, mais surtout éviter leur retour et leur dispersion dans la biosphère.

Un stockage de déchets radioactif ne peut donc en aucun cas être assimilé à une «décharge ou à un tas d’ordures». C’est un système rigide et résistant où interviennent, suivant le principe de la défense en profondeur, plusieurs barrières, le colis de déchets lui-même, l’ouvrage dans lequel il est placé, éventuellement les structures géologiques environnantes. Les déchets ne sont placés dans leur stockage que lorsque le dégagement de chaleur consécutif à leur radioactivité est suffisamment faible pour éviter tout échauffement intempestif.

 

Ceci signifie que les déchets C doivent d’abord être entreposés, pendant une durée de l’ordre de 50 ans, avant d’être stockés. Il est essentiel de noter que, sous cette réserve, il n’y a au sein d’un stockage de déchets aucune source d’énergie à même de déclencher un quelconque phénomène violent, tel qu’explosion ou incendie, pouvant conduire à leur dispersion. La solution pour les déchets dont la radioactivité aura disparu au bout d’un petit nombre de siècles, est simple et connue.

 

Les déchets A , généralement enrobés de ciment, sont placés à l’intérieur de conteneurs étanches en béton ou en acier, strictement contrôlés et répertoriés. Ceux-ci sont à leur tour disposés dans les alvéoles en béton d’un stockage de surface recouvert d’une couverture multicouche, comportant notamment une membrane bitumineuse et au dessus une couche de terre végétale engazonnée. Il est clair que ces structures extrêmement compactes et robustes, situées au ras du sol, résisteront au moins aussi longtemps que subsistera une radioactivité significative. Au surplus un stockage de surface peut être aisément surveillé et éventuellement réparé. Un drain disposé sous le stockage permet de vérifier qu’il n’y a pas fuite de radioactivité vers le sol.

Les déchets C constituent de loin le problème majeur de la gestion des déchets radioactifs, puisqu’ils contiennent la presque totalité de l’activité engendrée par la production nucléaire. Compte tenu de leur temps de décroissance, il apparaît inadapté de les mettre dans un stockage pérenne en surface ou à faible profondeur, ce serait laisser aux générations futures le souci d’en assurer la gestion.

Les placer dans un stockage géologique, à quelque 500 mètres de profondeur, apparaît comme la meilleure solution. Elle suppose bien entendu le choix d’une structure géologique stable, aussi peu sismique que possible, avec de très faibles circulations d’eau. Une deuxième précaution supplémentaire est prise au niveau du conditionnement,

les éléments combustibles non retraités sont enfermés dans des conteneurs en cuivre épais, spécialement étudiés pour minimiser la corrosion en stockage profond. Les déchets issus du retraitement sont incorporés au sein d’un verre spécialement étudié pour, d’une part, fixer dans sa matrice même tous les radioéléments présents et, d’autre part, résister à la corrosion des eaux pouvant circuler en profondeur avec un «taux de lixiviation» particulièrement faible.

C’est le procédé de vitrification mis au point en France dans les années 70. En définitive les blocs de verre, ou conteneurs en cuivre, incluant les déchets C sont placés dans les galeries du stockage géologique, bloqués en place par un matériau sélectionné pour constituer une barrière dite ouvragée, par exemple à base d’argile imperméable à l’eau. Le comblement des galeries se fait au fur et à mesure de l’avancement du stockage, avec des matériaux identiques ou comparables à celui de la barrière ouvragée enveloppant les colis.

Des multiples études et simulations faites pour prévoir l’évolution de ce système dans le temps, il résulte que l’on est en droit d’affirmer, si le stockage a été bien conçu et bien construit, que,

 

l’étanchéité de l’ensemble colis + barrière ouvragée devrait être conservée pendant de nombreux millénaires. Cette étanchéité ne se trouvera dégradée que lorsque les radioéléments à vie courte auront perdu leur nocivité et que subsisteront essentiellement les radioéléments à vie longue issus de la transmutation de l’uranium (actinides).

