Les Borgias, une famille décadente à l’image de son époque (partie 2)

 Le pape Alexandre VI a eu, paradoxalement à son statut, une descendance nombreuse issue de liaisons illégitimes. Deux de ses enfants ont marqué la légende familiale, tout d’abord son unique fille, Lucrèce. C’est  à Subiaco, près de Rome, que la jeune Borgia voit le jour en 1480. Très vite elle va servir d’outil politique pour son père afin de nouer des alliances familiales avec les puissants clans d’Italie. A 13 ans, en 1493, elle va être marié à Giovanni Sforza mais l’union sera annulée par le pape, son père, en 1497, avec pour raison officielle, la non-consommation du mariage. En réalité, les divergences d’opinions politiques et diplomatiques entre les deux hommes ont eu raison de cet « amour ». Giovanni encaisse cette rupture avec beaucoup de difficulté et c’est pour se venger qu’il va alors faire courir des rumeurs d’inceste, Lucrèce entretiendrait une liaison avec son frère César. Une jeune fille d’un tel niveau social ne reste jamais seule très longtemps, dès 1498, elle est remariée à Alphonso d’Aragon mais ce dernier connaîtra une fin funeste en se faisant tuer par César, son beau-frère, en 1500. Ainsi, Lucrèce à tout juste 20 ans est déjà veuve et de nouveau courtisée par tous les seigneurs avides de pouvoir mais c’est son oncle qui mène la danse. En 1501, elle épouse en 3ème noce, Alphonso d’Este, un prince italien, un mariage qui sera plus long que les deux premiers.  A partir de là, la princesse réputée pour sa très grande beauté voit sa situation sociale se stabiliser et reçoit le titre de protectrice des Arts et des Lettres. Elle assure la pérennité du nom Borgia en enfantant de nombreuses fois, la septième lui sera fatale car elle meurt à 39 ans d’une septicémie tout comme le nouveau-né lors de la naissance.  Malgré une image dégradante que beaucoup de détracteurs contemporains tentent de lui faire porter, inceste, empoisonneuse, etc. les historiens tentent de la réhabiliter car en réalité, cette réputation n’est pas fidèle à ce qu’elle était, elle est juste la victime de la difficile position des femmes de haut rang de cette époque.

L’autre enfant terrible de la famille c’est César, né en 1475 à Rome, il collectionne prématurément les titres de « prince de… », « comte de… », « duc de… » en tout genre comme d’autres collectionnent les timbres ou les pièces de monnaie. D’allure élégante, ambitieuse et sans scrupule, sa vie digne d’un film, est une source principale d’inspiration pour Machiavel quand il écrit « Le Prince ». Tout est mis en place pour qu’il succède à son père à la tête de l’Eglise, ainsi de façon absurde, il est nommé évêque de Pampelune à 15 ans et cardinal à 17. Cela rajeunit l’image que l’on peut se faire de nos jours des dignitaires de l’Eglise. Mais les affaires religieuses ne l’intéressent que peu et comme tout jeune noble de son époque, il est fasciné par les chevaux et les armes. Alors que l’on trouve le corps de son frère dans le Tibre, un coup de poignard bien placé, de lourds soupçons pèsent alors sur lui. En effet, il se pourrait que les deux frères qui se disputaient les faveurs d’une femme mariée, Sacha d’Aragon, la fille du roi de Naples, se soient battus.

 Toutefois, il épouse la sœur de Jean III de Navarre, Charlotte d’Albret en 1499. Ensuite, c’est l’ascension, avec son père il va purger les royaumes pontificaux en les débarrassant de leurs responsables un peu trop indépendants vis-à-vis du Vatican pour y placer des pions à leur solde. Ses  forces augmentent au fur et à mesure que les villes tombent dans son escarcelle notamment en Romagne et en Marche. Son titre de gonfalonier, octroyé par son père, lui assure des ressources financières et humaines conséquentes. En battant Catarina Sforza, il s’empare d’Imola et de Forli et avec l’assassinat du seigneur Manfredi, dont le corps rejoindra celui de son frère dans le Tibre pour une baignade ultime, il prend le Castel Bolognese. Puis c’est au tour de Naples de connaître le même sort avec l’aide des français. Florence, devant de tels agissements, prend peur et voulant savoir quel sort lui est réservé, dépêche des émissaires. C’est de cette façon que Machiavel rencontra César et fut marqué par la personnalité du prince Borgia. Finalement, César mène son dévolu sur Bologne mais avant que l’assaut soit mené, un complot sous-jacent émanant de ces capitaines, est éventé. Les comploteurs sont invités pour un dîner de réconciliation mais ceci est un guet-apens et au lieu de repartir en bon terme avec le prince, ils quittent la pièce les pieds devant et le cou broyé. En position de force, ne voyant pas de rival crédible, César se pose une question existentielle que peu d’homme peuvent se poser, va-t-il devenir roi d’Italie ou bien Empereur ? Malheureusement pour lui, il ne pourra pas aller au bout de ses ambitions, lors d’un banquet auquel il se rend avec son père, il est empoisonné. Le pape meurt 8 jours après, mais  César survit et compte continuer sa fulgurante conquête des villes d’Italie. Il pille le trésor papal pour financer son entreprise en Toscane, le nouveau souverain pontife, Jules II, ne compte pas le laisser faire et espère faire tomber le fils car il n’a pas pu avoir le père. Jules contre César et c’est Jules qui va l’emporter, profitant d’une révolte en Romagne, qu’il aurait lui-même organisé, il fait arrêter César qui est conduit devant son ennemi le roi d’Espagne. César n’aime pas les endroits clos et à besoin de grands espaces, il parvient à s’évader de sa prison pour rejoindre son beau-frère pour qui il va se battre et mourir devant la ville de Vianna en 1507. César a connu un destin exceptionnel et même si sa vie a été entaché par des histoire de mœurs assez scabreux, il n’est reste pas moins un grand guerrier.