 

A supposer que les hommes de cette époque lointaine aient perdu la notion de radioactivité (ce qui paraît peu probable, étant donné le rôle que celle-ci va jouer à l’avenir dans beaucoup de domaines), de telles sources seront aisément repérables à des valeurs de radioactivité bien inférieures au seuil de danger. Il est évidemment indispensable que les experts puissent confronter à la réalité leurs données de base sur les colis et les différentes barrières, c’est ce qu’ils souhaitent faire quand ils construisent un «laboratoire souterrain», tel celui de Bure dans la Meuse.

 

Il ne fait pas de doute que la solution verre après retraitement est préférable à la solution du «stockage direct» en conteneur de cuivre. En effet, dans le premier cas, il y a moins de radioéléments stockés (plutonium et uranium naturel ayant été isolés pour recyclage) et ces radioéléments sont mieux fixés au sein du verre que dans les éléments combustibles irradiés. Ceci peut être illustré par le fait que les verres retrouvent la radioactivité du minerai d’origine au bout de 10.000 ans, alors qu’il en faut plus de 100.000 pour les éléments combustibles usés. Mais les deux solutions devront être utilisées, y compris dans les pays ayant fait le choix du retraitement.

 

Les déchets B doivent évidemment rejoindre les déchets C dans un stockage géologique. Ils ont longtemps été considérés comme les plus gênants compte tenu de leur volume relativement important. De très gros efforts ont été faits par la Cogema pour réduire ce volume et ont abouti à un gain remarquable de l’ordre d’un facteur 10 ! Reste que ces déchets ne peuvent être inclus dans des verres, c’est au cas par cas, compte tenu de leur diversité, que doit être défini le meilleur conditionnement permettant d’atteindre une rétention aussi bonne que possible et comparable, compte tenu de la faible teneur de ces déchets en radioéléments de longue vie, à celle des verres des déchets C.

 

En conclusion.

Les solutions mises au point pour les différentes classes de déchets radioactifs constituent une panoplie qui a fait ses preuves. Il est donc faux de dire qu’il n’existe pas de solution au problème des déchets radioactifs.

Ce qui manque, c’est la démonstration en vraie grandeur du «stockage géologique». Si elle n’existe pas aujourd’hui, c’est qu’on s’est heurté, en 1991, en France, au syndrome du NIMBY, 

«pas dans mon arrière-cour, de l’anglais Not In My Back Yard. NIMBY désigne une position éthique et politique, qui veille à ne pas tolérer de problèmes dans son environnement proche. Cette idée peut s’appliquer à une personne (quelqu’un qui a une attitude NIMBY est un NIMBY) ou à une association de riverains créée pour défendre son environnement. Ces associations sont aussi nommées NIMBY. Le terme a été utilisé pour la première fois en 1980 et se retrouve dans la littérature sociologique francophone, on parle parfois de «syndrome nimby».

 

Et ceci est un vrai problème, qu’il sera bien difficile de résoudre, tant que les responsables politiques n’auront pas le courage de dire aux Français qu’un stockage de déchets est totalement inoffensif. A moins d’aller rechercher ailleurs un site plus ou moins désert, et convenable géologiquement, où ce syndrome ne jouerait pas. La loi de décembre 1991 nous a donné un temps de réflexion :

les conclusions de 2006 nous diront si nous avons su en tirer profit, notamment pour améliorer les solutions disponibles, ce qui est toujours possible. Mais n’en attendons pas la disparition du problème. Il y a au contraire fort à parier que les solutions de 2006 ne seront pas fondamentalement différentes de celles de 1990.

 

Les recherches sur le retraitement poussé et la transmutation menées dans le cadre de la loi de 1991 avec l’objectif de réduire la quantité, la nocivité et la durée de vie des déchets à stocker restent par ailleurs un élément important dans l’évolution du dossier. Enfermer les déchets C dans un stockage géologique est bien la meilleure façon de les empêcher de nuire, que ce soit localement ou de façon planétaire, voir ici la Société Française d’Énergie Nucléaire.

 

Le problème de la vitrification constituera le prochain dossier.